A Caen, l’opéra Brundibár renaît au théâtre et dans les écoles
Le Théâtre de Caen présente ces mardi et mercredi une création de l’opéra tchèque Brundibár, de Hans Krása. Cet opéra pour enfants est un conte mettant en scène Aninka et Pepíček qui, afin d’offrir du lait à leur mère malade, décident de chanter sur la place de leur village pour gagner de l’argent. Le méchant Brundibár, personnage inspiré d’Adolf Hitler, les en empêche… La création de l’opéra à Caen est accompagnée d’un ambitieux projet pédagogique de qualité. Soraya Brière est médiatrice culturelle au Théâtre de Caen, elle en a dit davantage au micro de Radio Prague :
Rappelons en quelques mots ce qu’est cet opéra Brundibár …
« Brundibár est un opéra pour voix d’enfants qui a été joué dans un contexte particulier, puisqu’il a été joué 55 fois dans le camp de Terezín, notamment en 1944, à l’occasion de l’inspection de la Croix Rouge du camp qui servait de vitrine aux nazis. Même si l’opéra avait été créé par Hans Krása et Adolf Hoffmeister en 1938, avant leur déportation en 1941, cet opéra a été joué là-bas. Nous réfléchissons aussi à ce contexte historique. »
Vous le disiez tout à l’heure, cette création d’opéra est accompagné de tout un projet pédagogique avec des scolaires. Pourriez-vous nous dire comment il s’articule autour de l’opéra ?
« Le projet a commencé au mois de novembre dernier. C’est un projet de plusieurs mois qui concerne 140 élèves de primaire, 550 collégiens et une soixantaine d’étudiants. Donc des tranches d’âge assez différentes. A partir du mois de novembre, on a travaillé en très forte collaboration avec le Mémorial de Caen pour proposer aux élèves tout un parcours à la fois de découverte artistique, du monde de l’opéra, du chant, et puis une découverte du contexte historique. Les élèves ont rencontré des anciens déportés, des anciens enfants cachés, des auteurs de BD qui ont travaillé sur la Shoah, des auteurs de romans. Ils ont visité le Mémorial, le Théâtre de Caen, on leur a fait suivre des cours de chants pour apprendre le cœur final de l’opéra et une chanson qui est rajoutée à l’opéra, qui s’appelle La Chanson de Theresienstadt. Il y a eu énormément de rendez-vous. Ensuite chaque classe s’est spécialisée un peu selon ses envies. Soit ont été fabriquées des affiches du spectacle, soit ont été créés des courts-métrages d’animation, des poèmes, des chorégraphies. Chaque classe s’est impliquée artistiquement pour avoir son mode d’expression sur ce projet. »C’est intéressant d’avoir choisi Brundibár, un opéra chanté par des enfants et pour des enfants. Comment ont réagi les jeunes élèves ? C’est quand même un thème compliqué la Seconde guerre mondiale pour des jeunes enfants…
« Oui, c’est vrai que les réactions sont différentes en fonction de l’âge. Finalement, pour les élèves de primaire, les plus jeunes – c’est un peu maladroit ce que je vais dire, mais ça passe mieux. Ce sont des élèves qui ne se rendent pas compte de tout. Ou vont être très marqués par les rencontres avec les anciens déportés, les enfants cachés, les témoins de l’histoire. Les élèves de 3e ont énormément de questions et d’incompréhension vis-à-vis de cette période de l’histoire. On a eu de longues discussions avec eux. Ils ont une incompréhension vis-à-vis du rôle de la Croix Rouge. En ce moment, il y a une exposition sur la Croix Rouge pendant la guerre au Mémorial de Caen et c’est vrai que ça les a beaucoup questionnés. Ça a donné lieu à beaucoup plus de questions qu’on ne le pensait au départ, ce qui est très bien. Des élèves nous ont aussi demandé comment des maîtrisiens peuvent reprendre aujourd’hui le rôle d’enfants qui ont été exterminés à Auschwitz. Ça a pu être délicat pour eux au début à comprendre et à ressentir. »Vous avez encore programmé un concert d’hommage aux musiciens de Terezín…
« Oui, samedi. L’Orchestre régional de Basse-Normandie qui joue l’opéra va prendre quelques autres partitions pour faire ce concert d’hommage samedi. C’est un concert en entrée libre. On a programmé tout un tas de rendez-vous autour de Brundibár dont ce concert, pour que le public puisse découvrir la musique tchèque qui est magnifique et n’est pas assez jouée à Caen. On a là une très belle découverte musicale. »