Trois ans après sa disparition, Václav Havel suscite la polémique
Ce jeudi, trois ans se sont écoulés depuis le décès de l’ex-président tchèque Václav Havel, dramaturge et ancien dissident. Tous les grands quotidiens locaux ont saisi l’occasion pour se pencher notamment sur la polémique qui existe actuellement dans le pays autour de sa personnalité et qui semble plus aigüe que jamais. Nous en avons retenu quelques extraits. Václav Havel est aussi le protagoniste de plusieurs ouvrages qui viennent de paraître et au sujet desquels nous vous dirons quelques mots. Et, enfin, quelques observations météorologiques pour expliquer pourquoi la neige, tellement attendue dans le pays, est si souvent absente à Noël.
Dans un texte rédigé pour le quotidien Hospodářské noviny, Petr Fischer écrit que la polémique autour de Václav Havel aura pendant encore un certain temps un caractère idéologique. D’après ses propres paroles, il paraît pourtant paradoxal que celui qui, en tant que dissident, défendait des positions non partisanes, inspire aujourd’hui, en premier lieu, en tant qu’idéologue. Il précise :
« Tout un chacun prend chez Havel le côté qui lui convient. La majorité de ceux qui se réfèrent aujourd’hui à Havel, sont en effet guidés par leur boussole idéologique. Pour son successeur, l’ancien président Václav Klaus, Havel constitue un ennemi idéologique qui se serait opposé à ses efforts déployés pour édifier le capitalisme, un homme qui était élitiste et qui demeurera pour toujours plus célèbre que lui-même ce qui ne se pardonne pas. D’un autre côté, les défenseurs des droits de l’homme considèrent Havel comme une icône de leur sainte lutte pour un monde meilleur. Et, finalement, il y a ceux qui voient Havel comme un politicien de droite, car en soutenant la guerre en Irak et d’autres projets néoconservateurs, celui-ci édifiait de bonnes relations avec les Etats-Unis. »
Plus loin, Petr Fischer s’interroge sur ce qui reste du legs de Havel, outre son étiquette idéologique et mis à part, aussi, ses activités culturelles dans les domaines du théâtre et de la littérature. A la question de savoir en quoi consiste son inspiration pour les générations actuelle et futures, il répond :
« Ce qui fascine et ce qui demeure également le plus inspirant chez Havel, c’est la tension existant en son for intérieur entre le dissident et l’idéologue, entre l’homme de la pensée ouverte et le dictateur d’opinions. L’interpénétration des deux aspects et la prédominance continue de positions idéologiques sont évidemment en rapport avec les abus du pouvoir. Le syndrome du pouvoir a atteint même Havel et c’est justement dans le combat, souvent vain, avec ce que dictent, d’un côté, le pouvoir et, d’un autre côté, le devoir de l’intellectuel, que résident le plus grand intérêt historique du personnage de Havel. »
L’édition de ce mercredi du quotidien Lidové noviny cite les paroles de Karel Schwarzenberg, ex-chancelier de Václav Havel. Selon lui, il faudra voir disparaître de l’espace publique la génération d’hommes politiques, avec lesquels Havel se disputait les faveurs, pour qu’il puisse être apprécié à sa juste valeur. Le journal constate également :
« Ces temps derniers, on voit se multiplier plus que jamais des tentatives de modifier la perception de cet homme politique qui est devenu un des symboles de la chute du régime communiste. »
Dans un article publié sur le serveur de l’hebdomadaire Respekt qui met en relief les qualités dont la personnalité de Václav Havel était dotée, l’éditorialiste Martin Šimečka constate entre autre :
« De temps à autre, le portrait de Havel se voit redessiné de façon à en faire un politicien avide de pouvoir qui, tout au long de sa vie se serait avec raffinement préparé le terrain pour pouvoir un jour s’en emparer. Le but d’un tel portrait est évident : effacer de l’histoire tchèque la mémoire des gens qui étaient prêts à sacrifier leur propre liberté au nom de la liberté et de la justice pour les autres (rappelons que Havel a été condamné à quatre ans et demi de prison en tant que membre du Comité pour la défense des personnes injustement persécutées). Pour Havel, la volonté d’apporter des sacrifices pour la défense des valeurs partagées en commun, sur lesquelles est fondée la civilisation occidentale, jouait un rôle clé. Par ailleurs, c’est dans une grande mesure grâce à cela et grâce à Havel également, que l’Occident nous a reconnu le droit de le rejoindre. »
Havel à travers les yeux d’auteurs littéraires et de chercheurs
Chaque fin d’année, le supplément Orientace du quotidien Lidové noviny organise une enquête auprès de différents acteurs de la scène littéraire, écrivains, critiques, éditeurs, journalistes, bibliothécaires, les invitant à nommer un ou plusieurs livres de leur choix parmi les meilleurs de l’année écoulée. Parmi les dix livres le plus souvent cité s’est placé cette fois-ci, en deuxième position, un ouvrage intitulé tout simplement Havel. C’est un travail de Michael Žantovský, à l’époque le premier porte-parole de l’ancien président tchèque, et c’est en même temps l’une trois biographies de Havel qui sont apparues sur le marché tchèque à la veille de Noël. Le journal note à ce sujet :« Il existe des biographies relatives à différentes personnalités qui rappellent un dédale inextricable et obscur. Celle-ci évoque en revanche l’image d’une maison éclairée et spacieuse vers laquelle il est bon de revenir... Dans sa biographie de Havel, Michael Žantovský n’a pas recours à une confrontation ou à une étude minutieuse, son regard n’est pas empreint de dévotion. Il s’agit, plutôt, d’une sorte de conversation amicale. Pour toutes ces raisons, l’auteur a réussi mieux que personne. Il va de soi que ce n’est pas une fin définitive et que d’autres voudront s’employer à l’avenir à examiner et à traduire cette vie hors du commun. Mais tout indique que, finalement, le Livre sur Havel que tant d’auteurs ont approché a enfin trouvé avec Žantovský son Auteur ».
Dans un texte publié dans l’édition de ce jeudi du quotidien Mladá fronta Dnes, Jakub Pokorný remarque que depuis la disparition de Václav Havel, il y a trois ans, les historiens font des recherches dans un domaine surnommé la « havlologie ». De leur propre avis, le plus grand mystère serait lié à la période présidentielle de l’ex-chef de l’Etat tchèque. L’auteur précise :
« D’après le nombre d’ouvrages concernant Václav Havel que l’on peut trouver dans les librairies, on pourrait croire que tout a déjà été dit. Pourtant, il reste encore beaucoup à découvrir. Outre la période présidentielle, ce sont les années 1960, tout comme les années post-présidentielles qui n’ont pas été à ce jour suffisamment décrites. »
Le journal rappelle que les recherches relatives à Václav Havel ont commencé six mois à peine après son départ, par une grande conférence de l’Académie des sciences qui lui a été consacrée.
Une couche de neige pour les fêtes de Noël - un rêve rarement accompli en Tchéquie
Les fêtes de Noël sous une couche de neige. C’est ce qu’espèrent et attendent chaque année une grande partie des Tchèques. Toutefois, cette année encore, tout indique que leur rêve, inspiré dans une grande mesure par des images idylliques de paysages hivernaux enneigés signées du populaire peintre de la première moitié du XXe siècle, Josef Lada, demeurera inaccompli. Un article publié dans une des récentes éditions du journal Mladá fronta Dnes, déjà cité, présente un bref récapitulatif météorologique pour constater que l’absence de neige pendant les fêtes de Noël est, dans les pays tchèques, une chose tout à fait courante :« Il existe un pronostic populaire datant du XIXe siècle qui dit que le Jour de Noël, il faut s’attendre à ce que le temps s’adoucisse. C’est une conséquence de l’influence de courants chauds venant de l’Atlantique. Les statistiques révèlent que cette tendance est confirmée trois fois sur quatre. Par ailleurs, au cours du dernier demi-siècle, la température moyenne pendant les fêtes s’est située légèrement au-dessus de zéro. Cette année, il va faire probablement encore plus chaud. »
Toutefois, comme l’écrit l’auteur de l’article, le pays a connu dans le passé plusieurs Noëls blancs. En 1969, par exemple, la couche de neige à Prague atteignait jusqu’à trente centimètres. Depuis l’an 1970, il n’a cependant neigé à Noël qu’une dizaine de fois. Et l’auteur de souligner que très probablement, du fait du réchauffement climatique, l’apparition de la neige dans les grandes villes sera désormais de plus en plus rare.