Czech made: le pavot
Radio Prague vous propose cette année une série estivale consacrée à des marques et des produits de la République tchèque dont la réputation dépasse les frontières du pays. De l’antivirus Avast aux tracteurs Zetor en passant par le Semtex, la pervitine ou le knedlík - poilu ou non – la sélection ne sera sûrement pas exhaustive ; elle n’en sera pas moins variée.
Non, s’il est question de pavot dans notre estivale de série, c’est parce que la République tchèque est tout simplement le premier pays producteur de pavot alimentaire au monde. Et qu’en plus d’être le premier, elle écrase la concurrence.
A en croire les statistiques fournies par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les agriculteurs tchèques ont produit en 2012 près de 13 000 de tonnes de pavot, loin devant leurs collègues espagnols (7 000 tonnes). Suivent dans ce classement les Hongrois, les Turcs, les Allemands puis les Français (3000 tonnes).
Cette production tchèque a pourtant été réduite de plus de moitié par rapport à l’année précédente, mais selon l’Office national des statistiques, la tendance est de nouveau à la hausse avec une quantité de 14 000 tonnes affichée pour 2013.
Environ 4 000 tonnes sont destinées au marché local ; le reste est vendu à l’étranger, à des prix qui varient fortement d’une année sur l’autre.
Milan Soukup cultive depuis longtemps du pavot dans ses champs entre Prague et Kladno. Pas de doute pour lui - le pavot cultivé en République tchèque, appelé le pavot bleu (modrý mák) en raison du reflet gris-bleu de ses graines, est le meilleur :« Chez nous c’est une tradition, on cultive du pavot depuis toujours. Et puis avec les régulations d’autres cultures, notamment de la culture de betterave sucrière, beaucoup d’agriculteurs ont décidé d’opter pour une autre culture intéressante, celle du pavot. Le consommateur aime le pavot cultivé ici, parce qu’il est aromatique et a un goût sucré, ce qui plaît à notre organisme... »
La bonne qualité du pavot tchèque, si elle reste la principale, n’est pas la seule explication à la hausse de la demande extérieure. Bon nombre de pays où ce produit est traditionnellement consommé ont en effet diminué leur production par crainte de voir des personnes mal intentionnées déferler dans les champs pour tenter d’extraire des plantes leurs substances illicites, qui n’y sont pourtant qu’en très faible quantité comme le précise Milan Soukup :
« Regardez, lorsque j’ouvre la tête de la plante, vous voyez que les graines de pavot sont bleues. Le pavot afghan n’est pas comme ça et n’a pas aussi bon goût, il est planté pour l’opium et pas pour l’alimentation. Nous faisons pousser des espèces de pavot bleu destinées à l’alimentation, et la tête, qui contient de l’opium en quantité très très réduite ne nous intéresse pas vraiment. Même si nous vendons ce que nous n’utilisons pas à l’entreprise pharmaceutique Zentiva en Slovaquie, qui s’en sert pour fabriquer des médicaments à base de morphine. »Les agriculteurs ont une ligne directe pour prévenir s’ils remarquent quelque chose d’inhabituel dans leur champ, par exemple des traces de passage de personnes attirées par les opiacés, mais qui prennent de sérieux risques, selon Dušan Vítek, de l’hôpital de Jihlava :
« La substance ainsi recueillie est un poison. Que les curieux évitent de la goûter ou même de s’en approcher, parce que si elle s’infiltre dans des plaies cela peut provoquer un empoisonnement qui peut même être mortel. »
Il y a deux ans, certains producteurs tchèques de pavot se sont élevés contre des pratiques consistant à mélanger leur produit à du pavot importé de l’étranger, résidu de l’industrie pharmaceutique.Cela a poussé les services de l’inspection agro-alimentaire à renforcer les contrôles sur le pavot vendu en magasin. Dans un rapport publié en février dernier, 5 marques sur 23 ont été décrétées non conformes à la réglementation en vigueur, avec pour certaines des taux d’alcaloïde opiacé (base de la morphine) deux fois supérieurs à la norme.