Coup Fatal, nouveau chef d’œuvre d’Alain Platel à Prague

Coup Fatal, photo: Chris Van der Burght / Site officiel du festival Tanec Praha

Après Vienne et Amsterdam, Prague a été la troisième ville à accueillir, dimanche, « Coup fatal », le nouveau spectacle des Belges Alain Platel et Frabrizio Cassol. Dix jours à peine après la première mondiale, le public du festival de danse contemporaine Tanec Praha a ainsi découvert non seulement une fusion unique entre la musique baroque et les rythmes traditionnels congolais, mais aussi un regard inédit sur la culture de la sape et des sapeurs au Congo.

Coup Fatal,  photo: Chris Van der Burght / Site officiel du festival Tanec Praha
« Nous prenons beaucoup de risques en présentant Alain Platel dix jours seulement après la première mondiale de son spectacle. Alors j’espère que ce projet avec des musiciens et des artistes du Congo sera quelque chose d’extraordinaire. »

Ces propos étaient ceux d’Yvonna Kreuzmannová, la fondatrice et directrice de Tanec Praha, au micro de Radio Prague quelques jours avant le début de la 26e édition du festival. Dimanche, Yvonna Kreuzmannová n’a certainement pas été déçue par « Coup Fatal » : c’est par de longues ovations debout que se sont achevées les deux heures de danse et de la musique au théâtre pragois de Karlín.

Ce qui fait de Coup Fatal une expérience inédite, c’est d’abord la combinaison de l’art de la musique baroque transmis par le contre-ténor Serge Kakudji avec des instruments musicaux congolais, le tout alterné de rythmes traditionnels.

Lui-même à l’origine de ce projet, Serge Kakudji explique que depuis son départ pour l’Europe, il a toujours nourri le désir de lier ces deux univers culturels et de raconter son expérience de départ et de retour au Congo :

Coup Fatal,  photo: Chris Van der Burght / Site officiel du festival Tanec Praha
« Pour raconter cette histoire, j’ai fait des choix de morceaux assez conséquents pour qu’ils collent bien avec ce que je voulais transmettre. Par exemple, le morceau ‘Che farò senza Euridice’, littéralement ‘Que ferai-je sans Eurydice’, ce n’est pas seulement que j’ai perdu une femme, même si tout est lié, cela signifie aussi que j’ai perdu mes amis, ma patrie, on ne m’accueille plus de la même façon. Comment vais-je retrouver cela ? Je sais que je vais le retrouver, mais je ne sais pas encore comment. Cette perte résonne aussi avec les autres instrumentalistes, car, pour les trois quarts d’entre eux, il s’agit de leur premier grand voyage en Europe. C’est la même expérience qui les attend, j’en suis sûr. »

Coup Fatal est aussi une excursion dans la vie de musiciens congolais. Adeptes de la SAPE, la Société des ambianceurs et des personnes élégantes, les danseurs et musiciens de Coup Fatal offrent une expérience de ce qu’est la sape, et comme l’affirme Rodriguez Vangama, le chef des musiciens, la sape est bien plus qu’une simple mode vestimentaire :

« La figure du sapeur… comme on dit à Kinshasa, la sape, c’est une religion à laquelle tu t’identifies. La musique congolaise va de pair avec la sape, donc il faut être bien habillé, bien rasé, bien parfumé. La musique congolaise marche toujours avec la sape. »

Coup Fatal,  photo: Chris Van der Burght / Site officiel du festival Tanec Praha
Un sapeur est donc bien habillé, bien rasé, parfumé, mais aussi un peu un obsédé avec son sexe, ce qui fait que la pièce est pleine de références à la force sexuelle et à la masculinité. Les danseurs et musiciens excellent dans des chorégraphies construites autour des gestes caractéristiques des sapeurs effectués devant et derrière un décor fait des douilles de munitions du sculpteur congolais Freddy Tsimba, référence à la guerre civile. Enfin, à travers plusieurs styles musicaux, comme le folk, le jazz ou le funk, la transmission de l’ambiance des sapeurs de Kinshasa est complète.

Pour découvrir de plus larges extraits des interviews de Serge Kakudji et Rodriguez Vangama et en savoir plus sur le spectacle Coup Fatal, rendez-vous lors d’une prochaine rubrique culturelle.