Scandale de l'alcool frelaté : les coupables condamnés à perpétuité
Souvenez-vous. En automne 2012, l’affaire de l’alcool frelaté au méthanol faisait couler beaucoup d’encre, non seulement en République tchèque, mais aussi dans la presse étrangère. Au fur et à mesure que le nombre de victimes de l’intoxication augmentait, les enquêteurs de la police criminelle dévoilaient un vaste réseau de distribution de bouteilles de spiritueux coupés au méthanol, un alcool primitif originairement utilisé comme liquide de refroidissement pour les automobiles. Deux mois et demi après l’ouverture du procès, le premier verdict est tombé mercredi au tribunal régional de Zlín : deux peines de réclusion à perpétuité et huit autres condamnations allant de 3 à 21 ans de prison ont été prononcées.
C’est ainsi qu’a débuté la lecture du verdict prononcé ce mercredi dans les enceintes du tribunal régional de Zlín. Une lecture qui a duré quasiment une heure et pendant laquelle le président du sénat Radomír Koudela a rappelé non seulement les noms des 48 personnes décédées, mais aussi ceux d’une centaine de victimes qui vivent aujourd’hui, avec des séquelles permanentes. C’est le cas de Vladimír Lipina, retraité de Havířov en Silésie, qui a perdu la vue :
« Si j’étais moi-même à la place du juge, je les condamnerais tous à mort. Mais bon, puisqu’il n’y a pas de peine de mort chez nous, alors ils ont au moins la perpétuité. C’est si difficile. Je ne vois plus mes proches, mes amis, je ne verrai jamais à quoi ressemble mon petit-fils. C’est si triste… Pardonner ? C’est hors de question ! Je les hais, un point c’est tout. »
La défense souhaitait atténuer ces peines lourdes et argumentait par le fait que, parmi les 31 personnes inculpées, la quasi-totalité n’était pas au courant de la toxicité mortelle du produit. Celui-ci a donc simplement et en toute douceur intégré le réseau illégal – mais d’autant mieux huilé – qui régissait la vente d’alcool au marché noir local. Nous écoutons les contre-arguments du procureur Roman Kafka, qui a dressé les peines :« Bien sûr qu’il n’y a pas eu d’intention directe de donner la mort. Une telle chose aurait été considérée comme un acte de folie ou comme une attaque terroriste. Visiblement, ce n’était pas le cas, les coupables ne voulaient pas détruire ce marché illégal bien établi. Toutefois, ils auraient dû être conscients du fait que s’ils distribuaient une substance toxique de cet ordre, une substance dont ils ne connaissaient pas la provenance, cela pouvait représenter un danger pour la santé, et effectivement, ça a été le cas. Peu importe qu’il s’agisse du méthanol ou d’une autre substance toxique. »
Suite à la vague d’intoxication en automne 2012, la République tchèque a connu d’abord une phase de prohibition, où toute boisson à plus de 20% d’alcool pur était interdite de vente ainsi que d’exportation. Le gouvernement a ensuite instauré un nouveau type de timbre d’accise ainsi qu’un mécanisme administratif permettant la traçabilité de chaque bouteille. Depuis avril dernier, l’activité entrepreneuriale dans la distillerie est soumise à une concession d’Etat : le non-respect de cette obligation peut se traduire par une amende d’un million de couronnes (soit environ 37 mille euro). Bien que la majorité des accusés aient déjà fait appel, l’énoncé du verdict est considéré comme un pas sans précédent à l’encontre du crime organisé du marché noir de l’alcool. C’est ce qu’affirme le procureur Roman Kafka :« La sévérité du verdict est un avertissement qui met en garde contre toute autre tentative similaire d’expérimentation sur les personnes, qu’il s’agisse d’alcool ou d’autres commodités, notamment des médicaments. »