Rugby : en visite chez les deux Tchèques du Top 14 (2e partie)
Suite de notre visite chez les deux seuls joueurs tchèques évoluant cette saison dans le Top 14, le championnat d’élite du rugby français. Radio Prague est allé récemment à leur rencontre à Oyonnax. Après le deuxième ligue Miroslav Němeček la semaine dernière, parole est donnée cette fois à un autre « beau bébé » d’un peu plus de 100 kilos, Lukáš Rapant. Le pilier tchèque, que nous avions déjà interrogé en octobre dernier après des succès marquants contre Clermont-Ferrand, Castres et Toulon, est d’abord revenu sur la saison en cours de son club qui, avant-dernier, lutte pour se maintenir dans le Top 14.
Vous êtes donc plutôt optimiste dans l’optique du maintien ?
« Oui ! De toute façon, il ne faut pas être défaitiste. Il ne faut pas se poser de questions et rester convaincus que ça va aller. Si c’était le contraire, ce serait perdu d’avance. »
Malgré tout, que signifierait pour vous une relégation et un retour en Pro D2 ?
« Personnellement, ce serait bien sûr une grosse déception. Depuis que je suis arrivé en France, mon objectif a toujours été de jouer au plus haut niveau. C’est pourquoi, pour l’instant, je ne pense même pas à la Pro D2. »
Vous êtes régulièrement titularisé en première ligne. Etes-vous satisfait de votre saison ?
« Oui, je fais mes matchs, même si je pense qu’on peut toujours faire plus. Je suis content, je peux même dire que je me régale. Je prends plaisir à jouer chaque match qui arrive en essayant toujours de me donner à fond pour l’équipe. Mais je ne suis pas le seul, nous avons tous la même idée en tête : rester dans le Top 14. Nous sommes bien conscients que tout le monde n’a pas la chance de pouvoir joueur à ce niveau-là. »
Le Top 14 est une des meilleures compétitions de clubs au monde en raison de la présence d’internationaux et de joueurs de toutes les grandes nations du rugby au monde. On l’a déjà dit, avec Miroslav Němeček, vous êtes les deux seuls Tchèques à évoluer dans ce championnat. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Et quelles sont les principales différences entre le Pro D2 et le Top 14 ?
« Dans le Top 14, il y a moins de contestations dans les rucks et la répétition des temps de jeu est plus importante. Après, au niveau des contacts, certains mecs sont physiquement plus forts qu’en Pro D2. Après, pour moi… c’est un rêve. Un rêve qui s’est réalisé. Je suis vraiment content et heureux de disputer ce Top 14, qui est effectivement un des meilleurs championnats au monde après le Super 15 dans l’hémisphère sud. En tout cas, c’est ce qu’il y a de mieux en Europe. »
Nous sommes là dans votre stade sur le bord de la pelouse et au pied de la nouvelle tribune qui a été montée en début de saison. On voit que derrière les poteaux une autre tribune est en train d’être installée. Oyonnax est une petite ville, mais on sent que son cœur bat pour son équipe de rugby. C’est un club familial, on le voit avec les supporters qui viennent vous voir et vous parlent comme à des amis. Dans quelle mesure cette chaleur et cette proximité entre les gens sont-elles importantes pour vous ?
« Oui, c’est toujours bien, il n’y a pas de grosses différences entre les joueurs et les gens ‘normaux’ au niveau financier. Nous joueurs avons besoin des supporters. C’est pour ça que nous prenons notre temps avec eux. Personnellement, ça me fait toujours plaisir de parler avec eux. L’esprit de famille est aussi très important, car il facilite l’intégration des nouveaux joueurs. Moi, quand je suis arrivé à Oyonnax, j’ai été très bien accueilli par les anciens joueurs. Dans la tête, cela permet de bien travailler tout de suite. Donc oui, cet esprit de famille, c’est vraiment une très bonne chose ! »
Où en êtes-vous au niveau de votre contrat ?
« C’est ma huitième saison à Oyonnax et il me restera encore un an de contrat la saison prochaine. J’espère que ça ne s’arrêtera pas là, mais on verra bien. Tout dépendra de mon état de santé et de ma condition physique pour pouvoir encore tenir à ce niveau. Je vais tout faire pour rester en forme, mais on ne sait jamais non plus ce qui peut arriver. »
Vous êtes pilier gauche, qui est un poste très exigeant physiquement. Les carrières des joueurs professionnels en rugby ne sont pas forcément très longues du fait des blessures et vous arrivez à un certain âge (32 ans cette année). Comment vous entretenez-vous ?
« Tous les joueurs s’efforcent de faire très attention au niveau de la prévention des blessures. On fait beaucoup d’étirements et un gros travail de musculation, pas forcément très lourd mais plutôt léger pour consolider les muscles et éviter les pépins. Mais vous savez, les blessures, quand elles arrivent, on ne peut rien faire, ça fait partie du jeu. On veille aussi à l’hydratation, à l’alimentation et à toutes ces choses-là pour pouvoir tenir le coup et éviter les problèmes. »
Vous l’avez dit, vous êtes à Oyonnax depuis 2006, mais en France depuis plus longtemps. Vous espérez aller au-delà de la dernière année de contrat qui vous reste, mais commencez-vous déjà à envisager l’après-rugby et votre reconversion en sachant qu’en République tchèque, les perspectives au niveau rugby sont relativement limitées ?
« Je ne sais pas encore si je vais rentrer en République tchèque. Je pense plutôt vouloir rester en France. J’ai passé un diplôme d’entraîneur et suis titulaire d’un brevet qui me permet d’entraîner jusqu’en Fédérale 2 (deuxième échelon du championnat de France de rugby amateur ou quatrième division nationale après le Top 14, la Pro D2 et la Fédérale 1). Je pense aussi à suivre une formation d’électricien. L’idéal serait de trouver de pouvoir travailler tout en s’occupant d’une équipe à côté. Rester dans le rugby me plairait bien. Mais pour l’instant je ne me focalise pas trop sur l’avenir. Je me concentre sur le rugby. Si tout se passe bien, j’ai encore au moins trois saisons à faire. Un pilier peut jouer jusqu’à 35 ans, car on dit que c’est vers l’âge de 30 ans qu’il commence à avoir du métier et… »
Du vice ?
« Voilà, c’est ça, le vice. On commence à connaître toutes les ficelles du métier. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on nous considère vraiment comme des piliers. Après, il y a aussi de la concurrence avec plein de jeunes piliers qui arrivent. Ils sont bien préparés et moi, quand j’ai commencé à jouer au rugby en République tchèque, je n’ai pas eu les mêmes possibilités qu’eux. C’est de plus en plus compliqué, mais je m’accroche et me bats pour garder ma place. »
Avec Miroslav Němeček, passez-vous beaucoup de temps entre Tchèques ?
« On est souvent ensemble lors des déplacements et on se voit forcément tous les jours à l’entraînement. Cela nous arrive aussi dans la semaine en dehors du terrain. Avec Mirek, il n’y a jamais eu le moindre problème ou accrochage entre nous. Je touche du bois, il faut que ça reste comme ça, car ça fait du bien parfois d’avoir quelqu’un à côté de soi avec qui on peut discuter en tchèque. Le fait d’avoir nos familles et nos femmes avec nous, c’est déjà une bonne chose. Mais avoir un autre Tchèque dans l’équipe, c’est encore mieux. Parfois, c’est bien aussi quand personne ne nous comprend… »