Andrej Babiš face à la justice slovaque pour clarifier son passé
Le premier voyage en Slovaquie d’un membre du nouveau gouvernement tchèque, nommé mercredi par Miloš Zeman, est à mettre à l’actif d’Andrej Babiš. Le ministre des Finances et vice-président du cabinet s’est rendu ce jeudi à Bratislava pour rencontrer son homologue slovaque, mais pas seulement. Un des nouveaux hommes forts de la scène politique tchèque y est surtout allé pour des motifs judiciaires. Le nom du milliardaire, chef du mouvement ANO, deuxième formation de la coalition gouvernementale, apparaît sur une liste d’anciens collaborateurs de la StB, la police secrète communiste, une accusation qu’ Andrej Babiš dément catégoriquement et sur laquelle doit se prononcer la justice de son pays d’origine.
Ses objectifs politiques, tels que définis dans l’accord de coalition conclu entre sociaux-démocrates, représentants de son mouvement ANO et chrétiens-démocrates, sont de geler les impôts au moins jusqu’en 2015, d’optimiser l’utilisation des fonds européens et de respecter les critères de convergence imposés par Bruxelles, notamment le maintien du déficit des comptes publics sous la barre des 3% du PIB.
Le nouveau ministre a donc du pain sur la planche, et dès ce jeudi, il comptait profiter de sa visite à Bratislava pour s’inspirer des méthodes de gestion opérationnelles de son homologue slovaque, Peter Kažimír. Andrej Babiš explique :
« Les comptes de l’Etat ne sont pas fonctionnels. Nous n’avons pas ces informations en ligne sur Internet. Le ministère ne sait pas planifier les flux de trésorerie. Ce sont toutes ces choses que nous voudrions introduire dès que possible, et paradoxalement, j’ai une visite ce jeudi en Slovaquie où tous ces systèmes fonctionnent. »« Paradoxalement », car la raison première de la visite du ministre est le procès que lui intente l’Institut slovaque de la mémoire. Ce bureau, basé à Bratislava, l’accuse, documents à l’appui, d’avoir collaboré avec la police secrète communiste, la tristement célèbre StB. Depuis le début de l’affaire, en octobre dernier, Andrej Babiš dément catégoriquement. Il déclarait encore ce mercredi :
« Il n’y a aucun problème, il n’y a aucune preuve. Je n’ai jamais collaboré avec la police secrète. Je pense que cela n’a aucune influence sur quoi que ce soit. »
D’après Babiš, le dossier l’incriminant est un faux destiné à lui nuire, lui qui, au contraire, avec deux émigrés dans sa famille, aurait été inquiété par la StB. Sa signature est d’ailleurs absente du document gravant dans le marbre sa collaboration. Il ajoute qu’il ne pouvait pas être présent lors de sa réalisation, au début des années 1980, puisqu’il se trouvait à l’étranger, au Maroc. Ce jeudi, Andrej Babiš a pu compter sur deux témoins pour confirmer ses dires devant les juges.
A l’époque, celui qui deviendra l’un des hommes les plus riches du pays, travaillait pour la société d’exportation Petrimex, l’ancêtre du groupe Agrofert. Pour l’Institut slovaque de la mémoire, il serait d’abord devenu un informateur en 1980 sous le nom de code de « Bureš », plusieurs documents l’attesteraient, puis deux ans plus tard, un réel collaborateur. Journaliste pour l’hebdomadaire slovaque Tyzden, Marek Vagovič affirme qu’il s’agit d’une trajectoire crédible et croit en la culpabilité de monsieur Babiš, dont le profil ne pouvait à l’époque qu’intéresser la police secrète :« La StB n’était pas seulement intéressée par des questions relatives à l’économie autour de ses personnalités. Elle s’intéressait également aux relations qu’entretenaient les gens, aux contacts avec l’étranger, avec les étrangers et les émigrés. Leurs rapports documentent cela très bien et montrent que ce type de personnes collaboraient très activement avec la Stb. C’est pourquoi je ne crois pas qu’Andrej Babiš dise la vérité. »
Andrej Babiš a déjà bénéficié d’un passe-droit pour devenir ministre. Le chef de l’Etat, Miloš Zeman, a en effet accepté de le nommer malgré son incapacité à présenter une attestation de lustration, document prouvant qu’il n’a pas collaboré avec la police secrète, à condition toutefois que la loi dont découle cette obligation, vieille de plus de vingt ans, soit abrogée au plus vite par les députés. Néanmoins, si Andrej Babiš est reconnu coupable, et qu’il a donc menti, le nouveau gouvernement pourrait déjà perdre un ministre très influent et le mouvement ANO son président fondateur.