La « Semaine de Jan Palach », la semaine qui a secoué le régime communiste

La Semaine de Jan Palach

Ce 16 janvier 2014 marque les 45 ans depuis l’immolation par le feu à Prague en 1969 de Jan Palach, étudiant en philosophie qui, par son geste, a protesté contre l’inaction des citoyens tchécoslovaques face à l’occupation du pays par les forces du pacte de Varsovie depuis août 1968. Vingt ans plus tard, entre les 15 et 20 janvier 1989, les citoyens tchécoslovaques ont amorcé leur révolte contre le régime communiste de façon plus intense. Journaliste, interprète et ancienne dissidente, Petruška Šustrová est revenue au micro de Radio Prague sur l’atmosphère de ces événements appelés par la suite « La Semaine de Palach ».

Jan Palach
La troisième semaine de janvier 1989 a secoué de façon assez inattendue le régime communiste tchécoslovaque. Si au début, seule une cérémonie commémorant la mort de Jan Palach, décédé trois jours après son immolation, était prévue, elle s’est rapidement transformée en une forme bien plus importante de protestation contre le pouvoir de normalisation en place. Des milliers de personnes ont ainsi exprimé leur désaccord dans les rues, non seulement de la capitale tchèque, en risquant de sévères représailles. Signataire de la Charte77, et actuelle présidente du conseil d’administration de l’initiative civique « La Biélorussie citoyenne », Petruška Šustrová, est revenue sur les souvenirs de la « Semaine de Palach », précisant que des voitures de police la surveillaient constamment.

La Semaine de Jan Palach,  1989
« Je faisais partie du collectif des porte-paroles de la Charte 77, et j’ai donc participé aux préparations. Moi-même je n’étais pas allée à la manifestation le premier jour, parce que je n’avais trouvé personne pour garder mes enfants. Mais j’étais tenue au courant par le biais du téléphone ainsi que des radios étrangères. Et par la suite, je me suis effectivement rendue à des manifestations à deux reprises. Il faut dire que l’émotion était très forte. Car nous les dissidents, nous avions toujours tendance à nous sentir comme une société particulière au sein d’une autre société. Cela voulait dire que nous n’entrions en contact avec les « gens normaux » que par le biais du comptoir du magasin. Etant donné qu’ils nous avaient tous licenciés, et que les voisins ne nous parlaient pas beaucoup ou faisaient comme s’ils étaient de notre côté, nous étions isolés. Et là, en janvier 1989, ce n’était pas un collectif de dissidents, mais c’était bien la société normale, rassemblant des milliers de personnes. C’était très impressionnant. »

La Semaine de Jan Palach
Or, le rassemblement du 15 janvier avait été dispersé par la police de l’époque à l’aide de matraques, de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Et c’est cette violente répression qui avait déclenché une avalanche de protestations, lesquelles se sont traduites par d’autres manifestations entre le 16 et le 20 janvier 1989. Au total, près de 1 400 personnes avaient été arrêtées. Si quelques manifestations avaient eu lieu pendant les trois années précédentes, pour Petruška Šustrová, les protestations avaient pris de l’ampleur par cette semaine entière. Et même si personne ne savait réellement si le régime allait s’effondrer, il paraissait désormais ébranlé dans ses fondements. Petruška Šustrová nous révèle en quoi se souvenir de Jan Palach en 1989, 20 ans après sa mort, avait été important à l’époque pour les citoyens tchécoslovaques, dans une atmosphère vibrante et tendue.

« La société ne possède pas tant de symboles que cela. Et de même que la société, le pouvoir en place comprenait très bien, que Jan Palach, qui a sacrifié sa propre vie, était un symbole très fort. Tout comme tout le monde se souvient de la date de l’assassinat de Kennedy, chacun de ma génération se souvient de quelle façon il a appris le décès de Jan Palach. C’était quelque chose de très significatif, quelque chose qui ne peut pas être effacée de la mémoire de la société. »

En 1989, des journalistes qui se rendaient dans le pays, avaient contribué à informer les auditeurs étrangers des différents événements en Tchécoslovaquie. Ils avaient, par exemple, fait savoir que les porte-paroles de la Charte 77 avaient été arrêtés par la police, en déposant des fleurs sur la tombe de Jan Palach. Les auditeurs étrangers ont pu également apprendre que Václav Havel avait lui aussi été arrêté dans la rue par la police. Amie proche de Václav Havel, Petruška Šustrová, nous livre plus de détails sur son arrestation:

Petruška Šustrová,  photo: Vendula Uhlíková,  ČRo
« Václav Havel qui ne croyait pas pouvoir réussir à se rendre aux manifestations, s’était caché dans l’appartement d’un ami – il appelait cela ‘appartements secrets’ et je crois bien qu’il a repris ce terme d’un roman policier (rires). Il a donc prix une fleur, il s’est faufilé dans la foule et s’est rendu sur la partie inférieure de la place Venceslas (place à Prague où s’était immolé Jan Palach, ndlr), afin de guetter le moment propice pour y déposer la fleur. Or, sur le chemin, la police l’a arrêté et l’a emmené. C’était tout à fait absurde ; un homme qui marche sur le trottoir dans la foule tenant une fleur à la main, se fait arrêter. Bien évidemment, il a été arrêté parce que c’était Václav Havel. »

Si la « Semaine de Jan Palach » a débuté de façon discrète, elle a marqué de façon considérable un certain renouveau de l’activisme civique qui allait culminer le 17 novembre 1989, avec la Révolution de velours.