Ukraine : pour la République tchèque, le Partenariat oriental doit être un engagement
Les manifestations en Ukraine sont étroitement suivies par les médias tchèques. Certains commentaires s’interrogent sur la façon dont les événements à Kiev se rapportent à la République tchèque. Les eurosceptiques tchèques affaiblis avant les élections européennes, le million d’enfants qui ne sont pas nés et représentent une grande dette de l’Etat, ou encore le chef d’orchestre Václav Luks à l’heure de la musique baroque, sont les autres thèmes qui figurent également au menu de cette revue de la presse régulière.
« C’est en 2009 à Prague, lors de la présidence tchèque de l’Union européenne, que le projet de Partenariat oriental appelé à permettre à six républiques postsoviétiques de se libérer de la sphère d’influence russe, a été inauguré. La mise en valeur de ce projet reste aujourd’hui encore au cœur de notre intérêt. Le cabinet démissionnaire de Jiří Rusnok n’a rien modifié à ce concept et le chef de la diplomatie Jan Kohout a même récemment déclaré que ‘le Partenariat oriental demeure une priorité de longue haleine pour la Tchéquie’. »
Aujourd’hui, comme le souligne l’auteur de l’article, la représentation politique tchèque semble cependant avoir choisi une tactique de louvoiement. Elle explique pourquoi :
« La réalité est quelque peu différente. S’agissant de la situation en Ukraine, c’est vrai que le ministère des Affaires étrangères a publié une déclaration sur son site pour dire que la violente répression des manifestations était ‘inqiuiétante’, mais rien qui indiquerait quelle est la véritable position de la Tchéquie. Les déclarations fortes sont plutôt rares en diplomatie, mais il y a tout de même des moments où une position claire est nécessaire... De concert avec la Pologne et la Suède, la Tchéquie a accepté de plein gré son rôle d’avocat de l’orientation européenne de l’Ukraine. Maintenant que ce pays se trouve à un carrefour, les Tchèques ne doivent pas se taire. »
Le journal cite également un ancien diplomate qui prétend que « si les Tchèques ne veulent pas perdre le respect dont ils jouissent en Ukraine et les alliés que sont pour eux les Polonais et les Suédois, ils doivent soutenir ouvertement les manifestants ukrainiens. Pendant de longues années, nous les avons assurés de notre soutien ».
L’éditorial de la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt signale pour sa part :
« Les manifestations massives à Kiev et dans d’autres villes ukrainiennes expriment le désir et un objectif clairs de ses habitants – celui de devenir Européens. Vu de la Tchéquie, qui en règle générale est profondément sceptique à l’égard de l’Union européenne, ces manifestations peuvent paraître naïves, voire même ridicules. Mais c’est le contraire qui est vrai. Ce qui est naïf et ridicule, c’est le mépris tchèque vis-à-vis de l’Union européenne. A Uzghorod, ils en sont déjà bien conscients. »
Les eurosceptiques tchèques affaiblis avant les élections européennes
Un autre article de l’hebdomadaire Respekt s’interroge sur les défis des élections européennes qui auront lieu l’année prochaine et qui suscitent déjà des craintes quant à une montée en puissance des groupes antieuropéens, radicaux et même extrémistes. A quoi donc peut-on s’attendre en République tchèque, considérée comme un des pays les plus eurosceptiques, un pays qui n’a pas voulu l’euro et qui est le seul, avec la Grande-Bretagne, à ne pas avoir rejoint le « pacte budgétaire » ? A cette question, l’auteur de l’article répond :« Aussi paradoxal que cela puisse paraître, en ce moment, on peut croire que la République tchèque ne s’éloignera pas trop de la moyenne européenne. Lors des dernières élections législatives, les eurosceptiques, qui par ailleurs ne sont pas unanimes, ont essuyé une défaite écrasante. Leur père spirituel, Václav Klaus, n’aura probablement pas le courage de devenir leur leader et de présenter sa candidature au Parlement européen. Et même s’il voulait le faire, il n’intéresse plus personne. Mais tout peut encore changer. »
Un million d’enfants ne sont pas nés – une grande dette de l’Etat
Ce n’est pas seulement au déficit des finances publiques que l’Etat devrait prêter attention, mais aussi à celui résultant de la faible natalité. Comme le constate l’économe Lubomír Mlčoch dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Ekonom, un million d’enfants ne sont pas nés en République tchèque ces vingt dernières années, comme il l’aurait fallu. Lubomír Mlčoch précise :« Nous avons des dettes dans les deux domaines, mais le facteur humain est peut-être plus grave encore que la dette financière. Pourtant, cette dernière est pour nous plus importante dans la mesure où nous estimons qu’il faut économiser sur les dépenses en faveur des familles. Mais c’est une politique imprudente. »
Le facteur socioculturel et le passage à une société de consommation seraient les principaux responsables du déficit démographique. S’y ajoutent également des facteurs économiques, le soutien accordé aux familles étant de plus en plus faible. Lubomír Mlčoch va même jusqu’à prétendre que « notre société est en quelque sorte plus hostile encore à l’égard de la famille que le précédent régime communiste dit de normalisation ». Toujours selon lui, il existe pourtant des Etats qui savent comment s’y prendre et qui soutiennent les familles de façon réfléchie et continue. A cet égard, la France, qui parvient à créer un climat de confiance en offrant les garanties nécessaires aux parents, constitue pour lui un modèle.
Le chef d’orchestre Václav Luks à l’heure de la musique baroque
Orientace, le supplément de Lidové noviny, a publié un entretien avec le jeune chef d’orchestre tchèque Václav Luks, tout en présentant celui-ci comme une incarnation du rêve américain à la tchèque et en soulignant que c’est grâce à un travail assidu qu’il remporte aujourd’hui des succès dans toute l’Europe et collabore avec des orchestres prestigieux. Václav Luks est en outre le promoteur de l’intéressant projet intitulé « Etoiles de l’opéra baroque », dont la deuxième édition, consacrée aux auteurs tchèques, se tient actuellement à Prague. Une façon aussi de rappeler qu’au XVIIIe siècle, la musique tchèque était largement reconnue en Europe. Václav Luks confirme :« Il n’y a aucun doute. A cette époque, la musique tchèque jouissait d’une grande notoriété. Selon de nombreux témoignages, on pouvait trouver dans pratiquement chaque grand village tchèque une bonne et souvent même une très bonne école de musique. Certains compositeurs, parmi lesquels en premier lieu Josef Mysliveček, sont devenus de véritables célébrités. C’est d’ailleurs à cette époque-là que remonte le proverbe qui prétent qu’un musicien sommeille en chaque Tchèque. Hélas, cette réputation s’est estompée au fur et à mesure. »
Ce constat n’est pas seulement la conséquence de la barbarie culturelle des quatre décennies de régime communiste, comme on le prétend souvent. Pour Václav Luks, la réalité traduit plutôt le côté plébéien mis actuellement en valeur dans la société tchèque. Il précise :
« Nous avons tendance à considérer la culture comme une chose qui n’est digne d’intérêt et d’attention que si nous avons pour elle suffisamment de moyens et d’énergie. Elle n’est pas pour nous quelque chose d’absolument essentiel, un élément fondateur de la société qui serait source de son identité et de sa fierté... Autrefois, la musique et la culture jouissaient dans la société d’un intérêt bien plus élevé. »
Ceci dit, le chef d’orchestre Luks se félicite de ce que la crise économique ne semble pas avoir trop touché les productions de musique classique, l’intérêt du public demeurant pratiquement le même.