Accueil des refugiés : les Tchèques peu solidaires des Etats du sud de l'UE
Le sommet du Conseil européen réunit à Bruxelles, ces jeudi et vendredi, les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-huit. Au programme de la rencontre figure notamment la politique européenne d’immigration imposée à l’agenda par le récent drame de Lampedusa. L’île italienne a été le théâtre, le 3 octobre, d’un naufrage qui a coûté la vie à plus de 300 immigrants. Cette triste actualité pose donc de nouveau la question de la responsabilité partagée de tous les pays quant à la mise en place d’une politique d’immigration digne des valeurs européennes. Les pays dont les frontières sont celles de l’espace Schengen appellent à plus de solidarité dans l’accueil des réfugiés. Une vision des choses qui n’est cependant pas celle des représentants tchèques.
« La situation aux frontières au sud de l’Europe, en Italie, en Grèce ou à Malte, constitue un problème très grave pour la politique d’immigration et d’asile de l’UE. Effectivement, les principes de Dublin II stipulent qu’un réfugié est tenu de déposer sa demande d’asile dans le premier pays de l’UE où il est entré, ce qui, fort logiquement, est un pays au sud ou à l’est de celle-ci. »
L’Organisation internationale pour les migrations estime que 1 700 personnes sont décédées en Méditerranée en 2012 en essayant d’atteindre les côtes européennes. Frontex, l’agence européenne en charge de la protection des frontières extérieures de l’Union, estime que plus de 31 000 migrants sont arrivés en Europe entre janvier et septembre 2013 par voie maritime, principalement par Lampedusa ou la Sicile. Fort logiquement, les pays aux frontières de l’espace Schengen appellent donc à réviser le système Dublin II mis en place en 2003. Ces Etats souhaitent l’adoption de mesures permettant une gestion plus équitable des frontières ainsi qu’un accueil mieux réparti des réfugiés. Néanmoins, ce projet ne recueille pas l’enthousiasme des représentants tchèques. Directeur du département de la politique migratoire et d’asile du ministère de l’Intérieur, Tomáš Haišman explique pourquoi :« Chaque Etat est responsable de façon primordiale de la protection de ses frontières et de sa politique d’immigration. A cela s’ajoutent des règles communautaires qui permettent l’existence de l’espace commun de Schengen. Il faut surtout exiger l’application de ces règles. Si un Etat est défaillant et ne respecte pas ses obligations, doit-on être solidaire avec lui ? Faut-il tolérer l’irresponsabilité de la Grèce ou bien les autres Etats de l’Union européenne doivent-ils se substituer à ces pays si ceux-ci ne parviennent pas à remplir leurs obligations ? »Tomáš Haišman suggère qu’il faut contraindre les pays du sud de l’Europe à répondre aux défis qui découlent de leur position géographique. A cela, Martin Rozumek répond :
« L’attitude tchèque est très peu solidaire. Selon les Tchèques, le problème réside dans l’incapacité des autres pays à s’acquitter de leurs obligations. En se trouvant géographiquement au centre de l’espace Schengen, nous profitons du système Dublin II parce que nous ne sommes jamais le premier pays d’entrée pour les demandeurs d’asile. Nous devrions être parmi les premiers à manifester notre solidarité justement parce que nous sommes les principaux bénéficiaires de ce système. »Selon Eurostat, l’agence européenne des statistiques, le nombre de demandeurs d’asile dans l’UE a tout juste dépassé les 300 000 en 2011. A la lumière de ce chiffre, la République tchèque prend l’allure d’un îlot au cœur du Vieux continent avec 756 demandes d’asile en 2011, une donnée à comparer aux 10 000 demandes formulées en Hongrie et aux quelque 15 000 en Pologne.
A l’échelle européenne, une révision en profondeur de la politique d’immigration ne semble pas à l’ordre du jour. En réponse à des drames comme celui de Lampedusa, les représentants des Etats membres, dont ceux de la République tchèque, ont choisi de renforcer le dispositif Frontex et de lui adjoindre un nouveau système de surveillance baptisé Eurosur.