Moins d’un millier de demandeurs d’asile en Tchéquie au premier semestre

Photo: ČT24

Plus de 220 000 réfugiés ont effectué une demande d’asile en Allemagne au premier semestre de cette année. En République tchèque, ce nombre s’est établi à seulement 765, soit presque trois cent fois moins... Ces demandes sont le plus souvent et comme ces dernières années le fait de ressortissants ukrainiens, nouvellement et dans une moindre mesure de citoyens irakiens ou chinois. Pour évoquer la politique tchèque en matière d’asile, Radio Prague a interrogé Martin Rozumek, le directeur de l'Organisation d'aide aux réfugiés :

Photo: ČT24
« Le nombre de demandeurs d’asile en République tchèque est très faible. En fait, il est faible depuis que nous sommes entrés dans l’Union européenne. La République tchèque a dès ce moment perdu son attractivité pour tous les réfugiés en transit. L’an dernier, il y a eu 1525 demandeurs d’asile, ce qui est ridiculement faible quand on considère l’ampleur de la crise migratoire qui a eu lieu en Europe. »

Avec 765 demandeurs d’asile au premier trimestre, l’année 2016 semble s’apparenter à 2015, ce qui représente une relative augmentation par rapport aux années précédentes. Mais à titre de comparaison, en 2003, juste avant que la Tchéquie ne rejoigne l’Union européenne, plus de 11 000 étrangers, dont la majorité en provenance de l’Est de l’Europe, avaient sollicité une protection dans le pays. La République tchèque n’est plus attractive pour les réfugiés et cela s’explique par plusieurs facteurs selon Martin Rozumek :

Martin Rozumek,  photo: ČT24
« Evidemment, l’Etat essaie d’être le moins attractif possible pour les réfugiés. Sa politique est très restrictive. La plupart de ceux qui sont arrivés l’an dernier ont terminé dans des centres de rétention pour ensuite poursuivre leur route vers l’Allemagne. Mais il y a également d’autres raisons : la difficulté de la langue tchèque, un programme d’intégration inabouti, l’absence de certaines communautés en République tchèque puisque peu d’Afghans, d’Irakiens ou de Syriens y vivent, c’est-à-dire les principales nationalités arrivées en Europe l’année dernière. »

En Tchéquie, les Ukrainiens sont depuis longtemps la nationalité la plus représentée parmi les demandeurs d’asile. Exceptionnellement au premier semestre 2016, on trouve également des Irakiens, en raison du programme d’accueil initié par l’organisation Generace 21 mais interrompu par le gouvernement, et des Chinois de confession chrétienne, se disant persécutés dans leur pays. Plus traditionnellement, les demandeurs viennent également du Vietnam ou bien de Cuba.

Il y a donc comme un paradoxe entre la peur gigantesque qui semble travailler de larges pans de la société tchèque vis-à-vis des réfugiés venus du Moyen Orient au regard du faible nombre de demandeurs d’asile originaires des pays de la région. Martin Rozumek :

Photo: CC BY-NC-ND 2.0 Generic
« C’est une peur de l’inconnu. Les gens n’ont aucune occasion de rencontrer des personnes venues d’Irak, de Syrie ou d’Afghanistan. Ensuite, les seules informations qui sont à disposition du citoyen lambda sur internet sont malheureusement relatives aux atrocités commises par le soi-disant Etat islamique et aux attaques terroristes. Ce sont les seules informations qui parviennent aux citoyens tchèques à propos des personnes originaires de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou même d’Algérie ou du Maroc. La principale raison, c’est donc la peur de l’inconnu et ensuite la panique engendrée par les informations sur internet dont tirent profit nos politiques. »

L’Organisation d’aide aux réfugiés, que dirige M. Rozumek, tente d’apporter un soutien juridique aux migrants, de leur expliquer quelles sont leurs possibilités, de travailler auprès d’eux dans les centres de rétention administrative. Ces structures, critiquées l’an passé pour leurs conditions d’accueil, sont actuellement à moitié vide, mais le directeur craint qu’elles soient à nouveau en surcapacité si l’arrivée des réfugiés s’intensifie de nouveau. La politique tchèque en matière d’asile, opérée par le ministère de l’Intérieur, consiste à faire en sorte que cela ne soit pas le cas, mais elle est très critiquée par Martin Rozumek :

Photo: CC BY-NC-SA 2.0
« C’est une politique d’asile égoïste par laquelle on tente de faire porter le fardeau sur les pays voisins avec l’objectif que les réfugiés finissent plutôt en Allemagne ou en Suède. Et ce n’est pas responsable, notamment à l’égard de nos partenaires européens. Nous ne sommes pas solidaires, nous ne recherchons pas une solution commune mais nous essayons de fermer ce pays le plus possible pour que les réfugiés ne viennent pas chez nous. »

Notons enfin que demander l’asile ne constitue pas la garantie de l’obtenir : au premier semestre de cette année, la République tchèque a effectivement accordé l’asile à 131 personnes et une protection subsidiaire et temporaire à 172 autres.