Ladan Boroumand : « Avec la disparition de Václav Havel, nous avons perdu un protecteur, mais nous avons toujours un mentor »
Le premier prix des droits de l’Homme Václav Havel a été décerné au dissident biélorusse Ales Bialiatski. Après la cérémonie officielle de remise du prix ce lundi à Strasbourg, en présence de son épouse, une conférence s’intitulant « Société civile : la liberté ne va pas de soi », lui a été dédiée à Prague ce mercredi. Le premier débat a été consacré à l’héritage de Václav Havel et l’importance de celui-ci pour les défenseurs des droits de l’Homme du monde entier. Parmi les invités très remarqués se trouvait également Ladan Boroumand, historienne et chercheuse iranienne, qui s’est par la suite entretenue avec Radio Prague.
« Une des plus graves violations des droits de l’Homme qui est commise constamment en Iran, c’est la violation du droit à la vie. Nous avons réfléchis sur ce qu’on peut faire en étant exilé, quand il semble que rien n’est possible. On s’est dit qu’en Iran, ces gens-là tuent non seulement leurs opposants, mais aussi des citoyens ordinaires, pour des crimes qui ne devraient pas être châtiés par la peine de mort. Nous avons décidé de raconter l’histoire de chacune des victimes en anglais et en persan. En anglais, pour que le monde sache, pour que les violeurs des droits de l’homme sachent que le monde est au courant. Et en persan, pour que les Iraniens apprennent ce que sont les droits de l’Homme et ce qui se passe dans leur pays. »
Pour les militants des droits de l’Homme, les principes et les valeurs de Václav Havel ont une portée universelle, et c’est ce qu’illustre Ladan Boroumand sur le cas iranien :
« Ce devoir de prendre sa propre responsabilité dans des situations qui paraissent totalement sans espoir, c’est ce que nous apprend Havel. Mais je pense que sa leçon la plus profonde et la plus importante est celle de sa définition de la victoire ; une victoire qui n’est pas définie comme la chute du régime que l’on combat. Elle devient une victoire morale, par rapport à soi-même et par rapport à sa conscience. L’abolition de la peine de mort en Iran est bien sûr notre objectif final. Mais en attendant, le fait que l’on fasse revenir les victimes dans la mémoire collective, c’est déjà pour nous une satisfaction et une victoire. »L’héritage de Václav Havel se cristallise notamment à travers ses écrits. La Fondation Abdorrahman Boroumand se destine à faire connaître ses textes aux lecteurs iraniens. Elle a déjà procédé à des traductions en persan et a mis en ligne l’essai de Havel, la « Lettre ouverte adressée au président Gustáv Husák » qui a déjà été lue par quelques 17 000 personnes :
« L’importance du texte « La lettre à Husák » réside dans sa façon de décrire très précisément la situation, la corruption, de la manière dont la méritocratie est complètement éludée, avec des gens incompétents au pouvoir… tout ce que Havel dit et décrit, c’est exactement ce que les gens vivent en Iran et cela résonne très fortement auprès du lecteur iranien. Je pense que le message d’espoir c’est que ce que nous vivons en Iran, ce n’est pas uniquement notre histoire. Dans tous les systèmes similaires, les gens se sont élevés contre l’oppression et ont réussi à changer les choses. »Ladan Boroumand espère que trois essais de Václav Havel paraîtront en persan afin de commémorer les deux ans, qui se sont écoulés depuis sa disparition. Elle insiste sur la pertinence du message de Václav Havel en disant : « Nous avons perdu un protecteur, mais nous avons toujours un mentor. »