La ronde des investisseurs autour de la maison dansante
La maison dansante, un des édifices architecturaux les plus célèbres de Prague, a été mise en vente. La société propriétaire du bâtiment l’a annoncé la semaine dernière. Les spéculations sur le prix d’achat vont bon train, mais ce sont aussi les transformations possibles dans l’usage de ‘Fred et Ginger’ qui sont au cœur de l’attention. Situé au bord de la Vltava, cet exemple inhabituel d’architecture déconstructiviste pourrait ainsi devenir un centre culturel.
La volonté initiale de Milunić était de refléter « le contexte de la société tchécoslovaque, sa rupture avec son passé totalitaire et son évolution vers des changements radicaux ». Les deux parties de l’édifice, l’une dynamique, l’autre statique, sont censées représenter l’élan vers un futur plus prospère et démocratique, débarrassé du carcan totalitaire. Ces deux silhouettes faites de verre et de béton ont été surnommées « Fred et Ginger » lors de l’inauguration du bâtiment en 1996, en référence au mythique couple de danseurs-acteurs américains formé par Fred Astaire et Ginger Rogers. Mais les Pragois l’ont vite affublé du surnom de « Tančící dům », littéralement la maison dansante.
L’architecte Vít Máslo explique la portée architecturale de l’édifice dans la capitale tchèque :
« C’est l’un des premiers chefs-d’œuvre de l’architecture contemporaine à Prague, je ne voudrais pas dire le dernier mais les bâtiments modernes sont hélas très rares à Prague. Et la ville en souffre. »La construction avait pourtant été critiquée par certains qui considéraient qu’elle détonnait avec l’architecture générale du centre de la capitale. Pour d’autres, la maison dansante s’intègre parfaitement à l’atmosphère particulière de Prague. Aujourd’hui, l’humeur générale semble s’être améliorée. Selon une enquête récente, 70% des Pragois déclarent aimer l’édifice tandis que seulement 15% ne l’apprécient pas. La société d’investissement CBRE Global Investors, propriétaire de l’immeuble, a annoncé ce mardi avoir commencé à négocier sa mise en vente. A l’heure actuelle, la maison dansante abrite un café, un restaurant et des bureaux. Jan Zachystal, un courtier de la société Remax, note que la transaction financière ne sera pas si aisée :
« Des bâtiments aussi célèbres ont aussi une valeur qui vient du genius loci, de l’esprit du lieu, mais c’est très difficile d’y apposer un prix. Des propriétés de ce type apparaissent rarement sur le marché. Lors de leur vente, c’est la procédure standard qui est appliquée. »
Pour le quotidien économique E15, la vente pourrait avoisiner les 250 à 300 millions de couronnes (10 à 12 millions d’euros), et pourrait donc prendre plusieurs années. Les propriétaires se sont déclarés enclins à laisser place à des investisseurs désirant créer un centre culturel. Une vision qui correspond à celle de Václav Havel, qui a longtemps voulu voir la maison dansante abriter un espace comportant une librairie, une galerie d’arts, un café littéraire et une salle polyvalente.
Le président de la Chambre d’architecture Josef Panna souligne néanmoins que cette vente ne se fera pas sans concertation préalable :« La transformation de l’immeuble en galerie ou salle d’exposition dépend de l’investisseur qui va l’acquérir et bien sûr de l’accord des auteurs du projet, Frank Gehry et Vlado Milunić. »
Selon les dernières informations, la société d’investissement Central Group aurait déposé une offre pour y installer un musée consacré à l’architecture moderne et au design.
Nul doute que l’avenir de la maison dansante, devenue un symbole important de la capitale tchèque, restera en mouvement malgré sa mise en vente.