Filip Votava, directeur de CzechTourism à Paris : « Promouvoir Prague comme une destination culturelle et à taille humaine »
A voir le nombre de touristes qui arpentent ses ruelles toute l’année, Prague est résolument une des destinations les plus recherchées en Europe, surtout pour les séjours de courte et moyenne durée. Si le reste de la République tchèque reste négligée par les voyageurs, l’agence de tourisme tchèque CzechTourism s’efforce de faire la promotion de celle-ci également. L’agence possède également une antenne à Paris, où vient de prendre récemment ses fonctions un nouveau directeur, Filip Votava. Rencontre.
« Mes affinités francophiles remontent à un stage d’un an à Nice il y a quelques années. Pendant mes études, je ne m’étais pas particulièrement orienté vers la France, car j’ai plutôt étudié en Allemagne. Mais après l’université, j’ai passé cette année à Nice. Quand je suis rentré à Prague, j’ai travaillé dans le domaine touristique, au Château de Prague, pour la famille Lobkowicz qui a une grande collection d’art privée. J’y ai fait la promotion de cette collection, du palais et des autres propriétés de la famille Lobkowicz. »
Donc c’était une suite logique de continuer dans le tourisme, de passer de cette grande collection à CzechTourism à Paris. Comment cela s’est-il trouvé et depuis combien de temps dirigez-vous cette agence ?
« Je suis à Paris depuis janvier. J’étais un peu surpris, car il y avait eu un concours l’été dernier pour cette position. Je n’avais pas trop d’espoir d’obtenir le poste mais quand ça s’est décidé en septembre-octobre, j’étais surpris, et bien entendu très content, car c’est une grande opportunité, un grand défi. Depuis janvier, je suis à Paris. Il y a beaucoup de choses nouvelles, mais je peux profiter de mes connaissances antérieures et de mon expérience acquise à Prague. »
Quelle est la mission de CzechTourism de manière générale et plus précisément en France ?
« Il s’agit de promouvoir la République tchèque en tant que destination touristique. En France, cela consiste à établir le nom de la République tchèque dans les esprits, car pour de nombreux Français, cela reste la Tchécoslovaquie. Et s’ils pensent à la Tchéquie, ils voient cela surtout en rapport avec Prague. La capitale est connue, mais pas vraiment le reste du pays. Il faut donc établir la République tchèque comme une destination de luxe, bien accessible, sûre, et à taille humaine. »Comment cela se passe à Paris ? Vous avez des locaux où le public peut venir vous consulter ?
« On n’est pas ouverts au public ces temps-ci, car notre bureau est en reconstruction. Auparavant, on était rue Bonaparte où se trouve aussi le Centre tchèque. En raison des travaux, on a dû déménager rue de l’Opéra où on n’a pas la possibilité d’accueillir le grand public. Mais on est disponible au téléphone tous les jours : on reçoit beaucoup d’appels auxquels on répond. D’ailleurs souvent on a des questions drôles ou bizarres… »
Quelles questions par exemple ?
« Par exemple, s’il y a des vaccins nécessaires pour aller en République tchèque. Ou bien si on mange de la viande dans le pays… »
Quel est le type de personnes qui s’adressent à vous ? Est-ce des personnes qui vont pour la première fois dans le pays ?
« Oui, et c’est plutôt les personnes âgées, moins familières avec Internet. Ces personnes nous demandent de leur envoyer des brochures, des cartes de la ville etc. On est aussi en contact avec les agences de voyage, les tour-opérateurs français, la presse française. Parfois les personnes âgées qui nous appellent nous demandent des renseignements et des conseils lorsque leur petit-fils part avec sa copine en République tchèque et qu’ils estiment qu’ils partent dans un pays dont ils ne savent rien ! Il faut les rassurer… »Une autre composante du tourisme aujourd’hui, en-dehors du tourisme des particuliers : Prague est une grande destination du tourisme de congrès. Est-ce que vous êtes amenés à avoir à gérer des demandes d’organismes qui veulent faire leur congrès à Prague ?
« Oui, aussi. Récemment nous avons participé à un salon consacré à ce thème et à ce marché-là. On y a participé avec cinq partenaires tchèques pendant deux jours. Les Français se classent à la huitième place des touristes venant en République tchèque, mais au niveau du tourisme de congrès, la France est à la quatrième place, donc elle est importante pour ce marché. »
Pour quelles raisons ? Parce qu’il y a de bonnes infrastructures à des prix abordables, tout en sachant que Prague n’est pas très loin par avion ni de Paris ni d’autres villes françaises ?« Oui, il y a la proximité, l’accessibilité, la sécurité, ce qui est très important pour les grandes entreprises qui cherchent à organiser un événement. Le Printemps arabe a été important pour les Français qui cherchent désormais des destinations alternatives. Ils craignent davantage de partir au Maroc, en Algérie et privilégient ainsi des destinations comme la République tchèque. »
Vous me disiez hors antenne que vous êtes originaire de Prague. Cela fait de vous une personne toute qualifiée pour parler de la capitale tchèque, même si CzechTourism entend promouvoir toute la République tchèque. Parmi les visions de la Prague touristique, on a la bière, Kafka, le Golem etc. C’est un peu les images que les gens ont en tête en venant ici. Comment une agence comme CzechTourism peut-elle sortir de ces clichés, tout en les intégrant évidemment puisqu’ils font partie du patrimoine ?
« On met toujours l’accent sur la culture. A Prague, il y a trois opéras. Il n’y a pas seulement une histoire riche, mais aussi une vie culturelle très vivante avec des festivals de jazz, de musique classique, les théâtres, etc. L’accessibilité est importante et le fait que la ville soit à taille humaine : on peut la découvrir à pied ou en transports publics. Je dis toujours que la ville a une histoire très riche, même si les 60 dernières années ont un peu effacé tout cela. Cela a toujours été un carrefour des cultures, avec les cultures tchèque, allemande et juive. Il y a beaucoup de choses à découvrir. Rien qu’en regardant les beaux immeubles, on peut se faire une idée de la richesse de la ville. »Pour ce qui est du reste de la République tchèque, quand des Français décident spontanément d’aller ailleurs qu’à Prague, ou bien de coupler leur séjour pragois avec la découverte d’autres endroits, quelles destinations privilégient-ils ?
« Il faut dire que les Français ne connaissent pas trop le pays. Mais c’est vrai que tout est assez proche, on peut accéder en 2h30 à la plupart des villes du pays depuis Prague. On recommande donc les villes d’eau, Český Krumlov en Bohême du Sud et la Moravie du Sud. Ce qui est nouveau, c’est la connexion aérienne entre Paris et Ostrava : il y a des vols directs avec Smart Wings, ou on peut utiliser Czech Airlines jusqu’à Prague et prendre le train. On a donc entamé une bonne coopération avec la ville d’Ostrava : on prépare trois voyages de presse de groupe. C’est un nouveau thème. Il y a des points communs avec certaines villes françaises ayant une histoire industrielle et minière, mais souffrant de problèmes liés au chômage etc. Ostrava peut être une ville intéressante à voir, elle est très dynamique culturellement. On veut justement aussi faire un voyage de presse pour Colours of Ostrava. Il y a aussi de nouveaux terrains de golf, un sport très populaire en France et on va aussi organiser un voyage de presse dans ce sens. Les Français s’intéressent aussi au vin. Si on dit aux Tchèques ici que les vignobles pourraient être un thème intéressant, ils sont dubitatifs, parce qu’ils ont l’image de la France et de la haute culture du vin. Ils se disent qu’ils ne peuvent pas concurrencer les vins français. Bien sûr que non, mais les Français s’intéressent beaucoup au vin et à la gastronomie. Quand on leur demande ce qui les intéresse en voyage, c’est très souvent la cuisine et le vin qui reviennent. Le vin blanc de Moravie peut donc être un atout. »Vous disiez que les Français étaient à la huitième place des touristes individuels. Quelles sont les autres nations devant eux ?
« Je ne saurais pas vous énumérer tous les sept autres. Mais bien entendu, l’Allemagne est en première place avec plus d’un million de voyageurs. La Russie aussi, même si elle a un statut un peu différent des autres pays. La durée des séjours en République tchèque est en général très courte : par exemple, pour les Français, cela peut être trois nuits seulement, donc un week-end prolongé. Pour la Russie, c’est une destination plus lointaine et les Russes viennent souvent à Karlovy Vary, Mariánské Lázně, donc les villes d’eau, où ils restent plus longtemps. Donc on essaye de prolonger le séjour des Français. Après les Allemands, on a aussi les Italiens, les Russes et les Anglais. »Vous parliez des liaisons aériennes avec la République tchèque. Czech Airlines, pour le coup, propose des tarifs intéressants pour les avions sur le Paris-Prague, avec des tarifs très concurrentiels avec les compagnies low-cost et de nombreux allers-retours chaque jour. Avez-vous noté une augmentation des touristes français à Prague en lien avec cette politique ?
« Les vols sont toujours pleins. Il y a beaucoup de vols, tous les jours, entre Paris et Prague, et ils sont toujours pleins. J’étais moi-même surpris. C’est vrai que les prix de Czech Airlines ont beaucoup baissé, grâce à Sky Europe notamment qui a apporté une vraie concurrence sur le marché français. Sky Europe n’existe plus aujourd’hui, bien sûr. Et puis il y a aussi Smart Wings et Easyjet. Par contre, quand je parle avec les agences de voyage, ils me disent que cela peut représenter un problème car dans l’esprit des gens, la République tchèque et Prague sont toujours une destination très bon marché et ils veulent un week-end à Prague correspondant. Mais ce n’est plus possible aujourd’hui, car les prix ont augmenté. Le problème, c’est que pour les gens, cela reste une destination ‘low-cost’ ce qui n’est plus forcément la vérité. »Qu’est-ce que les Français apprécient en République tchèque ?
« La richesse de l’histoire, la cuisine (surtout les jeunes gens !), le fait que les prix soient abordables, la dimension humaine de la ville de Prague. La proximité, la sécurité aussi est importante, et la propreté de la capitale. »