Entre projet de privatisation et soupçons de malversation : la société des forêts tchèques dans la tourmente
Les forêts tchèques vont-elles passer dans les mains d’investisseurs privés ? C’est en tout cas le projet du premier ministre Petr Nečas. Un projet plus que controversé que plusieurs gouvernement ont déjà tenté de faire passer, mais sur lequel plusieurs ministres se sont déjà cassé les dents. Retour en force d’une idée qui arrive au moment même où la société publique qui gère les forêts fait l’objet d’une enquête de la police anti-corruption.
Mais nombreux sont ceux qui critiquent vertement l’idée. L’opposition sociale-démocrate notamment, a fait connaître son désaccord par la voix de son leader, Bohuslav Sobotka :
« Ce gouvernement a cédé face aux pressions du secteur privé. Il y aura forcément une société qui sera intéressée parce qu’elle veut justement acquérir des terrains forestiers. »
Du côté des écologistes, on suit de près cette affaire également depuis les premières tentatives de privatisation. Ils craignent que le passage des forêts des mains de l’Etat à des sociétés privées conduise au saccage de ces réserves écologiques : pour eux, les forêts ne sont pas qu’une usine à bois et à profit, mais un écosystème à protéger. Du côté du gouvernement, on balaye ces arguments d’un revers de la main. Petr Bendl, ministre de l’Agriculture :« Je ne crois pas qu’il soit nécessaire que l’Etat tchèque possède la moitié de toutes les forêts de ce pays. »
Cette annonce de la privatisation des forêts tchèques est tombée alors que la société Lesy ČR, est sous le coup d’une enquête menée par la police de lutte contre la corruption. Celle-ci soupçonne en effet que des commandes troubles pour de l’équipement informatique aient causé des dommages s’élevant à 350 millions de couronnes à l’Etat tchèque. Lundi, la police de lutte contre la corruption a perquisitionné trois bureaux de la société publique, à Prague et Hradec Králové, sans qu’aucune inculpation n’ait eu lieu. Mais l’unité de police cherche à savoir combien de personnes auraient pu être impliquées dans cette affaire.En 2008, deux sociétés, Dynn et Time Export ont reçu ces commandes de matériel informatique : des soupçons pèseraient actuellement sur ces commandes qui auraient pu être volontairement surévaluées. Des millions de couronnes auraient ainsi fini dans les caisses de sociétés étrangères louches ayant un compte en suisse. Selon les informations disponibles, la société Lesy CR dépensait 40 millions de couronnes pour ses services informatiques, mais cette somme aurait augmenté pour atteindre 1,25 milliard auprès de ces sociétés, comme le souligne le directeur de Transparency International en République tchèque, David Ondráčka :
« C’est une incroyable augmentation. Je pense qu’il y a clairement un problème de surévaluation des commandes ou de commandes frauduleuses. Si vous regardez dans le registre commercial, vous remarquerez que ces sociétés ont réalisé des commandes de plusieurs centaines de millions de couronnes, mais n’ont jamais augmenté le nombre de leurs employés. La seule explication que l’on peut y voir, c’est que soit ces commandes ont été revendues, ou qu’ils ont facturé des services inexistants. Et c’est un délit. »En attendant, la société Lesy ČR qui a réfuté les accusations de malversation a fait savoir qu’elle coopérait avec les enquêteurs.