Le président Klaus déclare une amnistie importante et controversée
Mardi 1er janvier, le chef de l’Etat Václav Klaus, dont le second mandat expirera en mars prochain, a adressé, pour la dernière fois, ses vœux du Nouvel An aux citoyens tchèques. A la surprise générale, le président a annoncé, à la fin de son discours, une amnistie partielle. Cette amnistie, effective dès ce mercredi 2 janvier, est la première que Václav Klaus déclare depuis son entrée en fonction il y a dix ans, et la plus importante depuis 1993.
L’amnistie concerne les détenus condamnés à des peines de prison d’un an ou moins, ainsi que les prisonniers âgés de plus de 75 ans, même ceux qui purgent de longues peines, allant jusqu’à 10 ans. Tous les détenus âgés de plus de 70 ans et condamnés à des peines avec sursis seront également amnistiés, de même que les personnes qui purgent des peines à domicile ou celles ayant été condamnées à des travaux d’intérêt général.
Concoctée secrètement par le président Klaus, le Premier ministre Petr Nečas et le ministre de la Justice Pavel Blažek, cette amnistie stoppe aussi certaines procédures judiciaires en cours, considérées comme trop longues et lentes, plus précisément celles qui durent plus de huit ans et concernent des peines inférieures à dix ans. Une décision qui a suscité des réactions critiques, on écoute l’avocate Hana Marvanová :
« Ce sont sans doute les procédures judiciaires concernant des délits graves qui seront stoppées. Il s’agit par exemple d’escroqueries, de malversations et de corruption. Comme si on voulait se détacher du passé… »Une opinion partagée par le chef de la diplomatie et candidat à la présidence de la République Karel Schwarzenberg. Selon lui, une amnistie devrait concerner seulement des délits peu graves et non pas « les plus grands scandales du pays ». En effet, parmi les candidats à la libération dont les noms sont familiers aux Tchèques, on trouve les hommes d’affaires Tomáš Pitr et Miroslav Provod, accusés en 1994 d’évasion fiscale, l’ancien chef de l’Union tchéco-morave de football František Chvalovský, lui aussi jugé coupable d’importantes fraudes fiscales, mais également les managers de la Union banka qui a fait faillite, ou bien encore les spéculateurs de la société immobilière H-System ayant détourné plusieurs centaines de millions de couronnes tchèques dans les années 1990. Voici l’explication du vice-ministre de la Justice Daniel Volák :
« En tant que juriste, je perçois ce côté de l’amnistie comme quelque chose de positif. J’aimerais rappeler la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme sur la durée des procédures judiciaires : si ces dernières dépassent un délai de six ans, il s’agit déjà d’une violation du droit à un procès équitable. Si le président de la République a prolongé le délai à huit ans, il est encore moins strict que les instances européennes. »
Néanmoins, le chef de l’Unité de lutte pour le crime organisé Robert Šlachta a assuré que l’amnistie de Václav Klaus n’aura aucun impact sur les enquêtes des deux cents affaires de corruption récentes que son département est en train d’examiner.Ce mercredi donc, les premiers détenus ont quitté les prisons, ces prisons tchèques surpeuplées qui comptent actuellement environ 23 000 détenus, alors que leur capacité n’est que d’environ 20 700 places. « C’est une amnistie importante, un phénomène social auquel nous n’avons pas eu affaire depuis la grande amnistie de Václav Havel après la Révolution de velours », a déclaré à la presse l’économiste Libor Dušek. Or, selon ses calculs, les prisons désengorgées se rempliront à nouveau dans les deux ans à venir. Libor Dušek ainsi que les autres critiques de l’amnistie 2013, appellent plutôt à des changements plus profonds et durables dans le système pénal, et préconisent par exemple le recours plus fréquent à la surveillance électronique pour les délinquants.