Partition de la Tchécoslovaquie : que sait-on de la « mystérieuse » rencontre Klaus – Mečiar ?
Tout au long de cette année, Tchèques et Slovaques se rappellent les événements de 1992 qui ont sonné le glas de leur Etat commun. Parmi les dates à retenir, le 17 juillet, jour de l’adoption de la Déclaration d’indépendance de la République slovaque ou encore la démission du président Václav Havel trois jours plus tard. Si certains citoyens de l’ancienne République fédérale espéraient encore que la division du pays puisse être évitée, cet espoir s’est définitivement évanoui le 26 août. C’est à Brno, dans le jardin de la célèbre villa fonctionnaliste Tugendhat, que les Premiers ministres des deux pays ont officiellement annoncé la partition de la Tchécoslovaquie en deux Républiques indépendantes, devenue ensuite effective le 1er janvier 1993.
« La situation actuelle est intenable ». C’est ce qu’a expliqué, très tard dans la soirée, devant une foule de journalistes et au terme de longues heures de négociations avec les dirigeants tchèques, le chef du gouvernement slovaque, Vladimír Mečiar. Ce débat a été précédé d’un tête-à-tête entre ce dernier et Václav Klaus ; une rencontre décisive, selon beaucoup, mais dont le contenu exact, vingt ans après, reste encore entouré de mystère. La seule trace qui en existe dans les médias sont des photos et des images que presque tous les Tchèques et Slovaques connaissent : celles d’un jardin baigné d’un soleil estival, où deux hommes, de loin d’apparence plutôt décontractée, sont assis, seuls, autour d’une table. Sous l’ombre qu’offre un vieux platane, ils décident, et nous avons du mal à y croire tant le tableau est idyllique, de la partition d’un Etat européen.
Vingt ans après l’événement, Václav Klaus, comme de nombreux autres hommes politiques des deux pays, se félicite de ce « divorce à l’amiable », comme il l’a d’ailleurs répété dans sa lettre adressée, en juillet dernier, à Vladimír Mečiar, qui fêtait alors ses 70 ans. Voilà comment le président tchèque se souvient de ces fameuses négociations du 26 août 1992 :
« Notre rencontre à la villa Tugendhat a constitué un moment crucial dans les négociations. J’ai alors compris que mes homologues slovaques n’avaient reçu aucun mandat pour continuer dans le cadre d’un Etat commun. »
Même si, selon Vladimír Mečiar, la situation au sein d’un Etat commun était devenue « intenable », pour l’historien Petr Roubal, c’est bel et bien Václav Klaus qui a insisté sur la rapidité des changements. C’est l’actuel président tchèque qui, en quelque sorte, serait le principal artisan de la partition. Petr Roubal :
« Le résultat le plus important de ces négociations à la villa Tugendhat, c’est cette annonce de la date précise de la scission. C’était le succès incontesté de Václav Klaus, qui a réussi à établir un itinéraire précis du processus de séparation des deux pays. Je pense que la société tchèque était prête à cela. On s’attendait un peu à ce dénouement, et non sans soulagement d’ailleurs. On avait enfin l’espoir de voir s'achever les interminables débats sur la forme de notre cohabitation. (…) Paradoxalement, c’est la partie tchèque qui a insisté pour que la séparation soit la plus rapide possible. Les négociations du 26 août représentent une victoire de Václav Klaus, car il a enfin obtenu ce qu’il voulait. »Selon Luboš Palata, journaliste du quotidien Lidové noviny, les dirigeants slovaques ont été tellement surpris par l’évolution des choses qu’ils ont alors commencé à demander certaines concessions. Conséquence de quoi, les deux Etats indépendants ont conservé une monnaie unique, la couronne tchécoslovaque, jusqu’en février 1993, et des négociations ont même été menées au sujet d’une armée commune - scénario qui ne s’est finalement pas réalisé.
Toujours selon Lidové noviny, les questions de base, à savoir qui a vraiment initié et encouragé la partition de la Tchécoslovaquie, quelles ont été les revendications concrètes de chaque partie, bref quel a exactement été le contenu des négociations tchéco-slovaques, dont celles du 26 août 1992, ces questions-là demeurent sans réponse. Une des raisons est que les témoignages des protagonistes divergent…
Ainsi, l’ancien vice-Premier ministre du gouvernement slovaque Milan Kňažko a appelé les représentants des deux pays à rendre publics les enregistrements de leurs pourparlers d’il y a vingt ans. Une idée saluée par plusieurs hommes politiques et historiens. Elle serait déjà venue à l’esprit de Vladimír Mečiar, qui compte lever le voile sur sa fameuse rencontre avec Václav Klaus dans ses Mémoires.