Présentée à Avignon, « Audience » de Václav Havel a lancé la carrière de Pierre Arditi

Le réalisateur Stephan Meldegg et le comédien Pierre Arditi ont donné à la Maison Jean Vilar, dans le cadre du festival, une lecture d'Audience

Le 66e Festival d’Avignon, qui se poursuit jusqu’au 28 juillet, rend hommage à l’ancien président tchèque et dramaturge Václav Havel. Avant que le Théâtre Husa na provázku y présente la pièce « Cirkus Havel », le réalisateur Stephan Meldegg et le comédien Pierre Arditi ont donné à la Maison Jean Vilar, dans le cadre du festival, une lecture d’Audience, trente-trois ans après avoir fait découvrir ce texte au public du festival. Dans une interview exclusive pour Radio Prague, Pierre Arditi se souvient de ce spectacle de 1979, très important pour sa carrière de comédien.

Le réalisateur Stephan Meldegg et le comédien Pierre Arditi ont donné à la Maison Jean Vilar,  dans le cadre du festival,  une lecture d'Audience
« Evidemment, d’abord on était très impressionné par le texte de Havel lui-même et surtout très impressionné par son engagement, son combat, et quand on a commencé à jouer, on venait de le remettre en prison. Il y a donc eu une pression supplémentaire qui n’était pas prévue au programme, c’est-à-dire qu’on avait l’impression de faire autre chose que de jouer une pièce, mais on avait aussi l’impression de distribuer un tract et de tendre le poing pour qu’on le libère. Cela a été à la fois un souvenir tout à fait magnifique et, en même temps, un souvenir assez dur... »

Le personnage de Vaněk que vous interprétez....

« C’est bien évident, oui, c’est lui. Ce qui était bien dans la mise en scène de Meldegg, et c’est ce qu’Havel avait aimé quand il est ensuite venu nous voir, c’est que le personnage de Vaněk, et donc de Havel, ne juge pas. Il n’y a pas de condamnation, il y a une condamnation d’un certain nombre de principes bafoués, écrasés du talon. Ce que dit le brasseur à la fin, c’est tout à fait exact - même si sa situation est difficile à ce moment-là, il a une renommée telle que sa renommée le protège ; l’autre n’est protégé par rien, c’est un anonyme, il retournera au fond. La direction qu’avait choisie Meldegg en me faisant jouer, c’était que le personnage de Vaněk ne porte pas de jugement défavorable, sur le brasseur par exemple, parce qu’il considère que ce brasseur est lui aussi une victime. Et ça, c’était une jolie direction de travail que j’ai d’ailleurs retrouvée en lisant trente-trois ans plus tard. »

Le metteur en scène Stephan Meldegg, auteur de la mise en scène d’Audience de Václav Havel en 1979, nous raconte son histoire particulière avec cette pièce…

Stephan Meldegg et Pierre Arditi
« J’étais le premier à présenter ce texte en France et ça avait été pour moi l’occasion de rencontrer Václav Havel. J’ai pu le rencontrer en Tchécoslovaquie, avant que tout change et qu’il devienne président. Il était en prison quand, avec Ariane Mnouchkine, on avait fondé l’AIDA (Association Internationale de Défense des Artistes victimes de la répression dans le monde). C’était pour soutenir les artistes poursuivis dans le monde, et on avait fait une soirée pour Havel. On était très content d’avoir appris que cette nouvelle lui était arrivée jusqu’en prison. Il avait été prévenu qu’à Avignon, il y avait une soirée en son honneur. Ensuite, j’ai pu le rencontrer lui-même quand il était à nouveau libre. ‘Audience’ et ‘Vernissage’ sont deux pièces qui m’ont énormément plu et je les ai montées ici au festival. Pour Arditi notamment, c’était une espèce de démarrage formidable parce qu’il a eu ensuite de merveilleuses critiques à Paris et cela lui a permis de lancer sa carrière. »

Václav Havel est connu pour le théâtre de l’absurde. Finalement, quand je vous ai écouté ce matin faire une lecture d’Audience, on sent cette ironie, cet humour, ce côté absurde, et en même temps, quand on connait l’histoire du pays, ça semble terriblement vraisemblable ou réel. Qu’est-ce que vous en pensez ?

« Ces petites pièces étaient écrites par lui pour que, pendant qu’il n’était pas là, ses copains aient quelque chose à se mettre sous la dent. On peut jouer ça dans un salon, chez des amis. Il est, dans ces pièces-là, beaucoup plus proche de sa réalité que d’un style. Je dois admettre que ces pièces où il fait de la recherche, où il essaie de faire un théâtre nouveau, moi personnellement, ne me parlent pas du tout. Je ne méprise pas, parce qu’on ne méprise jamais, parce que c’est un artiste, mais il ne me parle pas. Cela ne l’a pas vexé, mais l’énorme succès de cette pièce dans le monde entier alors que les autres se vendaient difficilement, cela l’a secoué quand même. »

Le 15 juillet sera donc donnée, à Avignon, en présence de la veuve de l’ancien président-dramaturge, Dagmar Havlová, la première internationale de « Cirkus Havel », jouée par des comédiens de Brno et de jeunes acteurs français. Une exposition de photos du photographe officiel de Václav Havel, Bohdan Holomíček, sera également inaugurée. Un événement sur lequel nous reviendrons dans nos émissions.