L’église Saint-Jean-Népomucène, lieu de pèlerinage à Zelená Hora
« 2012, vingt ans, douze sites, un pays » – tel est le slogan de la saison touristique 2012 qui rappelle que vingt années se sont écoulées depuis l’inscription du premier site tchèque sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Ce sont jusqu’à présent 12 lieux ou ensembles de lieux qui ont bénéficié de cette distinction. Visite de l’un d’entre eux, l’église Saint-Jean-Népomucène, dans ce nouveau magazine touristique sur Radio Prague.
Du haut de la Montagne Verte, nous bénéficions d’un beau panorama sur les bâtiments du couvent entouré d’un étang. La fondation du couvent remonte à 1252, année où les moines de Zelená Hora près de Nepomuk, dans la région de Plzeň, arrivent à Žďár pour y fonder un nouveau couvent qui hérite du rôle de couvent-mère et adopte son nom. Après que le vicaire général de l’archevêché de Prague Jean de Nepomuk meurt en martyr en 1393, une vague d’enthousiasme pour son culte commence dans le couvent de Žďár, car Nepomuk était le lieu où le vicaire était né et où il avait été élevé.
En 1719, les restes de Jean de Nepomuk font l’objet d’une étude demandée par l’archevêque de Prague qui révèle que sa langue était parfaitement conservée ce qui est alors interprété comme un signe tangible de sainteté. La même année, soit dix ans avant la canonisation effective de Jean de Nepomuk sous le nom de Népomucène, l’abbé du couvent de Žďár, Václav Vejmluva, décide de construire une église de pèlerinage à la gloire du saint qui montrerait en même temps le lien entre les deux maisons cisterciennes. Les travaux sont confiés à Jan Blažej Santini Aichl qui conçoit l’église comme un reliquaire monumental. Son travail est fondé sur le symbole représenté par la langue du saint et la valeur numérologique des chiffres 3 et 5 (le saint est mort à l’âge de 53 ans). La conception originale et la technique de construction parfaite sont typiques pour l’œuvre de Santini, raconte Marie Dubová:« Maître du jeu d’ombres et de lumières, Santini a aussi un sens parfait des proportions géométriques de l’espace. En plus de tout cela, l’église de pèlerinage de la Montagne Verte a un contenu spirituel extraordinaire. L’impression majeure suscitée par l’intérieur de l’église, c’est son ampleur. L’espace central s’ouvre sur cinq niches : celle à l’Est est occupée par le maître-autel dessiné par Santini et représentant la montée au ciel de saint Jean Népomucène. Les cinq chapelles de l’intérieur sont des chefs-d’œuvre de la sculpture baroque ainsi que les chapiteaux de la nef de 21 mètres de hauteur. L’abbé Václav Vejmluva, de même que Santini auquel il a confié la construction de l’église, étaient tous deux fascinés par la kabbale, soit un courant ésotérique et mystique qui s’est développé depuis la période du second Temple, et ils ont utilisés ces éléments dans cette construction. Ainsi, la nouvelle église devait représenter un temple céleste parfait descendu du ciel sur la terre. Le prélat et son architecte ont créé une œuvre sans précédent. »Les éléments gothiques de l’église Saint-Jean-Népomucène se réfèrent à la cathédrale Saint-Guy à Prague où le saint est inhumé, les formes baroques à la période de sa canonisation. Santini l’a voulue dès le début comme une église de pèlerinage. Le 16 mai 1722, jour anniversaire du martyr, l’église encore inachevée est consacrée. Marie Dubová pour un bref rappel de la vie du saint :
« Jean Népomucène est un saint patron tchèque qui a vécu à l’époque gothique et qui a été canonisé à l’époque baroque. Vicaire général de l’archevêque Jan de Jenštejn, Jean Népomucène a été mis à la torture par le roi Venceslas IV pour avoir confirmé l’élection du nouvel abbé de Kladruby contre la volonté du roi. Le corps de Jean a été jeté dans la Vltava et repêché, un mois plus tard. Selon la légende, une couronne à cinq étoiles est apparue à ce moment au-dessus du corps du martyr noyé. Et c’est cette couronne à cinq étoiles qui est devenue l’un des symboles de Jean ornant ses statues dont la plus connue se trouve sur le pont Charles. Le processus de canonisation a commencé plus de 300 ans après sa mort. Lors de l’examen de sa dépouille, une commission réunie par l’archevêque de Prague a retrouvé une matière dont elle croyait que c’était la langue du saint. Ce constat a encore accentué une autre légende selon laquelle Jean, confesseur de l’épouse du roi, est mort pour ne pas trahir le secret de confession de la reine Sophie. »
Considérée comme un miracle, la trouvaille de la langue a accéléré le processus de canonisation qui a abouti en 1729. La couronne à cinq étoiles apparue selon la légende au-dessus du corps du martyr noyé a inspiré Santini dans l’élaboration de tous les plans selon la symbolique de l’étoile à cinq branches, raconte Marie Dubová :« L’église est construite en forme d’étoile à cinq branches. On y entre par cinq portails, et dedans, on trouve cinq chapelles et cinq autels. Le pentagone apparaît également sur les dalles d’origine. Au-dessus de la chaire, on aperçoit une langue monumentale, symbole de saint Jean-Népomucène, ainsi que le symbole des 5 étoiles. Ces mêmes symboles se répètent encore au sommet de la coupole. A l’intérieur de celle-ci, on trouve une étoile en stuc à dix branches. L’effet des symboles est parfois accentué par les multiples du chiffre cinq. Le plan de l’église comporte deux groupes de cinq axes radiaux à partir desquels s’organisent les différents éléments. Dans le dessin du cloître, les dix rayons qui se recoupent au centre de l’église déterminent l’emplacement des chapelles et des portes. L’extérieur de l’église se présente comme un corps en forme d’étoile avec cinq pointes rayonnant depuis le centre. Sur le maître-autel, Jean Népomucène représenté sur un globe monte au ciel, accompagné de cinq grands anges et trois petits anges, ces chiffres symbolisant la date du martyre de Jean, âgé de 53 ans au moment de sa mort. » L’église demeure un centre de pèlerinage majeur depuis sa fondation jusqu’en 1784, année où le couvent cistercien est aboli par l’empereur Joseph II. La même année, un incendie ravage l’église. Les travaux de reconstruction sont autorisés huit ans plus tard, à condition que le cloître serve de cimetière. Les tombes de cette époque existent encore sur place mais elles devraient être déplacées d’ici à 2016 et le complexe devrait retrouver son aspect d’origine. Des travaux de réaménagement se poursuivent depuis 2008 où la colline a été déboisée et l’église constitue depuis une dominante visible de loin, comme c’était le cas au moment de sa fondation. Des pèlerinages ont lieu à la Montagne Verte tous les ans, le 16 mai, jour de fête de saint Jean Népomucène. Des concerts y sont aussi donnés régulièrement.