Soixante-dix ans après l’attentat contre Reinhard Heydrich

La réplique du camp de concentration de Mauthausen dans le parc de la place Charles

Pour beaucoup, il s’agit du plus grand acte de résistance de la Seconde Guerre mondiale : le 27 mai 1942, deux résistants tchécoslovaques perpétraient à Prague un attentat contre le Protecteur de Bohême-Moravie Reinhard Heydrich. Alors troisième homme le plus puissant de la SS, Heydrich est mort de ses blessures une semaine plus tard. A l’occasion de cet anniversaire, l’ONG Post Bellum a installé une réplique du camp de concentration de Mauthausen dans le parc de la place Charles, en plein centre de Prague. Cette réplique abrite une exposition consacrée à sept parachutistes ayant participé à l’attentat, ainsi qu’à leurs collaborateurs et familles exécutés à Mauthausen en octobre 1942.

La reconstitution historique de l'attentat
Dans la matinée du 27 mai 1942, Reinhard Heydrich quitte, à bord de sa Mercedes décapotée, le château de Panenské Břežany, situé à une vingtaine de kilomètres de Prague et où il réside avec sa famille, pour se rendre à son bureau. Vers 10h30, alors que la voiture traverse la banlieue pragoise et ralentit dans un virage, deux jeunes membres de la résistance, Josef Gabčík et Jan Kubiš, essaient d’abord de tirer sur le haut dignitaire nazi avant, l’arme enrayée, de lancer une grenade qui explose à l’arrière du cabriolet allemand.

La reconstitution historique de l'attentat
Jaroslav Pišoft est probablement le dernier témoin de l’attentat. A l’époque, il avait cinq ans et allait faire les courses avec sa mère. 70 ans plus tard, Jaroslav Pišoft a assisté à la reconstitution historique de l’attentat :

« Je me souviens que, soudainement, nous avons entendu une énorme explosion… C’était la grenade. Ensuite, un coup de fusil. Nous nous sommes approchés et avons vu Heydrich, sorti de la voiture, debout. »

La reconstitution historique de l'attentat
Parachutés près de Prague quelques mois avant l’attentat, Josef Gabčík et Jan Kubiš avaient été désignés par la résistance tchécoslovaque en Grande-Bretagne pour cette opération baptisée « Antropoid » : une mission accomplie car le numéro 3 de la SS, un des artisans de la « solution finale à la question juive », est décédé à l’hôpital une semaine après l’attentat, le 4 juin 1942, et ce même si la cause immédiate de sa mort reste aujourd’hui encore entourée de mystère. Les nazis lancent alors des représailles sanglantes qui coûteront la vie à environ 5 000 personnes, parmi lesquelles les habitants de deux villages rasés.

Dans un parc du centre de Prague, une exposition multimédia est installée dans la reconstitution d’un camp de concentration. Elle a été mise en place par l’ONG Post Bellum. Mikuláš Kroupa en est le directeur :

La réplique du camp de concentration de Mauthausen dans le parc de la place Charles
« Le visiteur entre par une porte surplombée d’un aigle nazi et de l’inscription ‘Arbeit macht frei’. A l’intérieur se trouvent trois baraques en bois entourées de barbelés et où nous présentons sous forme de photos, de textes, de bandes sonores et de films, les destins de 70 personnes liées à l’attentat. Parmi celles-ci figurent trois hommes dont les témoignages ont permis à la Gestapo de retrouver les auteurs de l’attentat. Mais nous ne voulons pas les juger, c’étaient des patriotes qui se sont retrouvés dans une situation extrêmement difficile. »

La réplique du camp de concentration de Mauthausen dans le parc de la place Charles
L’exposition rend hommage aux victimes des répressions nazies, notamment aux 261 Tchèques exécutés un jour d’octobre 1942 dans le camp de concentration de Mauthausen. Mikuláš Kroupa :

« Il y avait parmi eux des résistants et leurs familles entières, des gens qui aidaient les parachutistes : ils leur apportaient de la nourriture, ils les cachaient chez eux, ils dissimulaient leurs armes et les mettaient en contact avec la résistance locale tchèque. Ces gens-là, des femmes en premier lieu, ont été placés contre le mur et un curseur a été placé sur leur tête comme pour mesurer leur taille. C’est ainsi que ces 261 personnes ont été fusillées en l’espace de neuf heures. »

Un mètre muni d’un curseur est d’ailleurs placé à la sortie de ce camp imaginaire, en face d’un lieu de piété où les visiteurs allument des bougies. Parmi eux, Josef, un jeune Pragois :

« Le fait que l’exposition soit installée dans un camp de concentration est, je pense, assez authentique, réaliste. Il y a beaucoup de textes et une foule de gens à l’intérieur, mais j’ai réussi à lire tout ce qui m’intéressait. Au lycée, même si nous parlons de la Deuxième Guerre mondiale, nous n’avons presque rien appris sur l’attentat contre Heydrich et encore moins sur les gens persécutés. Les enseignants n’entrent pas dans les détails. »

L’exposition s’achèvera symboliquement le 18 juin prochain. Ce jour-là, il y a également de cela 70 ans, les auteurs de l’attentat ainsi que cinq autres parachutistes ont péri dans leur ultime combat contre les nazis, dans l’église Saint-Cyrille-et-Méthode, rue Resslova, à quelques pas du lieu de l’exposition.

Photos : Barbora Kmentová et Miloš Turek