Yan Zelenka ou le baroque des végétaux
Le Centre tchèque de Prague propose jusqu’au 25 février prochain une exposition intitulée « Nebe, peklo, hrách » (Cieux, enfers, petits pois) de Yan Zelenka, artiste tchèque installé en France depuis la fin des années 1970. A l’occasion du vernissage début février, il était accompagné du directeur du Centre tchèque de Paris, Martin Bonhard que Radio Prague a également rencontré à cette occasion. Le quartier d’enfance de Yan Zelenka, Malá Strana, à Prague, a marqué sa création.
Vous vivez à Paris depuis 1978, avez-vous trouvé là-bas un quartier qui vous inspire autant, ou qui vous marque autant, que Malá Strana ? Le baroque là-bas n’est pas aussi présent…
« C’est vrai que le baroque est peu ou moins présent qu’à Prague. Il est un peu différent, moins mouvementé. Je ne suis pas dans le quartier latin mais dans le quartier de Belleville où le terrain vallonné - c’est une colline - est pittoresque. Cela remplace parfaitement Malá Strana. »C’est un quartier très multicolore et multiculturel aussi...
« Oui, c’est là où j’habite, mais sinon je travaille dans un quartier tout près de la Bastille qui a une tradition de fabrication de meubles. Maintenant on fabrique moins de meubles qu’à l’époque de Louis XIV ou de Louis XV parce que les gens vont chez Ikea, alors les menuisiers qui partaient ont laissé les ateliers et les ont cédés aux peintres, aux sculpteurs et aux artisans. »Quel a été votre cheminement originel vers l’art ?
« A vrai dire, je ne m’en rappelle absolument pas. Il existe des premières photos de moi où je suis debout et je fais des gribouillis sur les murs. Je crois que j’avais deux ans. C’était une activité qui me convenait déjà sans le savoir. C’était en tout c’était complètement abstrait, pas du tout figuratif. C’était complètement naturel pour moi. J’ai hérité quelque chose de mon père qui était doué pour cela, bien que dans la vie il n’ait été que comptable et qu’il n’ait pas réalisé son rêve. »
Vous avez une exposition à l’heure actuelle au Centre tchèque à Prague. Cette exposition s’appelle « Nebe, peklo, hrách ». Comment peut-on traduire en français pour rendre ce jeu de mots, « Cieux, enfer, pois » ?« Je penche pour ‘petit pois’, ce titre correspond au sujet de la majorité des tableaux. Un élément baroque, le mouvement, est exprimé par le mouvement des objets, souvent des légumes ou des fruits. Parfois le vol, mais aussi la chute, c’est-à-dire l’enfer, avec par exemple des petits pois qui tombent du ciel et bombardent l’enfer pour détruire le mal. Il y a aussi une sculpture plafonnière assez grande qui représente le ‘vol des petits pois’ : on y voit le ciel, les nuages, qui expriment le mouvement, l’enfer et aussi les petits pois, il n’y a pas de paradis. »
Cette exposition au Centre tchèque dure jusqu’au 25 février, est-ce votre première exposition ici, en République tchèque ?« Oui, effectivement c’est la première. Après avoir fait mes études ici, aux Beaux Arts, j’ai travaillé pour gagner ma vie dans le domaine de la sculpture appliquée et décorative. J’ai commencé à vraiment exposer seulement en France. »
Dans quelles conditions êtes-vous parti en France ? Et pourquoi ?
« J’ai épousé une Française, c’est une bonne raison. »
J’ai également lu que, sur commande de l’Hôtel de la Monnaie à Paris, vous aviez fait une médaille pour Miloš Forman ?
« La Monnaie de Paris voulait faire une série de médailles représentant des réalisateurs de cinéma. Il y a un autre Tchèque, qui est mon voisin, Jan Tesař, qui a fait Orson Welles. J’ai proposé d’abord Kurosawa, mais ils m’ont dit non, puisque j’étais tchèque je devais faire Miloš Forman. Alors j’ai fait Miloš Forman, et cela m’a même donné l’occasion de lui serrer la main car il a fallu qu’il donne son accord personnel, je l’ai rencontré. Ce sont des médailles qui ne sont pas très grandes, entre douze et quatorze centimètres, qui sont éditées en bronze. Elles sont vendues dans les points de vente de la Monnaie de Paris. »
Je me tourne vers Martin Bonhard, vous êtes directeur du Centre tchèque à Paris. Quelle est la collaboration du Centre tchèque de Paris pour cette exposition ?
« Le Centre tchèque de Paris fait partie d’un réseau de centres tchèques partout dans le monde. Il y en a 22, surtout en Europe, mais aussi au Japon et aux Etats-Unis. Le Centre tchèque de Prague a une fonction particulière parce qu’il ne se trouve pas à l’étranger. L’idée est donc de consacrer cet espace à des projets en collaboration avec les pays et institutions des autres centres tchèques. Le Centre tchèque de Prague essaye de trouver des projets d’autres centres tchèques qu’ils trouvent bons. C’est un moyen pour que le public tchèque voie ce qu’on fait à l’étranger. Mais aussi ils font d’autres choses, par exemple en collaboration avec l’ambassade d’Israël ici, à Prague, ils ont fait une belle exposition. Cela s’inscrit dans ce type de logique. »
C’est intéressant, c’est le Centre tchèque de Paris qui fait découvrir aux Pragois un artiste d’origine pragoise, cette exposition est la première ici, c’est paradoxal.
« C’est le paradoxe de notre histoire récente. C’est malheureusement la situation, vu notre histoire récente il y a beaucoup de personnes qui sont parties pour des raisons multiples et qui ont vécu ou vivent toujours à l’étranger et font leur vie là-bas. Les Tchèques ne sont pas forcément au courant et je pense qu’il est important qu’on le rappelle aussi aux Tchèques qui sont restés en Tchécoslovaquie, qu’il y a une histoire récente qui se déroule aussi à l’étranger. »