Affaire de la société minière de Most : la vice-Premier ministre Karolína Peake joue au gendarme anti-corruption

La vice-Premier ministre, Karolína Peake (Affaires publiques - VV), a annoncé vouloir rassembler les matériaux nécessaires à la demande de prolongation de la prescription, au-delà de vingt ans, des crimes de corruption soupçonnés dans certaines des privatisations réalisées durant les années 1990. Elle a assuré que cette prolongation devrait permettre d'éviter que de nombreuses affaires de corruption du passé échappent à des enquêtes judiciaires. Depuis le début du mois de janvier le gouvernement planche sur le dossier de la sulfureuse privatisation de la Société minière de Most (MUS).

On se souvient qu’en octobre dernier, l’actuel ministre des Finances Miroslav Kalousek (TOP 09) avait déclaré que la République tchèque ne demanderait pas les milliards de couronnes gelés par les autorités suisses à la suite de la procédure judiciaire sur le blanchiment d’argent liés à la privatisation de la société minière de Most à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

A la suite de la Suisse, la République tchèque avait à son tour mené une enquête. Mais les autorités ont finalement décidé, en 2008, de classer sans suites l’affaire. En outre, bien que l’Etat soit resté co-propriétaire de la société minière, le ministère des Finances avait déclaré qu’il ne se sentait pas lésé. Contacté plusieurs fois au cours de l’année 2011 par le parquet suisse, le ministère des Finances dirigé par Miroslav Kalousek avait manqué la date buttoir pour confirmer la participation tchèque à la procédure judiciaire en cours.

Pourtant, depuis le début de la semaine, le dossier de la société minière de Most est revenu à l’ordre du jour et est devenu l’une des affaires centrales que le gouvernement entend gérer en ce début d’année. Plus que la lumière que la procédure judiciaire pourrait apporter sur l’affaire vieille de dix ans, c’est le déblocage des 12,2 milliards de couronnes gelés en Suisse qui motive aujourd’hui les autorités tchèques.

Alors que la croissance du pays a été revue à la baisse et que les recettes de l’Etat s’amoindrissent, l’afflux de l’argent contracté dans cette affaire de corruption est redevenu une priorité gouvernementale.

Karolína Peake,  photo: CTK
Toutefois, la lenteur avec laquelle les autorités tchèques concernées ont répondu à la relance suisse d’être associés aux poursuites judiciaires, risque bien de compromettre le retour de l’argent bloqué. Alors que la police anti-corruption tchèque a lancé une enquête afin de faire la lumière sur l’absence de réaction de Prague dans ce dossier, la vice-Premier ministre Karolína Peake du parti Affaires publiques s’interroge sur les moyens de résoudre la situation :

« Dans un premier temps, nous devons faire le maximum afin de pouvoir être associé à la poursuite judiciaire, la question est de savoir dans quelles mesures cela est possible. Selon les informations dont je dispose des médias, les autorités suisses on refusé d’annuler la date limite afin de nous associer comme partie lésée, ce qui aurait été le plus simple. Désormais nous n’avons qu’une seule possibilité de rechange qui est celle de déposer une plainte en tant que partie civile; ce qui sera plus compliqué et plus cher. »

Le retour sur le déblocage des quelques 12 milliards de couronnes et les interrogations portant sur l’inertie tchèque à répondre aux demandes de la Suisse interviennent quelques jours après que la vice-Premier ministre a proposé de prolonger la prescription des crimes de corruption avérés dans certaines des privatisations des années 1990. Selon le politiste de la Faculté des sciences sociales de l’Université Charles, Michel Perottino, cette annonce comporte un volet politique : il s’agit en effet d’un message destiné aux membres de la classe dirigeante et d’un moyen de renforcer la légitimité du parti Affaires publiques (VV) dont la présence est mise à mal au sein de la coalition gouvernementale depuis plusieurs mois. Michel Perottino s’explique sur ce message du parti Affaires publiques :

« Ils essaient de se positionner en défenseur de la lutte contre la corruption, puisqu’il n’y a pas grand-chose d’autre qui reste aujourd’hui de leur programme, comme fer de lance de leur activité ou de leur politique. Ils sont donc obligés d’être les plus radicaux possible. Ce qui leur permet de se positionner indirectement contre tous ceux qui étaient dans l’establishment des années 1990 ou au début des années 2000. Directement c’est le Parti social-démocrate ČSSD, qui est visé, indirectement c’est aussi le Parti civique démocrate ODS. »