Les célèbres miniatures musicales tchèques
L’année 2011 est finie et nous vous invitons à entrer dans la Nouvelle année en compagnie de Radio Prague et en écoutant la musique. Le royaume de la musique tchèque est un vaste univers composé d’océans et de mers c’est-à-dire des symphonies, de grandes montagnes c’est-à-dire des opéras et aussi de petites contrées charmantes, des paysages intimes de la musique de chambre. Pour compléter cette petite géographie musicale il faut dire qu’il existe toute une série de compositions tchèques aux dimensions modestes qui n’en sont pas moins populaires et moins recherchées par le public. Ce seront donc ces célèbres petits riens tchèques que nous allons vous présenter au seuil de la Nouvelle année, ces compositions aimées et jouées par plusieurs générations des interprètes professionnels et amateurs et adorées par les publics toutes catégories. Tous ces petits chefs d’œuvre seront interprétés par l’Orchestre symphonique de la Ville de Prague FOK placé sous la direction de Václav Smetáček.
Bedřich Smetana (1824-1884), figure de proue de la musique tchèque du XIXe siècle, était dans sa jeunesse un excellent danseur. La danse était une forme musicale qu’il a aimé d’ailleurs toute sa vie et c’est pourquoi nous lui devons beaucoup de compositions de ce genre. Il a écrit notamment une série de brillantes polkas, danse typique qui est devenue symbole du renouveau national du peuple tchèque. La version pour piano de la polka intitulée « A nos jeunes filles » date de 1850 mais ce n’est qu’en 1863 que le compositeur a fait l’instrumentation de cette danse pleine de tempérament.
L’amour du compositeur Zdeněk Fibich (1850-1900) pour la jeune écrivaine Anežka Schultzová a eu des conséquences heureuses pour la musique tchèque. Anežka était pour Zdeněk Fibich une source d’inspiration intarissable. C’est grâce à elle et pour elle qu’il a composé un cycle de 376 pièces pour piano intitulé « Climats, Impressions, Souvenirs ». Chaque rencontre avec Anežka mobilisait les forces créatrices du compositeur, chaque souvenir d’elle lui insufflait un nouveau motif ou une nouvelle mélodie, chaque détail de la physionomie de la jeune femme provoquait en lui un nouvel élan d’inspiration, chaque partie du corps d’Anežka lui inspirait une ou plusieurs compositions. Un portrait musical aussi passionné et aussi détaillé d’une seule femme et d’un seul amour n’existe probablement dans aucun pays du monde. Si cette image musicale d’Anežka n’était pas souvent si simple et toujours si tendre, on dirait que le compositeur tentait de diviniser la femme aimée, de la hisser sur un piédestal. Mais ce sont la tendresse, la simplicité et la douce féminité qui dominent ce journal intime, ce roman d’amour en musique qu’est le cycle « Climats, Impressions, Souvenirs ». Une soirée passée avec Anežka sur l’île de Žofín à Prague a inspiré à Zdeněk Fibich aussi une des mélodies tchèques les plus célèbres. Intitulée plus tard « Le poème », elle a fait le tour du monde.
Le compositeur Vítězslav Novák (1870-1949) a prolongé jusqu’à la moitié du XXe siècle les glorieuses traditions de la musique tchèque qui devait ses titres de noblesse à Bedřich Smetana, Antonín Dvořák et Zdeněk Fibich. Malgré les tendances modernes et les inspirations impressionnistes qui s’imposaient dans ces œuvres Vítězslav Novák n’a jamais cessé d’être un compositeur épris de la cantabilité caractéristique pour les grands musiciens tchèques du passé. La Polka des Diables, un petit divertissement tiré du cycle de compositions intitulé « Jeunesse » démontre que Vítězslav Novák ne manquait pas non plus de sens de l’humour.
La vie de Josef Suk (1874-1935) a été liée à celle d’Antonín Dvořák et de sa famille. Elève de Dvořák au conservatoire de Prague, Josef Suk est tombé amoureux de la fille de son maître, Otilka, sa future femme. Elève et gendre du célèbre compositeur, il a été évidemment influencé par le style de Dvořák, mais y a ajouté un talent très personnel, son invention mélodique et son souffle lyrique. Il a été un successeur digne de son maître. Après avoir entendu le mouvement lent de son Quatuor avec piano en la mineur composé en 1891, Antonín Dvořák lui a donné un baiser sur le front comme s’il voulait l’accueillir dans la compagnie exquise des plus grands hommes de la musique tchèque. C’est en 1893 que Josef Suk a créé un cycle de compositions intitulé simplement « Pièces pour piano » : la première de ces pièces a complètement subjugué le public de son temps et continue à séduire et à fasciner ceux qui l’entendent encore aujourd’hui. Cette pièce appelée « Chant d’amour » qui s’ouvre comme une prière tendre et pleine de mystère, se transforme bientôt en un appel ardent, en une imploration passionnée pleine de douces promesses. Il est fort probable qu’en créant cet amoroso irrésistible le jeune compositeur ait pensé à la charmante Otilka qui était en ce moment-là avec son père à New York et qui lui manquait beaucoup.
Il est évident que les œuvres que nous avons choisies pour cette émission n’existeraient pas sans la force éternelle qui les a fait naître, qui a inspiré leurs auteurs et qui est aussi importante dans la vie que dans l’art. Cette force s’appelle amour. Merci d’avoir visité avec nous au seuil de la nouvelle année quelques contrées charmantes du royaume immense de la musique tchèque. Que la belle musique, la santé et l’amour vous accompagnent pendant toute l’année qui commence.