Transition démocratique : une délégation de médias tunisiens à la Radio tchèque

Studio in Radio Prag

Comment les médias tchèques ont-ils réussi la transition démocratique après la révolution en 1989 et la chute d’un régime communiste qui a contrôlé presse, radio et télévision pendant plus de quarante ans ? C’est la question que se posent actuellement les dirigeants des médias en Tunisie ? Invitée par la Deutsche Welle, une délégation composée d’une quinzaine de responsables était en visite à la Radio tchèque la semaine dernière. A la fin de la journée, au cours de laquelle a notamment témoigné l’actuel directeur de la Radio tchèque, Petr Duhan, qui était le directeur de la Radio tchécoslovaque au début des années 1990, le directeur des relations internationales de la Télévision tunisienne, Mohamed Habib Ben Saïd, en a dit plus sur les objectifs de cette visite à Prague :

« Nous sommes venus ici à Prague dans le cadre d’un programme général, invité par nos amis de la Deutsche Welle. C’est donc la continuation d’un programme qui va dans le sens de l’accompagnement dans le secteur public et pour le secteur privé. Moi, je représente la Télévision tunisienne, qui a un certain public. Nous sommes maintenant en train de réussir notre migration d’une télévision d’Etat, de propagande, vers une télévision de service public pur. C’est dans ce cadre de perfectionnement du management que nous sommes en train de voir de près les standards internationaux pour pouvoir piloter dans les semaines et les mois à venir un travail de fond pour que la Télévision tunisienne soit véritablement une télévision de service public. Nous avons vu l’expérience des Allemands de l’Est, et nous avons vécu ici, à Prague, l’expérience tchèque. C’est dans ce cadre que nous allons nous inspirer, nous en Tunisie, de l’expérience de nos amis allemands de l’Est et de nos amis tchèques pour pouvoir réussir cette transition, cette reconversion d’une télévision d’Etat, de propagande, dans une télévision au service du citoyen. Un service public transparent, une télévision indépendante où elle est simplement au service du citoyen tunisien. »

Assistant du directeur de la Télévision tunisienne, Jalel Lakhdar a ajouté un certain nombre de précisions sur quelques-uns des principaux enseignements de cette visite dans les locaux de la Radio tchèque :

« Nous sommes très intéressés par le mode de gestion de votre radio. Nous avons écouté avec intérêt l’explication du directeur général lorsqu’il a expliqué que lui-même, le conseil audiovisuel, le conseil des programmes sont élus par la Chambre des députés, et qu’à travers le Parlement il y a la présence des partis politiques, de la société civile, et qu’ils sont tous élus et n’ont pas de droit de regard et ne contrôlent pas les programmes. Il y a un conseil de la rédaction où les journalistes sont indépendants, neutres, loin de toute influence, de toute force politique pour pouvoir réellement exercer la neutralité et l’indépendance du secteur public médiatique. Nous avons suivi avec intérêt ce point-là. »

« A la lumière de la révolution tunisienne, nous avons d’abord effectué des élections dans notre pays, nous avons maintenant un conseil national constitutionnel, qui est en train de rédiger la Constitution. Il y a l’introduction d’un gouvernement de transition avec l’élection d’un président, d’un chef de gouvernement, d’un président de l’Assemblée nationale constitutionnelle. Tout ça donc met en évidence le commencement d’un processus démocratique pour la Tunisie. Le service public est appelé à jouer un rôle très important. Déjà il faut préserver et consolider la redevance pour protéger ce service public de toute influence. Peut-être que chez vous l’Etat ne contribue pas à votre besoin, mais chez nous en Tunisie, nous avons besoin d’une contribution complémentaire pour que nous puissions remplir notre mission. Nous avons aussi besoin de l’apport de la publicité, autrement dit il faudrait que la Télévision tunisienne ait un statut particulier qui défendent ses droits et sa mission. Notre visite nous a donné cette opportunité de connaître et d’apprécier votre modèle et votre expérience. »

« Vous savez, avant la révolution, il y avait la télévision de propagande sous l’influence du parti unique, de l’ancien régime. Il y a des gens qui ont collaboré avec ce régime. Après la révolution il faut penser, corriger, réformer ou redresser cette situation sans créer véritablement un climat de tension qui pourrait se répercuter négativement sur le pays et sur l’espace du service public. Nous avons à l’œil tout cela pour essayer avec le moins de dégâts d’assurer une rupture avec la période ancienne et de s’inscrire dans une nouvelle démarche, qui répond aux critères internationaux du service public, et de compter fondamentalement sur nos propres moyens, sur nos ressources humaines mais également sur nos partenaires européens qui sont des démocraties traditionnelles. »

« Cette visite est instructive, elle a été très utile et nous allons rentrer en Tunisie avec beaucoup de choses que nous avons apprises. Nous sommes confiants et optimismes. Nous avons beaucoup de possibilités pour renforcer la coopération entres les deux parties. Un long chemin nous attend, il va falloir l’entamer à petits pas pour réaliser nos objectifs, à savoir voir la Télévision tunisienne s’inscrire dans le service public et essayer de gagner de la crédibilité, de la confiance et d’être neutre et indépendante de toutes les forces publiques, à égale distance de tout le monde. »