Václav Klaus, instigateur du débat sur la relation entre l’Etat et l’Eglise

Václav Klaus à Stará Boleslav

Le discours prononcé par le président de la République Václav Klaus, le 28 septembre dernier, dans le cadre d’une messe en présence des dignitaires de l’Eglise catholique a été à l’origine d’un vif débat sur les relations entre l’Eglise catholique et l’Etat. Le débat largement commenté est intervenu dans un contexte délicat où se prépare la loi sur la restitution des biens des Eglises confisqués par le régime communiste.

Václav Klaus à Stará Boleslav
Dans son discours prononcé dans la ville de Stará Boleslav Václav Klaus a exhorté l’Eglise à intervenir plus activement dans le débat public, a souligné l’importance des valeurs traditionnelles et patriotiques et a critiqué le concept de l’Etat social. Le discours de Václav Klaus a suscité une vive critique du prêtre catholique et professeur d’université Tomáš Halík qui a dénoncé son caractère politique et a mis en garde les dignitaires de l’Eglise contre une nouvelle « alliance entre le trône et l’autel. » Selon Tomáš Halík, la société tchèque est déjà suffisamment allergique aux avances de l’Eglise vis-à-vis du pouvoir. Dans ses interviews à la radio le prêtre a cependant souligné que sa démarche ne visait pas la personnalité du président de la République mais certaines tendances dangereuses dont Václav Klaus était le symbole. Il a mis l’accent aussi sur les spécificités du rôle de l’Eglise :

Tomáš Halík
« Ce qui m’a surtout choqué dans ce discours c’est que Václav Klaus a appelé l’Eglise à faire alliance avec lui dans la lutte contre l’Etat social. Je reconnais que certaines formes de l’Etat social sont exagérées et que nous manquons de moyens pour les financer. Mais ce sont les libéraux, ces libéraux dont Václav Klaus faisait partie avant de changer d’orientation politique, qui doivent veiller à ce que l’Etat social ne dégénère pas en Etat-providence. Cependant le rôle de l’Eglise est bien différent. L’Eglise doit veiller à ce que l’Etat ne renonce pas à sa responsabilité sociale comme nous le voyons aujourd’hui. L’Eglise doit se mettre du côté des pauvres. »

Petr Hájek
Et Tomáš Halík d’insister sur ce rôle spécifique de l’Eglise qui, si elle prend au sérieux l’Evangile et sa doctrine sociale, doit être la voix des plus démunis et des sans-voix. La réaction des milieux présidentiels ne s’est pas fait attendre. Le vice-chancelier de la Présidence de la République Petr Hájek a publiquement accusé Tomáš Halík d’ambitions politiques et est allé jusqu’à remettre en cause l’authenticité de son ordination sacerdotale. L’archevêque Dominik Duka, primat de l’Eglise catholique tchèque, qui entretient de bons rapports avec le président, s’est déclaré, lui, d’accord avec l’idée de Václav Klaus selon laquelle les chrétiens devraient participer au débat public.

L’archevêque Dominik Duka
Par contre Tomáš Halik a été soutenu par une pétition protestant contre la collaboration étroite de l’Eglise avec le monde politique. Ses auteurs appellent le clergé catholique à ne pas discréditer l’Eglise par des engagements politiques et à se départir nettement de toutes les manifestations d’intolérance, de nationalisme et de xénophobie. Ils appellent aussi à la réflexion sur la relation entre l’Etat et l’Eglise catholique. La pétition signée par une vingtaine de personnes dont plusieurs prêtres a été présentée également à la réunion de la Conférence épiscopale tchèque qui s’est déclarée prête à la discussion sur ce problème. Tomáš Halík se montre satisfait :

« Cela s’est produit parce que l’Eglise manquait de communication interne et je pense que cette communication a été établie et qu’elle est intense. J’ai l’impression d’avoir contribué à un débat ouvert sur l’Eglise qui n’entraîne pas de situations conflictuelles. »

Toujours est-il que l’affaire démontre qu’il y existe deux tendances opposées au sein de l’Eglise catholique tchèque, tendances qui continueront très probablement à être exploitées sur l’échiquier politique.