Le Parti communiste de Bohême et de Moravie et son histoire (I)
Le 17 novembre prochain, la République tchèque fêtera le vingt-deuxième anniversaire de la chute du régime communiste. Au micro de Radio Prague, Michel Perottino, politologue et spécialiste du Parti communiste de Bohême et de Moravie revient sur l’histoire du Parti communiste tchèque. Première partie de l’entretien: de la création du Parti communiste tchécoslovaque à la libération des pays tchèques en 1945.:
Le Parti a été crée en mai 1921, et le contexte politique est double. D’une part, c’est la création de la Tchécoslovaquie qui influe sur la situation politique et en particulier sur la situation au sein de la sociale démocratie qui va donner naissance au Parti communiste et de l’autre, c’est le contexte de la révolution russe.
Y a-t-il des liens étroits avec l’URSS a ce moment.
Avec la Russie bolchevique et révolutionnaire il y a des liens. On ne peut pas dire étroits, mais il y a des liens pratiques puisqu’il y a beaucoup de Tchécoslovaques qui sont en Russie à ce moment là et qui sont entrain de rentrer, notamment les légions tchécoslovaques. Et puis, il y a des liens plus politiques, par exemple Šmeral (Bohumír Šmeral, né le 25 octobre à Třebíč et mort le 8 mai 1941 à Moscou) qui est l’un des principaux dirigeants de la sociale démocratie et qui se rend en Russie au début des années 1920. Il y a donc déjà des contacts qui vont mener à la création du Parti communiste.
Le Parti est crée en 1921: Quel poids a ce parti dans l’entre-deux-guerres, et quelle est sa place dans le paysage politique de la Tchécoslovaquie jusqu’en 1938?
C’est un parti qui va très rapidement participer aux élections mais qui se positionne de manière ambigüe. Sa position va évoluer, notamment l’élite du parti qui va profondément se modifier dans la deuxième moitié des années 1920. Il y a deux temps. La première partie des années 1920, durant laquelle le Parti se constitue, commence à créer ou à régénérer son idéologie et à se rattacher à la révolution bolchevique, et tenter de s’insérer dans la Tchécoslovaquie qui est entrain de naître. Pour schématiser, c’est le courant porté par Šmeral. Dans la deuxième moitié des années 1920, le Parti va entamer un processus de transformation interne que l’on appelle la bolchevisation du Parti afin de l‘insérer dans la sphère d’influence soviétique.
Donc le rapprochement vers l’URSS est inéluctable, à ce moment?
C’est un rapprochement qui est dans la ligne classique des Partis communistes d’Europe, c’est-à-dire l’insertion des Partis communistes dans l’Internationale communiste. Ce qu‘il est important de savoir pour comprendre comment fonctionne les Partis communistes est de signaler que tous les Partis sont des entités territoriales qui fonctionnent sur un territoire donné. Il n’y a donc pas de clefs nationales à ce moment là. Ce sont des Partis internationalistes, cosmopolites qui ont vocation à préparer le terrain pour la révolution future. A ce moment là, le pays de référence, c’est l’Union soviétique.Et les relations du Parti tchécoslovaque avec les Partis communistes des autres pays d’Europe centrale ?
Ce sont souvent des relations filtrées par le biais de l‘Internationale communiste qui va normaliser certaines relations au sein du mouvement communiste. Le développement des Partis communistes est très inégal. Il y a des partis qui fonctionnent très bien, par exemple celui de la Tchécoslovaquie qui est un parti qui fonctionne d’ailleurs mieux dans la partie tchèque que dans la partie slovaque, et les Partis embryonnaires, qui n’ont aucune existence parlementaire.Dans quels pays par exemple ?
En Pologne et en Hongrie, le développement du mouvement communiste n’est pas comparable à la situation tchèque qui, si on prend le contexte européen, est beaucoup plus proche de ce qui se passe en France et en Italie. C'est-à-dire un parti qui s’est très bien implanté et qui fonde son action sur certains bassins industriels. Dans l’entre-deux-guerres, le Parti se défini comme un parti ouvrier de révolution future.
Durant les dernières élections législatives en 1935, quel est le poids du Parti communiste ?
C’est un poids remarquable, car il se situe autour de 10 %. C’est un parti qui est bien installé, dans un pays morcelé au niveau partisan et qui a une dimension parlementaire.Y a-t-il une forme de clivage nationalitaire dans les affiliations au Parti et dans son électorat ?
A mon avis, c’est davantage un clivage social ou socio-économique qu’un clivage national ; en tout cas dans les années 1930. Notamment en raison du fait que le Parti est plus implanté dans les régions les plus industrielles du pays. C'est-à-dire, pour être plus précis, dans la Bohême actuelle. Si le Parti n’est pas clivé au niveau national, la montée en puissance du parti de Henlein va toutefois modifier la donne.
En 1938, ce sont les accords de Munich, la Tchécoslovaquie disparaît. Quel est le destin du Parti communiste à ce moment là ?
Pour l’essentiel, le Parti va entrer en clandestinité, il y aura d’ailleurs plusieurs comités clandestins. Une partie de l’élite va partir en exil, principalement à Moscou et le Parti va être l’un des moteurs importants de la résistance tchèque dans la lutte contre l’Allemagne nazie.
A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, comment le Parti communiste récupère t-il sa position et se réinstalle t-il dans la Tchécoslovaquie libérée?
La „réinstallation“ du parti comuniste est évidemment compliquée par l’existence de deux légitimités guerrières…
Lesquelles?
Celle de la clandestinité et de la résistance sur place, d’un côté, et puis celle de l’exil, de l‘autre. A cet antagonisme, va venir se greffer un autre antagonisme qui est celui qui divise ceux qui ont participé aux brigades internationales en Espagne et ceux qui n’y ont pas participé. On va voir que dès l’après-guerre, tous ceux qui bénéficiaient de la légitimité de la clandestinité, de la résistance et des interbrigades, vont être très rapidement exclus de l’élite du Parti.