Notre-Dame de Lorette de Rumburk
Dans ce nouveau guide touristique de Radio Prague, nous vous invitons à Rumburk, une ville de 11000 habitants, située à l’extrémité nord de la Bohême. Dans les années 1930, Rumburk était surnommée la petite Paris, en raison de nombreux cafés, hôtels et de pâtisseries qui s’y trouvaient et contrastaient avec le caractère industriel de la ville. Ce qui attire aujourd’hui les touristes à Rumburk, c’est Notre-Dame de Lorette, réplique du sanctuaire qui se trouve dans la commune italienne de Loreto.
Pour les touristes venant d’Allemagne, Rumburk est accessible par deux passages-frontière, Seifhennersdort et Neugersdorf. La ville fait partie intégrante de l’Eurorégion Spree-Mandau regroupant plusieurs communes tchèques et saxonnes. Elle est connue pour être le lieu de l’unique révolte de soldats tchèques de l’armée austro-hongroise pendant la Grande Guerre, comme le rappelle un monument érigé à leur mémoire. Elle est réputée pour sa réserve protégée des maisons à colombage, ainsi que pour ses résidences de riches industriels et commerçants qui s’y sont installés au XVIIIe siècle, dont l’Anglais Robert Alasson, fondateur d’une manufacture du textile. Moins connu est le fait que Franz Kafka a plusieurs fois séjourné à Rumburk, entre les années 1915 et 1918, en tant qu’employé d’une compagnie d’assurance et aussi en tant qu’hôte du sanatorium local.
La première question que le touriste qui vient à Rumburk se pose est de savoir, pourquoi une Santa Casa à Rumburk ? Klára Mágrová qui nous a tenu de guide explique :
« La chapelle Notre-Dame de Lorette n’est pas apparue par hasard à Rumburk. Elle a été construite dans les années 1704-1707 sur la demande du prince Antonín Florian de Liechtenstein qui avait son siège au château de Rumburk. Ambassadeur au Vatican, le prince a beaucoup voyagé au travers de la péninsule apennine et s’est rendu aussi à Loreto. Le culte de la Maison de la Vierge – Santa Casa, lui a plu et il a décidé de le transposer au centre de son domaine, à Rumburk. »
En République tchèque, il n’existe que trois chapelles de ce genre – une à Prague-Hradčany, une à Kosmonosy et une à Rumburk. Parmi elles, cette dernière est la plus septentrionale de Bohême mais également de l’Europe entière. Notre guide nous rappelle pour mémoire ce qu’est la Lorette: nom abrégé donné aux chapelles de Notre-Dame et qui tire son origine soit du mot latin laureto – laurier, mais plus probablement du nom du sanctuaire italien de la ville de Loreto. La légende de Santa Casa est représentée sur la décoration extérieure de la chapelle: on y reconnaît la maison où est née la Vierge Marie, où elle a vécu et reçu l’Annonciation de la naissance miraculeuse de Jésus, raconte Klára Mágrová:
« Selon la légende, la maison de Marie se trouvait à Nazareth et quand la ville a été sur le point d’être conquise par les musulmans, un cortège d’anges a soulevé la maison au cours d’une nuit du mois de décembre 1294. La maison de la Vierge à Nazareth consistait en un ensemble de trois murs adossés à une grotte creusée dans un rocher. Elle a été transférée d’abord sur les côtes de Dalmatie, pour être réassemblée finalement à Loreto près d’Ancône. »
Décidé de faire de Rumburk un centre représentatif de son domaine, le prince Antonín Florian de Liechtenstein a fait appel à l’architecte viennois Jan Lukáš Hildebrandt. Pour la construction de la chapelle de Notre-Dame de Lorette, ce dernier a choisi un emplacement au milieu du complexe du cloître des Capucins de Rumburk:
« Hildebrandt est allé à Loreto en Italie pour y étudier et mesurer la chapelle d’origine. Pourquoi tant de soucis avec les dimensions de la chapelle? C’est parce qu’à l’époque baroque, on croyait qu’un lieu de pèlerinage pouvait accomplir ses fonctions à un autre endroit. Il était possible d’effectuer les pèlerinages sur les lieux où étaient reproduits les objets ou les statues d’origine. Ceci explique la précision du mesurage des différents éléments et des dimensions de la chapelle italienne, afin que sa copie puisse ensuite être réalisée à Rumburk selon les plans de Hildebrandt. »
La décoration en stucs est hautement appréciée, ainsi que les plastiques, et est très proche de l’original italien. Sauf que le grès dont les décorations et les plastiques sont faites résiste mal au climat local qui est beaucoup plus rude au nord de la Bohême qu’en Italie. Comme le raconte Klára Mágrová, on se bat depuis 300 ans pour la sauvegarde de la chapelle. En 1900, on a fermé la galerie couverte avec un chemin de croix créée en 1749. A l’heure actuelle, on est en train de restaurer les fresques dans le cloître.
Nous entrons dans la chapelle. L’intérieur porte quant à lui les traces d’interventions peu sensibles effectuées dans les années 1950. Le plus précieux est la statue de la Madone noire à l’enfant créé en 1694 à Rome, une statue miraculeuse qui aurait guéri près de 30 personnes, selon notre guide. Les pèlerinages ont lieu à Rumburk sans interruption depuis 1685. Autre objet unique à l’intérieur de la chapelle: le „Saint Escalier“, l’un des dix qui ont été conservés dans notre pays:
« Les 28 marches de cet escalier représentent celui du palais de Jérusalem gravi par Jésus lors de son jugement par Ponce Pilate qui a décidé de sa crucifixion. Sur le chemin, il était ridiculisé par des commerçants. Leurs visages, exprimant le mépris et la colère, ont été saisis par le sculpteur Elias Dollhopf, auteur de statues installées en 1770 le long de cet escalier. »
Lorsqu’on dit Rumburk, la première chose qui vient à l’esprit des Tchèques est la révolte de Rumburk: organisée par des soldats tchèques de l’armée austro-hongroise revenus du front russe, elle a éclaté le 21 mai 1918 dans les casernes locales:
« On leur a promis de l’argent, des journées de repos, mais au lieu de cela, ils ont reçu l’ordre de se présenter sur le front. En signe de protestation, les soldats révoltés se sont attaqués à leurs supérieurs en décidant de s’armer et de se diriger vers Prague pour y attendre la fin de la guerre. Arrêtés à Nový Bor, ils ont été jugés et condamnés à des peines de prison dans la petite forteresse de Terezín. Trois soldats ont été exécutés à Rumburk, sept autres chefs militaires à Nový Bor.»
A Rumburk, on trouve un petit quartier de maisons à colombage de tisserands, ainsi que des villas d’industriels et d’entrepreneurs. Une manufacture de textile y a été édifiée dès 1720, et dans les années suivantes, des commerçants anglais qui venaient s’y installer ont apporté une contribution marquante au développement de la ville.
Comme l’ajoute Klára Mágrová, Franz Kafka a plusieurs fois séjourné à Rumburk. En tant qu’employé d’une société d’assurance, il était chargé de contrôler les conditions de travail des ouvriers dans des usines:
« Tout d’abord, c’est son travail qui l’amène à Rumburk, mais il passe également un séjour au sanatorium Frankenstein. Il a eu l’idée de le remanier en un établissement de cure pour les soldats. Pour ce projet, il devait être décoré d’une distinction autrichienne, mais la fin de la guerre a empêché sa réalisation. Une exposition intitulée „Les voyages de Franz K.“ sera inaugurée avant la fin de l’année à Rumburk. C’est un projet itinérant accompagné d’une brochure qui repère les lieux visités par Franz Kafka et qui présentera cette personnalité sous un autre angle.»
Trois expositions permanentes sont proposées dans les locaux du lieu de pèlerinage marial de Rumburk. Ces locaux servent aussi à l’organisation de concerts, d’expositions et de manifestations culturelles. Ainsi, au mois de septembre, ce seront les Festivités de la Lorette. En 2012, on pense ouvrir une exposition tchéco-allemande consacrée à l’art ecclésiastique de la région.
Plus d’infos: www.icrumburk.cz