Le charme des restaurants pour les randonneurs
« Vous vous reposerez, vous rafraîchirez votre corps, vous calmerez vos nerfs, vous raffermirez votre santé. » C’est par ces slogans que les habitants de Prague étaient attirés dans les auberges et les restaurants qui se multipliaient dans la capitale tchèque et ses environs à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Le phénomène des restaurants dont la clientèle se recrutait parmi les randonneurs et amateurs d’excursions pragois est un chapitre important de la vie sociale des habitants de la capitale au cours des deux derniers siècles. C’est aussi le sujet du livre sorti aux éditions NLN et que son auteur Tomáš Dvořák a intitulé « Les restaurants pour amateurs d’excursions de Prague ».
Le livre de Tomáš Dvořák a été publié parallèlement avec une exposition que le public a pu voir de septembre 2010 à mars 2011 au Musée de la Ville de Prague. L’ouvrage qui réunit les documents de cette exposition a permis à son auteur de cerner le phénomène des restaurants pour la clientèle de randonneurs :
« Je voulais démontrer par mon livre que les Pragois se rendaient non seulement dans les parcs comme ceux de Žofín, de Letná, de Stromovka et de Petřín, mais qu’ils allaient aussi plus loin. Ils suivaient les cours des rivières Berounka, Sázava et Vltava, en bateau, à vélo, plus tard en voiture. Dans les années 1920 et 1930, après le développement de la grande banlieue de Prague, les nouveaux habitants arrivaient, de nombreux nouveaux emplois ont été créés. En été donc, Prague déversait des randonneurs dans ses environs. Fuir la chaleur suffocante de Prague, tel était le slogan de l’époque. »Bien que le titre du livre de Tomáš Dvořák laisse entendre qu’il sera question de restaurants pragois, les établissements qu’il évoque étaient situés parfois assez loin de la ville. L’auteur explique pourquoi ils figurent malgré tout dans son livre :
« Souvent des auberges locales ont été remaniées, élargies, les villégiateurs pouvaient loger aussi chez l’habitant. Je pense donc qu’on peut trouver un restaurant pour randonneurs pragois même à 50 kilomètres de Prague, car ces établissements ne pouvaient exister que grâce à la clientèle pragoise. »Les goûts des clients de ces restaurants étaient parfois assez modestes. Ils dégustaient par exemple une tranche de pain avec du saindoux, des saucisses, un goulasch. Manger du pain beurré arrosé d’un verre de lait était chose courante. On buvait surtout de la bière, mais aussi des limonades, du jus de poire ou de l’ersatz de café. On voit donc que les goûts de la clientèle de ces établissements étaient assez différents de ceux des clients actuels. Tomáš Dvořák rappelle d'ailleurs que beaucoup de ces restaurants n’existent plus que sur les cartes postales :
« Il n’y pas beaucoup de restaurants de ce genre qui se sont conservés. C’est par exemple le restaurant ‘U Chladů’ dans la ville de Zbraslav ou le restaurant ‘Na Letné’ à Prague. En ce qui concerne les établissements en dehors de la capitale nous avons beaucoup collaboré avec le restaurant ‘U Neužilů’. C’est une entreprise familiale, un établissement qui a le grand avantage d’être tenu par les membres d’une même famille depuis 1900, qui s’intéresse beaucoup à son passé. Ses membres ont gardé jusqu à nos jours les documents écrits et ont même conservé dans une grange une partie de l’équipement de leur restaurant. » C’est donc grâce aussi au restaurant « U Neužilů » situé au bord du barrage de Slapy sur la Vltava que Tomáš Dvořák et ses collaborateurs ont réussi à faire resurgir du passé une période révolue de la restauration, de la gastronomie, des loisirs et de la vie sociale des Pragois.