Un médicament à base de chanvre bientôt dans les pharmacies tchèques

Sativex

La République tchèque vient d’autoriser la commercialisation du premier médicament à base de chènevis, c'est-à-dire de graines de chanvre, donc de marijuana. Il s’agit d’un spray, répondant au doux nom de Sativex et qui a pour but d’aider les personnes atteintes de sclérose en plaques. La Tchéquie est seulement le troisième pays en Europe, après l’Espagne et le Royaume-Uni, à autoriser la commercialisation de cette substance. Elle reste pourtant l’un des rares pays à proscrire la culture du chanvre à des fins thérapeutiques.

Sativex
Le spray Sativex est un médicament puissant pour atténuer les douleurs dont peuvent souffrir les malades de la sclérose en plaques. Il contient des substances addictives et sera donc privilégié pour des traitements lourds et seulement après accord d’un médecin.

Selon l’Institut d’Etat pour le contrôle des médicaments, il pourrait trouver sa place dans les pharmacies à fin de cette année. Il sera cependant très peu accessible car il devrait coûter environ 15 000 couronnes, soit à peu près 600 euros. Le directeur de la Centrale tchèque anti-drogues, Jakub Frydrych, tente d’expliquer ce prix exorbitant.

« C’est en accord avec le fait que c’est la voie médicamenteuse classique qui est privilégiée pour faire en sorte que les patients n’aient pas le sentiment qu’ils peuvent s’auto diagnostiquer. »

La Tchéquie est un pays relativement tolérant vis-à-vis de l’usage récréatif du cannabis. Sa consommation a été dépénalisée et en posséder de faibles quantités (moins de 15 grammes) n’est passible que d’une amende. Aussi, cultiver moins de cinq plants de cannabis ne constitue plus, depuis janvier dernier, un crime mais un simple délit. Pour autant, l’arrivée sur le marché de ce médicament pourrait relancer le débat en République tchèque quant à l’usage médical du chanvre.

Dušan Dvořák a fondé et dirigé une clinique basée sur l’idée que « le chanvre soigne ». Suspendu de ses fonctions après avoir été jugé pour la culture de plus 300 kilogrammes de cannabis, il se félicite de l’autorisation de ce spray mais reste prudent et réaliste.

« C’est bien que ce se soit passé, car maintenant, il est officiel que le cannabis soigne. Mais les autorités continuent d’interdire la recherche. Depuis le début des années 2000, je demande au Ministère de la santé de me dire ce dont j’ai besoin pour pouvoir effectuer des recherches, et ils me répondent ‘vous pouvez, mais nous ne pouvons pas vous autoriser à cultiver du cannabis’. »

Il semble au final que cette autorisation ne s’inscrive pas dans une réflexion plus poussée sur les usages thérapeutiques de la marijuana. Il s’agit d’une décision d’exception, peut-être simplement due au talent de lobbying de la société britannique qui commercialise ce produit, laquelle avait déjà obtenu au Royaume-Uni une licence lui donnant la possibilité de cultiver quelques 20 tonnes de cannabis.

Photo: Archives de Radio Prague
Le débat n’est pas aujourd’hui la priorité des politiciens tchèques. Le parti Affaires publiques (VV) a bien essayé de lancer une discussion à ce sujet, mais il a d’autres problèmes à résoudre. Jindřich Vobořil, le coordinateur gouvernemental sur la politique en matière de drogue, parle d’un plan d’action sur deux ans qui viserait à relancer un vrai débat sur la culture du chanvre et ses applications thérapeutiques. Il faudra encore être patient avant que puisse être mise en place une politique cohérente en matière de cannabis et de recherche médicale.