Un souvenir du poète František Hrubín, né il y a cent ans
« Si j’étais né encore une fois, je ne voudrais pas vivre ailleurs qu’ici, en Bohême », disait František Hrubín, poète, auteur de pièces de théâtre et traducteur lié, en effet, par toute sa personnalité, par toute son œuvre à son pays natal.
Il est né le 17 septembre 1910 à Prague, mais il a vécu, depuis sa petite enfance, à la campagne, dans les environs de la belle rivière de Sázava, dans un milieu rural et dans une nature féérique qui l’ont tant inspiré.
« J'aime ce vert, après la débâcle des glaces tonnerre préludant au printemps renaissant, qui jaillit avec lui dans la joie et l'audace sur les jeunes troncs des peupliers verdissants. »
Un extrait du poème Le vert de František Hrubín, traduit en français par Charles Moisse. Le jeune Hrubín renonce aux études de littérature à l’Université Charles et rejoint le mouvement d’avant-garde, aux côtés des ses amis poètes Jaroslav Seifert et František Halas. Il travaille, durant toute la guerre, comme bibliothécaire, écrit de la poésie lyrique à la mélodie captivante et élève, avec sa femme, dans des conditions très modestes, deux enfants.
Sa fille Jitka Minaříková, traductrice d’anglais, d’italien et de français, se souvient de son père, « un extraverti timide », dans une interview accordée au journal Lidové noviny : « Pour moi, il était comme tous les papas, sauf qu’il nous écrivait de temps en temps de petits vers que l’on retrouvait ensuite dans ses recueils de poèmes, il savait aussi imaginer des histoires. Quand il traduisait Verlaine, il marchait et ne cessait de répéter ses vers, pour bien entendre comment ça sonne. J’avais quatre ans et à force de l’entendre, j’ai appris tous ces poèmes français par cœur, même avec la mauvaise prononciation de mon père. »
Après la guerre, František Hrubín et l’illustrateur Jiří Trnka sortent un chef-d’œuvre de la littérature tchèque pour enfants, maintes fois réédité, « Špalíček veršů a pohádek » (Recueil de poèmes et d’histoires). Arrive alors un tournant dans la vie du poète : en 1956, Hrubín ose critiquer le régime communiste lors du IIe Rassemblement des écrivains tchécoslovaques. « Notre peuple est comme un cygne coincé dans la glace », dit-il et ces propos lui valent une année d’isolation sociale, d’incertitude, de difficultés financières, une période à l’issue de laquelle il décide de démentir officiellement sa critique… Le poète ne se remettra plus jamais de cette expérience traumatisante. Dès lors, František Hrubín se consacre davantage à l’écriture de pièces de théâtre. Le jeune et talentueux comédien Luděk Munzar joue alors dans sa pièce « Un dimanche d’août » (Srpnová neděle), mis en scène au Théâtre national par Otomar Krejča. Le poète assiste aux répétitions et une amitié entre l’acteur et le poète de générations différentes est née, une amitié pour la vie. Luděk Munzar se souvient :« Nous parlions des heures et des heures, il me racontait tout de son enfance et sa jeunesse… Et nous avons trouvé tant de points communs ! Nous étions très bien ensemble. »
A l’occasion du centenaire de František Hrubín, décédé en 1971, Luděk Munzar a créé un spectacle-souvenir au théâtre Viola à Prague. Un spectacle mettant à l’honneur la poésie de Hrubín, cette poésie où le bonheur et la souffrance se côtoient et que Tchèques continuent à aimer et à lire.