Le coup d’Etat raté du 12 septembre 1938 – un prélude de Munich
Soixante-douze ans se sont écoulés, le 12 septembre, depuis le coup d’Etat raté opéré en Tchécoslovaquie par Konrad Henlein, leader du parti allemand des Sudètes, le SDP. Un événement qui précède la signature des accords de Munich qui aura lieu moins de trois semaines plus tard durant la nuit du 29 au 30 septembre 1938…
Dans les années 1930, les Allemands des Sudètes représentent environ 30 % de la population tchécoslovaque, soit plus de 3 millions de personnes. La victoire électorale du parti allemand des Sudètes aux dernières élections législatives d’avant-guerre organisées en Tchécoslovaquie en mai 1935 a servi de prétexte à Hitler pour réaliser ses projets d’annexion des régions limitrophes de Bohême et de Moravie.
Au congrès du SDP tenu en avril 1938 à Karlovy Vary, Henlein expose son programme derrière lequel se cachent les préparatifs du rattachement des Sudètes au Reich allemand, à l’instar de ce qui venait de se passer en mars en Autriche. Dans un mémorandum adressé à Hitler, Henlein exclut la possibilité d’une coexistence entre Tchèques et Allemands et demande le règlement de la question par le rattachement immédiat des régions frontalières pour que les Allemands des Sudètes « puissent enfin retourner dans leur pays. » Après le coup d’Etat raté du 12 septembre, la pression augmente. Le 15 septembre, Adolf Hitler rencontre à Berchtesgaden Neville Chamberlain pour discuter de ses revendications vis-à-vis de la Tchécoslovaquie: la cession de ses régions est refusée par Prague. Le 21 septembre, après des pressions diplomatiques exercées par la France et la Grande-Bretagne sur le président Edvard Beneš, ce dernier fini par céder. La nuit du 29 au 30 septembre, les accords de Munich sont signés. Le même jour, la Tchécoslovaquie, amputée d’un tiers de son territoire, accepte le diktat, étant sacrifiée au nom d’une paix en sursis. Elle ne se livre pas pour autant sans combat. Après une mobilisation partielle des réservistes, le 13 septembre 1938, tous les hommes de moins de 40 ans sont appelés sous les drapeaux, dix jours plus tard. Près d’un million de soldats sont stationnés dans les 206 fortifications lourdes édifiées en plus des 9600 fortifications légères le long de la frontière, dénommées la petite ligne Maginot. Or depuis déjà 1935, des corps de garde sont postés aux frontières Ils s’appellent les SOS à ne pas confondre avec le signal de détresse, Il s’agit au contraire de la dénomination en abrégé des corps de garde pour la défense de l’Etat – Stráž obrany naroda, en tchèque. L’existence de ces corps injustement omise contredit le mythe selon lequel la Tchécoslovaquie a cédé ses régions limitrophes sans avoir tiré un seul coup de fusil, souligne l’historien Karel Straka, de l’Institut d’histoire militaire :« Conformément au décret gouvernemental du mois d’octobre 1936, les corps de garde SOS étaient destinés à la défense de la frontière. Ils devaient garantir l’intégrité de l’Etat et l’inviolabilité des frontières, et maintenir l’ordre et le calme non seulement dans les régions limitrophes mais aussi à l’intérieur du pays. La création des bataillons SOS était une réaction à la détérioration de la situation après l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne, en janvier 1933. Autre facteur décisif : le danger venant de la part des unités paramilitaires. Ainsi, à l’automne 1934, le conseil de sécurité suprême décide la création d’un corps de garde soumis à une organisation unie et destiné à protéger l’intégrité de l’Etat… »
Les corps de garde SOS n’étaient pas des corps de l’armée : ses membres étaient des gendarmes et des hommes de la garde fiscale. Karel Straka explique comment ils étaient intégrés dans le système de défense du pays :« Puisque les corps SOS ne pouvaient pas avoir une structure militaire, le gouvernement a décidé que leur direction serait intégrée dans l’administration du ministère de l’Intérieur. Plus tard, en 1938, la création d’une direction au niveau des autorités régionales a été envisagée. Le nombre de bataillons des gardes pour la protection de l’Etat a atteint le chiffre de 31, mais l’idée de départ était d’en créer encore davantage. A la fin de septembre 1938, les corps de garde SOS étaient forts de près de 30 000 hommes. »
La situation des corps de garde pour la défense de l’Etat n’était pas facile, pour plusieurs raisons: premièrement, la Tchécoslovaquie faisait face aux pressions des pays occidentaux lui demandant de tolérer le mouvement nazi représenté par le parti SDP de Henlein. Après une visite de lord Runciman venu à Prague pour préparer les jalons de l’annexion décidée à l’avance, le ministère de l’Intérieur appelle les unités SOS à s’abstenir de tout incident. Le 21 septembre 1938, le président Edvard Beneš, contraint d’accepter la première capitulation, donne l’ordre de la démobilisation. De très nombreux membres des corps SOS sont pris en otage et une centaine d’entre eux trouvent la mort. Ceux qui parviennent à s’échapper continuent de combattre dans les unités tchécoslovaques à l’étranger, près de Tobrouk et Sokolov. D’autres sont engagés dans la résistance locale. Parmi eux, notamment, le chef d’état-major de l’insurrection praguoise, František Bartoš.