La saga Kofola
La marque Kofola fête cette année ses cinquante ans. Kofola, c’est un soda dont le nom évoque spontanément celui du monstre du marché mondial des boissons gazeuses, Cola-Cola, et qui est un de ses concurrents directs en République tchèque et en Slovaquie. C’est d’ailleurs justement en réaction au géant américain, et contre l’impérialisme de l’Oncle Sam que la Tchécoslovaquie communiste avait décidé de lancer ce soda local dans les années 1960. Un soda qui n’a pourtant rien d’une copie, et qui, malgré son âge mûr, a réussi à séduire les nouvelles générations de Tchèques.
Le produit de départ est un sirop aigre-doux, qui servira de base à la boisson gazeuse, fabriquée à partir de 1962 et distribuée dans toute la Tchécoslovaquie. Mais si les raisons de sa naissance, ancrées dans le contexte de la guerre froide, sont donc politiques, Kofola est resté un produit national. Martin Klofanda :
« Kofola ne s’est vendu qu’en Tchécoslovaquie. Je sais qu’il y a eu des tentatives pour l’exporter vers les pays frères de cette époque, mais les pays alentours n’ont pas été atteints par le Kofola. C’est peut-être parce que les Polonais par exemple sont différents en ce qui concerne les goûts et les couleurs. Donc le Kofola n’a pas fonctionné là-bas et il est resté en Tchécoslovaquie. »
Même s’il ne s’exporte pas, Kofola se bâtit un vrai nom dans son pays. Martin Klofanda raconte la saga Kofola :
« Quand on regarde l’histoire de Kofola, les années 1970 sont le moment où la marque a eu le plus de succès. Le développement de Kofola et sa production étaient massifs. Les années 1980 n’étaient pas mal non plus, jusqu’à la révolution de velours, quand Kofola a été très affaibli. C’est parce que, à ce moment-là, les gens ont voulu goûter les produits étrangers et Kofola est tombé dans l’oubli. A la fin des années 1990 est née cette mode des marques rétro. Mais le véritable boom est arrivé en 2001 quand la société qui s’appelait Santana a racheté Kofola pour 220 millions de couronnes. Depuis, la sauvegarde de la marque est entre nos mains et nous investissons continuellement pour la développer. »Comme nous pouvons l’entendre, Kofola joue naturellement sur cette mode rétro qui fonctionne plutôt bien sur le plan marketing actuellement. De nombreuses publicités possèdent un côté nostalgique, avec des scènes estivales de familles tchèques au bord des lacs et des étangs du pays. Autre sujet récurrent dans les publicités, l’amour naturellement, ou plus précisément les premiers émois amoureux traités de façon humoristique. La renaissance de Kofola est sans aucun doute le fruit de bonnes campagnes marketing en direction d’un public ciblé. Martin Klofanda :
« Le marketing s’est développé. Dans les années 1960, les possibilités étaient réduites. Bien sûr, autrefois, il était possible de faire de la publicité dans les journaux, d’avoir des voitures publicitaires, mais il n’existait pas ces médias comme aujourd’hui internet. J’ai vu qu’il y avait des annonces dans les journaux et même qu’il existait des chansons sur le Kofola dans les années 1970. Aujourd’hui, nous utilisons les technologies et les médias les plus modernes, la télévision, la radio, internet, facebook. Sur facebook, de toutes les marques, Kofola est la marque qui a le plus de fans en République tchèque, soit 180 000 fans. »La marque a donc réussi à se constituer une vraie côte de popularité, notamment chez les plus jeunes, qui sont ces fameux utilisateurs de sites de réseaux sociaux. Elle avoue viser un public entre 20 et 35 ans et ne pas trop s’adresser aux plus vieux, sachant que ces derniers ont connu Kofola sous l’époque communiste, s’en souviennent et en ont plutôt une bonne image. Pavel a légèrement dépassé l’âge du client visé par la marque Kofola, mais reste un consommateur fidèle :
« Je me souviens quand j’étais petit garçon, de ces bouteilles comme éraflées, qui étaient récupérées des consignes, et il n’était presque plus possible de voir ce qu’il y avait dedans. Mais mon frère et moi nous recevions toujours du Kofola comme une récompense, lorsqu’on avait été sages pendant la journée. Avec un morceau de citron, c’était délicieux ! Avant la révolution, je ne connaissais pas le Coca-Cola, et quand c’est arrivé, je me suis demandé comment les Américains avaient copié le Kofola pour en faire ce Coca-Cola…Evidemment, c’était le contraire. Mais Kofola est une très bonne limonade tchèque. » Le Kofola n’est pas une imitation de la boisson américaine. Il a un goût bien différent des colas classiques, notamment un goût de plantes bien prononcé, puisqu’il est fabriqué à partir de quatorze extraits de plantes différentes, ce qui peut en dérouter plus d’un lors de la première dégustation. Martin Klofanda :« J’ai toujours eu beaucoup d’amis et de connaissances qui m’ont dit qu’ils ne boiraient jamais de Kofola. Et comme je travaille pour cette société, j’emmène souvent du Kofola à nos rencontres et ils n’ont parfois pas d’autres possibilités que d’en boire. Et de nombreuses personnes, qui en ont ainsi goûté, s’y sont habituées, l’aiment et le boivent de façon tout à fait normale. »
Enfin, une des particularités de cette limonade tchèque, c’est de la rencontrer en pression. Le Kofola a gagné sa place aux côtés de la boisson reine des Tchèques, la bière. Là aussi, rien n’est laissé au hasard. Martin Klofanda :
« Notre étendard, c’est le Kofola en pression, qui utilise la même technologie que la bière en pression. Il est stocké dans des barils, dans les meilleures conditions de conservation, que l’on peut comparer avec le rituel de la bière. Une certaine température doit être respectée et une mousse doit se former. C’est particulièrement apprécié pour des évènements qui se passent à l’extérieur, dans des jardins, ou chez les sportifs après un effort. Les autres boissons n’ont pas ce service en pression, et le goût de cette boisson en est encore plus attractif et cela plait plus aux consommateurs. »La petite entreprise de limonade tchèque ne connaît pas la crise. En 2009, elle a annoncé un chiffre d’affaires de 443 millions de couronnes, soit cinq fois plus que l’année précédente. Kofola est numéro deux sur le marché tchèque et numéro un sur le marché slovaque des boissons gazeuses. Et si les premières tentatives sous le communisme d’exporter la limonade tchèque n’ont pas été fructueuses, les responsables de la société n’excluent pas un deuxième essai dans un proche avenir.