Kofola : l’autre boisson de prédilection des Tchèques, jeunes et moins jeunes
Si vous connaissez un tant soit peu la Tchéquie, vous l’avez certainement vu sur la carte des bars et des restaurants, où on le sert à la pression. Eh non, ce n’est pas de bière qu’il s’agit, mais d’un autre type de boisson gazeuse, sans alcool celle-là : le Kofola. Créé il y a un peu plus de soixante ans pour contrer – au moins sur le territoire tchécoslovaque – le grand fabricant américain de cola, après la révolution de Velours, ce rafraîchissement a su résister à l’afflux des boissons sucrées venues d’ailleurs. Et ce notamment grâce à des campagnes publicitaires axées sur le plaisir régressif et des sentiments universels. Particulièrement apprécié des familles en vacances et des sportifs du dimanche, ce remontant sucré surprend toutefois les puristes du Coca-Cola par son goût très prononcé de plantes. En effet, sa recette secrète composée de quatorze ingrédients fruités et végétaux, et parfaite d’une petite touche de cannelle, est à l’origine basée sur… un sirop médicinal.
« Quand on l’aime, il n’y a pas de question à se poser ! » Ce slogan publicitaire est à l’origine de la renaissance du Kofola, la plus célèbre des boissons gazeuses tchèques, il y a 20 ans. Pourtant, le pari n’était pas gagné pour la famille Samaras : au tournant du XXIe siècle, lorsque ces investisseurs tchèques d’origine grecque ont racheté la marque, la popularité de Kofola était au plus bas, mise à mal par la soif de boissons venues de l’étranger – et surtout de l’ancien bloc de l’Ouest.
Rien d’étonnant d’ailleurs, vu que cette boisson avait à l’origine été créée en tant qu’alternative – mais pas ersatz – aux colas à base de caféine venant des pays capitalistes. Du temps de la Tchécoslovaquie communiste, en effet, les limonadiers locaux ne proposaient que deux produits : une limonade rouge à la saveur de framboise, et une limonade jaune à la saveur… difficilement définissable. Il y a bien eu 1968, année bénie où, suite au Printemps de Prague, on pouvait trouver du Coca-Cola en Tchécoslovaquie, à condition d’y mettre le prix… Mais, normalisation oblige, la source s’est vite tarie.
Une recette à base de sirop aigre-doux
Il y a quelques années, le porte-parole de la société Kofola ČeskoSlovensko a.s., Martin Klofanda, était revenu au micro de RPI sur la naissance du Kofola :
« En Tchécoslovaquie, c’est le docteur Blažek qui a inventé la recette du Kofola. Il était pharmacologue, c’est-à-dire qu’il s’intéressait aux herbes médicinales. C’était le parti communiste qui avait demandé à ce que soit fabriquée une boisson capable de concurrencer les boissons étrangères. En 1959, le docteur Blažek, a fait la rencontre du docteur Knap, qui travaillait dans une usine pharmaceutique d’Ostrava, Galena. Ensemble ils ont élaboré la recette de base du Kofola et ont lancé sa fabrication industrielle. Et c’est sous la direction du docteur Knap que le Kofola a commencé à être produit à Opava. »
Une recette bien gardée depuis plus de soixante ans : aujourd’hui, seules cinq personnes en connaissent tous les détails. Il est toutefois de notoriété publique que parmi les quatorze ingrédients qui entrent à sa composition, les principaux sont – et ont toujours été – le sirop de framboise, les feuilles de mûre, de fraise et de framboise, la cannelle, la réglisse, le caramel, les extraits de pomme, de cerise et de groseille ainsi que l’écorce d’orange séchée. Entre autres substances, donc…
Une madeleine de Proust au goût végétal
Le très populaire bloggeur suédois Swedish Nomad a inscrit le Kofola sur sa liste de boissons que chacun devrait goûter au moins une fois avant de mourir. Et vous, l’avez-vous déjà testé ? Si vous vous attendiez à retrouver la saveur très douce du Coca-Cola ou du Pepsi, vous avez peut-être fait la grimace : en dépit de son nom et de sa couleur qui peuvent rappeler ses concurrents présents sur tous les marchés de la planète, le Kofola n’a rien d’une copie. Avec son goût de plantes prononcé, il est très différent des colas classiques. Servi comme la bière, à la pression et « do trojky » (dans un verre de 30 cl) ou « do půlitru » (dans une pinte d’un demi-litre), le Kofola s’apprécie frais, notamment lors de balades à vélo, d’après-midi baignade ou autres sorties en pleine nature. Car en Tchéquie, même en pleine forêt, on n’est jamais très loin d’une hospoda ou d’un stand de rafraîchissements…
Extrêmement populaire en Tchécoslovaquie dans les années 1970, le Kofola n’a néanmoins jamais percé dans les autres pays communistes. Et après 1989, il aurait facilement pu se faire évincer de la carte des établissements de restauration et des rayons des supermarchés au détriment de la panoplie de boissons gazeuses tellement plus branchées qui ont alors fait leur arrivée sur les marchés tchèque et slovaque.
Souvenirs nostalgiques et plaisir régressif
Mais la famille Samaras a su profiter de la mode qui a caractérisé la fin des années 1990 en République tchèque : celle des marques évoquant des souvenirs nostalgiques. Elle a donc exploité le filon du plaisir régressif à grand renfort de campagnes publicitaires ciblées, présentant notamment des scènes estivales de familles tchèques au bord des étangs du pays ou, selon la saison, des sorties en bonnet de grosse laine à la recherche du sapin de Noël idéal.
Autre thème marketing récurrent : celui de l’amour, ou plus précisément des premiers émois amoureux traités de façon humoristique. Et le Kofola est ainsi parvenu non seulement à garder les faveurs des Tchèques (et des Slovaques) qui l’avaient bu toute leur enfance, mais aussi à séduire ceux qui n’avait pas (ou si peu) connu la Tchécoslovaquie communiste et ses rayons alimentation monotones… Outre les spots de pub devenus des classiques, les Pragois se souviennent peut-être encore de « Kouzelné léto » (« Eté magique »), une campagne publicitaire particulièrement marquante – car alors innovante et surtout très bruyante : en 2006 et 2007, haut-parleurs à tue-tête sur le toit et hôtesses en jupettes jaunes à son bord, un tramway aux couleurs de la marque Kofola avait circulé dans la ville pendant tout l’été, transportant gratuitement qui le voulait et offrant des gobelets de Kofola à la ronde…
Stabilité et diversification
Aujourd’hui, Kofola ne semble pas devoir s’en faire pour sa popularité ni son avenir : en 2019, l’entreprise enregistrait un chiffre d’affaire annuel de 7 milliards de couronnes [plus de 287 millions d’euros] et environ 1 milliard de couronnes d’EBDITA, ce qui correspond à l’excédent brut d’exploitation. Des indicateurs « stables, voire en légère augmentation », avait alors expliqué le directeur Janis Samaras à la Radio tchèque. Mais le groupe Kofola, désormais, ce n’est pas que la boisson Kofola, loin de là. Janis Samaras :
« Aujourd’hui, Kofola, c’est toujours la même boisson à base de plantes, de couleur noire grâce au caramel qu’elle contient. Mais le groupe Kofola, c’est aussi beaucoup d’autres choses : l’eau de source de marque Rajec, le soda Vinea mais aussi les jus de fruits frais Ugo et même les tisanes Leros, entre autres produits et autres marques. »
Si c’est avant tout le Kofola que vous aimez boire, mais que vous avez envie d’un peu de changement, sachez qu’outre le produit « Originál », la marque l’offre aujourd’hui également en version allégée en sucre ou bien parfumée à l’abricot, aux agrumes ou à la pastèque, entre autres. Par ailleurs, elle propose régulièrement son Kofola en édition limitée. En cette période de l’Avent, pourquoi ne pas essayer le Kofola saveur « sablés de Linz » ? Le goût de ces incontournables petits biscuits de Noël vous mettra dans l’ambiance des fêtes, et le sucre contenu dans la boisson vous donnera l’énergie nécessaire pour pâtisser au moins autant de variétés de « cukroví » qu’une bonne ménagère tchèque.
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