Elections législatives 2010
Huit millions de Tchèques étaient appelés aux urnes ces vendredi et samedi pour renouveler les 200 membres de la Chambre des députés, Chambre basse du Parlement. Depuis 1993 et la partition de la Tchécoslovaquie, les élections législatives se tenaient pour la cinquième fois en République tchèque, et la dernière fois, c’était il y a quatre ans, en juin 2006. Surtout, ce scrutin s’est tenu douze mois après la mise en place du gouvernement intérimaire d’experts dirigé par Jan Fischer.
Cinq partis siègeront à la Chambre des députés durant les quatre prochaines années. On retrouvera notamment les deux poids lourds de la scène politique tchèque de ces dernières années, le Parti social-démocrate (ČSSD) de Jiří Paroubek et le Parti civique démocrate (ODS), principale formation de droite du pays, dirigé depuis maintenant deux mois par Petr Nečas. Le Parti social-démocrate a donc remporté ces élections en recueillant un peu plus de 22 % des suffrages. Une victoire qui n’en est toutefois pas tout à fait une pour les sociaux-démocrates, car leur résultat, Alena Gebertova, est à l’arrivée plutôt décevant…
Le Parti social-démocrate a remporté la victoire, maisc’est une victoire au goût amer, car ce principal parti de gauche n’a pas atteint, et de loin, le résultat espéré, compte tenu du fait que les derniers sondages lui ont donné près de 30% des voix. Un tel score lui aurait permis de former soit un cabinet minoritaire, soit d’envisager un cabinet de coalition. Jiří Paroubek, leader du parti, a d’abord déclaré ouvertement que le résultat atteint n’était pas une réussite et que la prochaine coalition gouvernementale serait celle de partis de droite. Visiblement très déçu, ce « vainqueur perdant » a annoncé quelques heures plus tard sa démission au siège praguois de la social-démocratie :« Nous avons perdu, notre parti a perdu. Mais le plus grave de notre point de vue, c’est que les intérêts des gens ordinaires ont perdu. C’est un échec pour les gens ordinaires. Mais c’est ainsi que fonctionne la démocratie. Les gens ont choisi une orientation. Et je la respecte. Moi-même, j’ai décidé d’en tirer une conclusion : je quitte ma fonction de président du Parti social-démocrate. D’ici dix jours, je vais tout préparer pour assurer ma succession. Je tiens à souligner que c’est ma décision personnelle. Je ne veux pas que ma démarche soit mal interprétée ».Jiří Paroubek ne quittera pas le monde politique, car il demeurera député.
Juste derrière le Parti social-démocrate de Jiří Paroubek, dont on vient d’entendre la réaction, on retrouve le Parti civique démocrate, qui termine donc deuxième avec environ 20 % de suffrages, soit, Vaclav Richter, son deuxième plus mauvais résultat depuis la création du parti…
Les résultats provisoires placent le Parti civique démocrate (ODS) en deuxième position derrière le Parti social démocrate. Les sondages donnaient cependant à l’ODS, la plus importante formation de la droite tchèque, beaucoup plus d’intentions de vote. Les dirigeants de ce parti ne semblent pas déçus pour autant car ce résultat pourrait permettre à l’ODS de former un gouvernement de coalition avec d’autres partis de droite ayant réussi dans ces élections. C’est ce que pense aussi Jan Zahradil qui représente l’ODS au Parlement européen :
« Si je dois prendre au sérieux ces résultats provisoires, je constate que ces élections ont mis en relief la volonté des citoyens de la République tchèque d’avoir comme gouvernement une coalition de la responsabilité budgétaire parce que la majorité pourrait être remportée par les partis qui cherchent à imposer la responsabilité budgétaire, qui veulent permettre à la République tchèque d’échapper au piège des dettes et à la situation dans laquelle se trouve la Grèce. Dans ce sens, ce résultat serait une bonne nouvelle. »Petr Tluchoř, chef du groupe de l’ODS à la Chambre des députés, voit lui aussi les perspectives qu’offre ce résultat électoral comme plutôt positives :
« Je ne doute pas que tous les membres de l’ODS seront contents si nous réussissons à former un gouvernement de centre-droit. Et c’était l’ambition fondamentale de l’ODS depuis le début de la campagne électorale. Cette année doit également se dérouler le Congrès de l’ODS qui élira les nouveaux organes du parti. Ce qui est important pour moi maintenant, c’est de composer l’équipe d’hommes politiques qui négociera la composition du futur gouvernement. » Il est fort probable que Petr Tluchoř soit justement chargé de mener ces négociations.
A peine un an après sa création, le nouveau parti TOP09 a fait plus que gagner son pari en devenant la troisième formation politique, juste derrière l’ODS. TOP comme Tradition, responsabilité et prospérité : des mots qui ont plus aux électeurs tchèques, et notamment aux jeunes.
Miroslav Kalousek est sans conteste le grand vainqueur ou l’un des grands vainqueurs de cette élection. C’est lui, celui qu’on surnomme « le Richelieu de Prague » qui a réussi un coup de maître en créant TOP 09, et en plaçant à la tête de cette formation de centre-droite l’un des hommes politiques les plus populaires du pays, le prince Karel Schwarzenberg.
En devenant la 3e force politique du pays, TOP 09 a réussi son pari et a délogé les communistes du podium politique tchèque. Il y avait des rires et des applaudissements cet après-midi au quartier général de TOP09. Et entre deux verres pour célébrer sa victoire, Miroslav Kalousek nous a confié son sentiment :
Autre acteur traditionnel sur la scène politique tchèque, le Parti communiste, qui recule d’un rang par rapport aux dernières élections et ne récolte qu’un peu plus de 11 % des suffrages. Le cinquième et dernier parti à avoir obtenu plus de 5 % et qui a ainsi obtenu le droit de siéger à la Chambre des députés est le parti des Affaires publiques. Et comme pour TOP 09, Les Affaires publiques sont eux aussi un nouveau parti. Jaroslava Gissubelová:
Ces élections ont été une première pour le parti Les Affaires publiques. Depuis 2002, date de sa formation, le parti a acquis une certaine popularité dans la politique locale, avec notamment des thèmes comme la lutte contre la corruption, et un soutien inconditionnel aux questions concernant directement les citoyens. Pour ces élections législatives, le parti s’est présenté avec à sa tête un personnage médiatiquement très connu, Radek John, écrivain et ancien journaliste d’investigation. Son ambition était de faire face aux grands partis politiques, tant de droite que de gauche, établis depuis 20 ans sur la scène politique, c'est-à-dire d’imposer un changement, un souffle nouveau, des visages nouveaux. Parmi eux, Kristina Kočí, leader du parti dans la région de Moravie-Silésie qui se réjouit des près de 11% de suffrages recueillis, un nombre largement suffisant pour entrer à la Chambre basse du parlement.« Je pense que c’est vraiment un grand succès, j’ai l’impression que tout ce qui dépasse les 10% est vraiment bon et cela signifie aussi que les gens sont vraiment insatisfaits avec les grands partis. Aujourd’hui, on peut voir que les gens votent pour de nouveaux visages, de nouvelles personnalités du monde politique, ce qui était aussi le cas de notre parti, Věci veřejné, qui a beaucoup de membres qui sont vraiment jeunes, qui représente une nouvelle génération de politiques, instruits et expérimentés. »
Quels sont les thèmes principaux de votre parti ?
« C’est la lutte contre la corruption, la volonté de dire stop aux grands partis qui sont au pouvoir depuis vingt ans, le respect des critères de Maastricht pour avoir une discipline budgétaire pour ne pas se retrouver dans la situation de la Grèce, et le début des réformes du système d’éducation, du système social et du système des retraites. »
Comment caractériseriez-vous la place de votre parti sur l’échiquier politique, c’est un parti qui se situe au centre ?
« C’est le centre, mais dans la science politique, aujourd’hui, on ne fait pas la distinction entre la gauche et la droite. Aujourd’hui ce sont plutôt les thèmes qui sont décisifs. »
C’est dire, comme l’a dit votre leader Radek John, que vous seriez prêts à soutenir à la Chambre des députés des projets qui sont aussi bien de gauche que de droite, donc qui traversent la répartition traditionnelle des forces politiques?
« On va soutenir tous les projets raisonnables pour les citoyens qui correspondent à notre programme. »
Vous seriez prêts à former une coalition avec les partis de droite qui se dessine : l’ODS et TOP 09 ?
« En ce moment, on ne connaît pas encore les résultats définitifs, on commence à discuter, on prépare une équipe de négociations spéciale dont je suis membre et on va préparer la discussion avec les autres leaders. Aujourd’hui on ne peut pas dire quelle sera la future coalition, mais dans les prochains jours, ce sera la question fondamentale dont on discutera. »
Deux partis sont les grands perdants de ces élections 2010: il s’agit des chrétiens-démocrates mais aussi des Verts. Ces derniers avaient intégré la Chambre des députés pour la première fois de leur histoire en 2006. Quatre ans plus tard, ils quittent le Parlement.
2,38 % : ce sont les dernières estimations des résultats du parti des Verts (Strana zelených) pour ces élections législatives de 2010. Un pourcentage encore pire que ce que annonçaient les derniers sondages. Les Verts, qui disposaient de six sièges lors du précédent mandat et qui ont participé aux gouvernements de coalition successifs de cette dernière législature, seront définitivement absents de cette nouvelle chambre basse.
« Je suis venu à Prague pour soutenir les Verts tchèques parce que je crois que l’entrée des Verts au Parlement est une nécessité pour la démocratie en Tchéquie ». Voici ce qu’avait déclaré Daniel Cohn-Bendit, leader emblématique du mouvement écologiste en Europe, ce mardi. Ses vœux sont loin d’avoir été exaucés et c’est la déception qui dominait au quartier général des Verts à l’annonce des premiers résultats. Jiřina Šiklová, sociologue et candidate du parti écologiste :
« Je suis un peu déçue. Je comptais sur le fait que les Verts dépassent automatiquement la barre des 3%. Néanmoins, les Verts survivront assurément parce que c’est un parti européen, un parti pro-européen, et il appartient à l’Union européenne. »
Les derniers sondages donnaient en effet environ 3% au Verts, et si les leaders du parti espéraient un sursaut de dernier moment, les électeurs traditionnels des Verts ont bel et bien changé leur préférence. Un échec prévisible pour Jiřina Šiklová :
« L’échec des Verts est très simple. En premier lieu, ils n’avaient pas d’argent. Ils n’ont été corrompus avec personne. Et ils n’ont emprunté de l’argent à personne. Si un parti politique n’a même pas 2% de ce qu’ont les autres partis politiques, ils n’ont même pas de quoi payer les affiches électorales. Les Verts étaient au Parlement, mais les derniers mois du gouvernement précédent, ce gouvernement ne fonctionnait quasiment pas. Pendant six mois, ils n’ont pas été capables de se rencontrer. Puis depuis environ un an, le gouvernement n’existe presque pas. J’estime que les électeurs n’ont pas été déçus par les Verts, mais ils n’aont pas eu la possibilité de se convaincre combien ils ont eu du succès. »Le vice-président des Verts, František Pelc, a déjà annoncé, après les résultats, être prêt à quitter ses fonctions.