Prague et l’étoile de David
Symboles et emblèmes ont aussi leur histoire et aujourd’hui nous nous penchons sur l’histoire de l’étoile de David. A cela une bonne raison : c’est à partir de Prague que l’étoile s’est imposée peu à peu comme le symbole des communautés juives d’Europe...
L’étoile de David n’est quasiment pas mentionnée dans les premiers écrits juifs. On en retrouve quelques allusions dans la Torah, liées à la symbolique du chiffre sept. L’étoile à six branches représenterait les six jours de la semaine, avec, en son centre, le septième jour, celui du repos.
Pas encore symbole, l’étoile de David fait occasionnellement office de motif architectural comme en témoignent deux synagogues datant du IVème siècle, à Taranto, au sud de l’Italie, et en Galilée, actuel Israël.
Quant à la littérature juive, il faut attendre le XIIème siècle pour voir la mention de l’étoile de David, avec Judah Hadassi et son « Eshkol Ha-Kofer ». Notons qu’une étoile à cinq branches, et non à six, a pu être relevée par des chercheurs étudiant certaines communautés juives du début du XIème siècle.
Il faut en fait attendre le XIVème siècle pour que l’étoile devienne peu à peu le symbole spécifique des communautés juives d‘Europe. Et c’est sans doute la communauté juive de Prague qui est à l’origine de cette évolution. L’étoile est liée à la necessité d’un emblème représentatif pour les Juifs tchèques du Moyen-Age. Et dans ce domaine, elle est autant affaire de symbole que de privilège accordé par l’autorité du moment.
« L’ambiance de tolérance relative qui règne en Bohême dans les années 1460 où pour la première fois coexistent en Europe deux religions chrétiennes, favorisait aussi un statut de Juif qui ne serait pas vraiment ressenti comme paria ». L’historien Martin Nejedlý évoque ici l’atmosphère de tolérance religieuse existant en Bohême sous le règne du roi Georges de Poděbrady. Mais c’est en 1354 que l’Empereur et roi de Bohême Charles IV concède aux Juifs, comme symbole de leurs privilèges, un drapeau rouge, avec, brodés dessus, l’étoile de David et le Sceau de Salomon. C’est la première fois, dans l’histoire de l’Occident chrétien, que les Juifs ont le droit d’avoir leur propre drapeau. L’étoile de David devient, pour la communauté juive de Prague, un symbole de plus en plus utilisé. Dans la vie publique, on l’a vu avec le drapeau mais aussi dans la vie privée avec de multiples objets du quotidien portant le symbole : chandeliers, clés...A partir de Prague, il semble que l’étoile s’impose de plus en plus comme symbole exclusif du judaïsme. On retrouve d’ailleurs l’idée du drapeau rouge en Hongrie : en 1460, les Juifs de Budapest reçoivent le roi Matthias Corvinus avec un drapeau rouge, sur lequel sont brodées deux étoiles de David.
A Prague, le symbole revient peut-être plus régulièrement qu’ailleurs. On retrouve par exemple une grande étoile de David sur la couverture d’un livre de prière imprimé de 1512. Dessus, on peut voir inscrite la phrase suivante, où l’allusion au drapeau est explicite : « Chaque homme sous son drapeau et selon la maison de ses pères... et celui qui tiendra l’étoile de David se verra accorder de nombreux bienfaits ». L’histoire de l’étoile est aussi celle de la représentation officielle de la communauté juive de Prague auprès des autorités car c’est d’abord un droit accordé. A la fin du XVIème siècle, le célèbre Mordechaï Maisel se voit autorisé à afficher un drapeau du roi David dans sa synagogue de Prague. De même, en 1648, les Juifs de Prague obtiennent à nouveau un drapeau, en signe de reconnaissance pour l’aide apportée lors de la défense de la ville contre les Suédois. On y voit, toujours sur fond rouge, une étoile de David brodée en jaune et c’est ce même drapeau que l’on peut voir aujourd’hui encore dans la synagogue Vieille-Nouvelle à Prague. L’histoire de l’étoile de David restera liée à l’histoire des Juifs, quitte à être détournée au gré des drames de l’Histoire. On connaît l’étoile jaune imposée aux Juifs par les nazis. Mais on sait moins les diverses étoiles fantaisistes que portèrent quelques centaines de Français non Juifs sous l’occupation. Ils entendaient protester contre la stigmatisation en portant des étoiles de David aux mentions variées : Auvergnat, Zazou, Goy... !« Après des négociations avec la communauté juive, nous sommes devenus gestionnaires de la synagogue. On y organise des événements culturels et des concerts de musique klezmer. On est en contact avec d’anciens habitants juifs de Krnov, qui vivent aujourd’hui en Israël, au Canada, aux Etats-Unis... »
Aujourd’hui, quelques Tchèques, par ailleurs non Juifs, comme Pavel Kuca, que nous venons d’entendre et qui est membre d’une association pour le patrimoine juif en Bohême, témoignent, après des décennies de silence, d’un nouvel intérêt pour ce pan de l’histoire de leur pays.