Rénovation de la salle de cérémonie d’un cimetière juif de Moravie, 80 ans après la création du Protectorat nazi

Photo: Alexis Rosenzweig

Ce mardi à Bzenec, la fédération des communautés juives de République tchèque se voit remettre les clés d’un bâtiment assez unique en son genre, témoin d’un passé disparu : la salle de cérémonie, qui jouxte le vieux cimetière juif, vient d’être rénovée, 110 ans après sa construction. Radio Prague était sur place la semaine dernière pour la finition des travaux, entrepris par un habitant de ce village morave passionné d’architecture.

Photo: Alexis Rosenzweig

C’est l’un des premiers sujets dans les informations locales diffusées par les haut-parleurs installés sur la place principale et alentour : la salle de cérémonie du cimetière juif, fraîchement rénovée, sera l’attraction principale de la fête du village prévue en fin de semaine, en plus du vin – et du vinaigre – qui ont fait la réputation de Bzenec.

Libor Kuchař,  photo: Alexis Rosenzweig
Le propriétaire du bâtiment – la fédération nationale des communautés juives – récupère ce mardi les clés, après huit mois de travaux intensifs, initiés et dirigés par l’entrepreneur local Libor Kuchař :

« L’histoire remonte à quelques années après la chute du communisme. J’ai racheté en 1993 la fabrique de vinaigre à l’épouse du dernier héritier à qui elle avait été restituée, puis quand je l’ai revendue une douzaine d’années plus tard cela m’a permis d’avoir les fonds nécessaires pour rénover la grande villa de style Art-Nouveau que j’avais également achetée. Cela m’a permis de rencontrer des artisans très doués et une fois les travaux terminés, j’ai cherché un bâtiment du village que je pourrais également aider à retrouver son état original. »

Le choix de la salle de cérémonie du cimetière juif n’est pas anodin, dans ce village où vivait une importante communauté juive. Longtemps connue sous son nom germanique de Bisenz, cette bourgade morave faisait partie de l’empire austro-hongrois, avant de devenir tchécoslovaque jusqu’à l’arrivée des nazis et la création, il y a 80 ans, du Protectorat de Bohême-Moravie.

Dans le cimetière juif où des pierres tombales remontent jusqu’au XVIè siècle, une plaque posée à proximité de cette salle de cérémonie rappelle le sort de 113 habitants de Bzenec victimes de la Shoah.

Photo: Alexis Rosenzweig
Libor Kuchař : « Il ne reste aujourd’hui pratiquement rien de la communauté juive locale. La grande synagogue a été détruite, l’école juive a été détruite, tout ce patrimoine a disparu et la salle de cérémonie était en train de s’effondrer. Ce bâtiment est d’autant plus intéressant qu’il appartient à un style architectural appelé l’éclectisme. J’ai donc dessiné les plans et présenté mon projet à la fédération des communautés juives, avec ma vision en termes techniques mais aussi financiers pour cette rénovation. »

Il a notamment fallu trouver un forgeron pour refaire à l’identique l’étoile de David qui orne le bâtiment puis un artisan capable de reproduire l’inscription « Maison de l’éternité » en hébreu, ce qui n’a pas été une mince affaire, selon Libor Kuchař, qui a payé lui-même une partie des travaux, cofinancés par la municipalité de Bzenec ainsi que par la région de Moravie du Sud.

Photo: Alexis Rosenzweig
L’intérieur de la salle de cérémonie avait été « modernisé » sous le communisme avec notamment un faux plafond et des lampes qui étaient peut-être en vogue dans les années 1970, mais qui, tout comme les vitraux, ne sont pas du meilleur goût.

Le propriétaire doit désormais décider comment sera aménagé ce bâtiment et quel usage en sera fait. Sa fonction d’origine – abriter les cérémonies funéraires – n’est plus à l’ordre du jour, car il n’y a plus de communauté juive dans le coin, enfin presque : un vieil homme, résident d’un village voisin, affirme qu’il sera le dernier à être enterré dans le cimetière juif de Bzenec, auprès d’autres membres de sa famille.