L’église Saint-Nicolas ouvrira une exposition en haut du clocher où la StB avait son poste d’observation
Prague proposera bientôt aux touristes une nouvelle attraction : le poste d’observation de l’ancienne police secrète communiste, la StB, que celle-ci avait aménagée sous le toit de la plus élancée des deux tours baroques de l’église Saint-Nicolas, au pied du château de Prague. Dans le collimateur de la StB se sont retrouvées les nombreuses ambassades situées dans le quartier de Malá Strana : celles des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’ancienne République fédérale d’Allemagne et du Japon. En attendant l’ouverture de ces locaux de triste mémoire, au mois de mars prochain, les amateurs de baroque et d’histoire ne doivent pas manquer la visite de cette église, dont les particularités sont, entre autres : un ravissant orgue à 4000 tuyaux sur lequel Mozart joua lors de son séjour praguois, un ensemble de tableaux de la vie du Christ ou encore une monumentale fresque du plafond de la nef principale, l’une des plus grandes d’Europe.
« Les travaux de construction de cette importante église ont pris presque 100 ans. Les débuts remontent à l’an 1673, date de pose de la première pierre, et l’achèvement de la construction se situe à la fin des années 1750. »
D’éminents artistes baroques travaillaient sur le décor l’église Saint-Nicolas. Le visiteur y admire la sacristie avec un mobilier orné de marqueteries, et Saint Nicolas se visite notamment pour ses tableaux d’un des plus grands peintres baroques tchèques, Karel Škréta. Au premier étage, on expose dix tableaux de la Passion illustrant les dernières heures de la vie du Christ. L’artiste les a créés quatre ans avant sa mort, lui-même souffrant, en l’espace de moins de douze mois.Saint Nicolas est l’une des rares églises catholiques décorées de reliefs de saints de l’Eglise orientale : les quatre statues aux dimensions extraordinaires sont celles de Nicolas de Myra, de Basile, de Cyrille d’Alexandrie et de Jean Bouche d’or. Difficile de trouver des mots pour décrire toute la richesse des décors du portail, des autels latéraux, des fresques du plafond de Johann Lucas Kracker, et des plastiques de Ignac František Platzer. Vladimír Kelnar nous montre l’objet le plus ancien de cette église :
« Il s’agit de la statuette de la Vierge Marie de Foy, lieu de pèlerinage en Belgique actuelle, près de Dinant, ramenée à Prague par les Jésuites au début du XVIIe siècle et très vénérée au sein de leur communauté. Grâce à cette statuette, l’église Saint-Nicolas est devenu un lieu de pèlerinage. »La surface des fresques qui ornent l’église approche les 3000 mètres carrés. La moitié de cette surface est occupée par la fresque du plafond de la nef principale. Ses scènes font tourner la tête aux visiteurs : à bord d’un voilier, on est emporté de Prague vers le sud d’Italie, dans le port de Bari ou saint Nicolas est inhumé. L’orgue de l’église est un autre objet remarquable. Nous l’avons dit au début, Amadeus Mozart a joué sur cet instrument, entre les années 1745 – 1746. L’église a vécu la visite, aussi, au XVIIIe siècle, de l’un des grands organistes tchèques, le compositeur František Xaver Brixi, auteur de plus de 500 compositions pour orgue, musique sacrée et religieuse.
L’église Saint-Nicolas domine le quartier de Malá Strana. Sous l’édifice existe toujours un labyrinthe de couloirs médiévaux et un espace dans lequel les Jésuites donnaient des pièces de théâtre inspirées de la Passion. Comme le révèle Vladimír Kelnar, une reconstruction de ces espaces est envisagée, pour qu’ils soient accessibles au grand public, alors qu’aujourd’hui, ils servent de dépôts d’archives. Une vie nouvelle attend aussi la tour, avec une vue sur Prague autrement imprenable :« Dans le passé, la ville l’utilisait comme une tour de guet, pour prévenir des incendies et autre danger comme un ennemi aux portes de Prague. Il y avait aussi, dès le début, une horloge pour sonner l’heure. La hauteur de la tour et de la coupole de l’église, mesurée de l’extérieur, est la même, soit 79 mètres au-dessus du niveau du trottoir ce qui est tout aussi impressionnant. »
En 1952, la StB a aménagé dans un espace étroit droit sous le toit du clocher un poste d’observation qui lui permettait de suivre l’animation près de l’ambassade des Etats-Unis et leurs alliés : la Grande-Bretagne, la RFA et le Japon dont les résidences se trouvaient dans le voisinage immédiat. L’ordre était clair : contrôler sans interruption cette localité et transmettre les informations aux unités policières mobiles. Ce poste était surnommé ‘dědkostroj’ – machine de viocs – une appellation péjorative d’après l’âge de la retraite de la plupart des agents chargés de cette mission. Des objets qui s’y trouvent encore seront présentés dans une exposition qui montrera la vie des agents avec beaucoup de fidélité et dans les moindres détails : photos de footballeurs et étiquettes de bières collées sur les murs, machine à taper des années 1960, souligne Vít Bárta, de la société ABL, patron du clocher :« Nous négocierons avec des musées pour compléter l’exposition où sera installé un maximum d’objets authentiques, comme des émetteurs, des appareils photographiques et des télescopes… »Sous le régime communiste, près de 70 bâtiments servaient de postes d’observation. Les agents de la StB contrôlaient la circulation des gens du haut du palais Lažanský qui abrite le fameux café Slavia, lieu privilégié de rendez-vous d’artistes et de dissidents. Un autre poste était installé dans la tour Mánes, en face de l’appartement de Václav Havel, qui habitait le dernier étage de la maison au numéro 2000 de l’actuel quai Rašín. L’institut d’études des régimes totalitaires a envisagé de rendre accessible ces anciens postes. Aucun abri, à l’exception de celui en haut du clocher de l’église Saint-Nicolas qui ouvrira en mars prochain, n’est toutefois sauvegardé.