Opočno, ville natale du peintre Kupka, et son château Renaissance réputé pour ses collections de tableaux et d’armes
Direction aujourd’hui la ville d’Opočno, à 140 km à l’est de Prague. La place centrale de cette ville de 3 200 habitants porte le nom de Kupka en mémoire du célèbre peintre František Kupka, né ici en 1871 et décédé en 1957 à Puteaux en France. La ville a pour dominante un château Renaissance, l’un des dix les plus visités en République tchèque : chaque année, environ 70 000 touristes s’offrent la visite de ses salles qui abritent de riches collections d’armes, de tableaux, de mobilier, et d’objets ethnographiques d’Afrique et d’Amérique réunies par le dernier propriétaire, Joseph II Colloredo-Mansfeld. Le château est entré dans l’histoire pour avoir accueilli, en juin 1813, des représentants de Russie, de Prusse et d’Autriche réunis dans ses murs pour convenir de la création d’une coalition contre les armées de Napoléon. Et c’est avec ce mot d’histoire que notre visite d’Opočno peut commencer…
En 2008, Opočno a fêté le 940e anniversaire de sa fondation. La région était pourtant peuplée depuis l’époque préhistorique : les découvertes faites lors de fouilles archéologiques datent de l’âge de bronze et de fer. L’existence d’un lieu fortifié protégeant un sentier commercial est mentionnée en 1068 par le chroniqueur Kosmas. Quatre siècles plus tard, le château est pillé par des troupes hussites, raconte notre guide Milan Junek :
« Les hussites ont appris, entre autres, que le propriétaire d’alors du château fort d’Opočno, Jan Městecký, avait commandité l’assassinat de leur chef, Jan Žižka. Après la famille Drslavic qui est le premier propriétaire documenté du château, ce dernier sera lié au nom des Trček de Lípa, à partir de l’année 1495. »
La famille noble Trček fait partie des plus riches et des plus influentes à l’époque : Mikuláš Trček occupe un poste important à la cour du roi de Georges de Poděbrady. La famille fonde dans la région d’Opočno des brasseries et aménage des étangs. Entre 1560 et 1569, Vilém Trček remanie l’ancien château fort gothique en siège Renaissance, l’un des plus importants du pays, conçu sur un plan rectangulaire entourant la cour intérieure. La galerie en arcades décorée des colonnes toscanes permet à tous les espaces du château de communiquer entre eux. La façade revêt une riche décoration en sgraffites. Plus tard, on ajoute à l’ensemble une salle de jeu de paume et un belvédère dont un étage est lié au château par un couloir. Le dernier propriétaire du château de la famille Trček est assassiné avec son beau frère, le commandant militaire des armées impériales Albrecht Wallenstein, à Cheb, en 1634.
Des biens confisqués passent entre les mains du comte Rodolphe Colloredo, en récompense pour sa participation à l’élimination de Wallenstein. La noblesse austro-italienne des Colloredo laissera une trace profonde à Opočno. L’un des chefs-d’œuvre de la collection de presque 500 tableaux : une toile ayant pour thème une scène du nouveau testament, Jésus dans le Temple à l’âge de douze ans, observe notre guide :
« On a beaucoup discuté pour savoir si c’était ou non une œuvre du célèbre peintre néerlandais Jérôme Bosch. L’expertise du panneau sur lequel le tableau est peint a démontré que son auteur était un disciple de Bosch. Même si l’originalité du célèbre maître n’est pas confirmée, le tableau est une peinture néerlandaise du milieu du XVIe siècle qui a une grande valeur artistique. D’autres copies de cette œuvre se trouvent dans les collections du musée Off Art de Philadelphie ou au Musée du Louvre à Paris. »
Le dernier propriétaire du château, Joseph II Colloredo-Mandsfeld a laissé à Opočno des collections ethnographiques tout à fait uniques. Il s’agit d’objets réunis autour de 1900 lors de ses expéditions en Afrique et chez des tribus indiennes d’Amérique :
« De nombreux objets proviennent de la révolte organisée à la fin du XIXe siècle au Soudan par le chef religieux Mahdi : parmi les plus précieux, il y a un drapeau avec une inscription en arabe, et une capote richement décorée servant à la protection de la tête du cheval provenant de la dernière bataille livrée à Omdourman en 1898. »
Milan Junek nous conduit encore dans la salle représentative où sont exposées d’autres curiosités, comme un carillon qui imite le son de la cloche Big Ben à Londres, ou encore un cadran solaire qui sonnait midi au château et qui fonctionnait sur un principe original : le rayon solaire traversant la loupe à midi allume la poudre du canon qui tire un coup.
La bibliothèque du château vaut aussi la peine d’être visitée. Elle compte environ 10 000 livres dont le plus ancien est la Chronique du monde édité en 1493 à Nuremberg et offert par l’empereur Rodolphe II à Rodolphe Colloredo. La visite du château d’Opočno ne serait pas complète sans un arrêt dans la salle abritant la collection d’armes, deuxième plus importante dans le pays, réunissant des objets allant depuis la période antique jusqu’au XIXe siècle. Il y a aussi des armes africaines, indiennes et celles de samouraïs japonais.
Avant de quitter Opočno, il ne faut pas manquer de s’arrêter dans la maison natale de František Kupka, marquée par une plaque et un buste du peintre considéré comme le pionnier de l’art abstrait… En bas de la place portant son nom, des motifs de ses tableaux sont encadrés dans les pavés et la signature du peintre couronne cette petite exposition à ciel ouvert.En 2007, le château d’Opočno a fait parler de lui pour avoir été l’objet de litige pour les droits de propriété. L’appel de Christine Colloredo-Mansfeld dont les ancêtres ont été propriétaires du château pendant trois siècles ayant été rejeté, le château reste propriété de l’Etat tchèque.