Les paniers bio débarquent en République tchèque
La rubrique économique est consacrée cette semaine à l’agriculture, et précisément à l’agriculture biologique. Né au Japon dans les années 1960 et développé aux Etats-Unis deux décennies plus tard, le concept de CSA, « Community supported agriculture », qui existe en France sous le sigle d’AMAP – Association pour le maintien de l’agriculture paysanne – commence à se développer en République tchèque. Il s’agit de rapprocher les consommateurs des producteurs agricoles, « de mettre le visage du paysan sur les aliments », donc de faire en sorte que les consommateurs consomment des fruits et légumes, naturellement de saison, qui proviennent d’un agriculteur proche de chez eux.
Il y a aussi une ferme type avec plusieurs sortes d’animaux et un champ où sont cultivés les produits de la région. Les enfants peuvent y apprendre comment fonctionne une ferme traditionnelle, sans mécanisation, et adopter un animal dont ils prendront soin. Les animaux en question sont d’ailleurs des races spéciales, conservées génétiquement, loin des animaux dont les races ont été mélangées dans l’unique objectif d’un meilleur rendement. Un potager est mis à disposition pour les employés des organisations. Au nord de la ferme se trouve une petite forêt où se trouvent des abeilles et leurs ruches, et des chèvres. Au sud s’étend le parc d’Hostivař et son grand plan d’eau. Tous les espaces autour de la ferme sont ouverts au public.
Tous les bâtiments de la ferme sont chauffés avec une station biologique de gaz qui fonctionne grâce à la combustion du compost. Dans la grande cour sont installés notamment plusieurs magasins, des épiceries biologiques ou des boutiques de produits artisanaux, et parmi eux, le siège du centre d’informations de la ligue pro-bio, dont Jan Valeška nous explique le fonctionnement :« Nous nous occupons principalement d’agriculture biologique. Nous sommes une organisation à caractère éducatif. Donc notre principale activité est de donner des informations sur l’agriculture écologique et la consommation de produits biologiques. Dans la pratique, cela veut dire que nous avons un site internet où nous offrons des informations sur l’agriculture bio. Nous avons une liste d’adresses des agriculteurs. Nous avons une bibliothèque avec des livres que l’on ne trouve pas dans des bibliothèques normales. C’est la raison pour laquelle viennent ici de nombreux étudiants qui écrivent leurs travaux d’études sur ce sujet. »
La ligue Pro-bio offre également ses services aux consommateurs, qui peuvent ainsi se renseigner sur les lieux de vente de ces produits issus de l’agriculture biologique, et surtout sur les différentes marques et labels bio qui se multiplient depuis plusieurs années. Elle organise des séminaires et des excursions dans les fermes biologiques.
L’année dernière, la ligue pro-bio a été contactée par l’association Urgenci, un réseau international qui essaie de rassembler l’ensemble des acteurs, producteurs, consommateurs et militants d’un système appelé Partenariats Locaux Solidaires entre Producteurs et Consommateurs, ou en France, comme cité ci-dessus, les AMAP. Les fondements de cette approche se déclinent en trois principes : un partenariat entre l’agriculteur et le consommateur pour la fourniture d’aliments par le premier et l’écoulement par le second. Ces échanges se font au niveau local, par souci de proximité, et le partenariat est basé sur la solidarité entre agriculteurs et consommateurs qui partagent les risques liés à la récolte, et un prix et une rémunération juste pour les deux parties. Concrètement, il s’agit la plupart de temps de paniers composés de produits de saison cultivés par un agriculteur de la région qui est remis régulièrement au consommateur, qui l’a d’ailleurs payé à l’avance. Dans de nombreux pays, ces systèmes se développent de plus en plus. En République tchèque, quelques initiatives sont apparues. Jan Valeška :
« Nous ne nous sommes pas un distributeur. Nous essayons de faire en sorte que les deux mondes se rencontrent, se connaissent pour qu’ils construisent peut-être eux-mêmes ensemble ces systèmes d’AMAP. Mais néanmoins, dans le cadre de la coopération avec Urgenci, nous avons formé avec une vingtaine de consommateurs un de ces systèmes, que nous avons appelé bedynky – petit cageot. Nous sommes maintenant une quarantaine qui venons ici chercher ces petits paniers payés à l’avance. Il y a un grand intérêt de la part des consommateurs. Nous avons environ 150 personnes qui voudraient participer à ce programme mais nous n’avons pas les moyens de l’organiser et même le paysan en question ne veut pas se lier avec autant de clients. »L’intérêt pour l’agriculture biologique est de plus en plus grand. Jan Valeška fait par ailleurs remarquer que 10% des terrains cultivables sont répertoriés biologiques, mais il admet que ces terrains sont peu productifs. Et le nombre d’épiceries labellisées bio ou vendant des produits bio dans les supermarchés a décuplé. Néanmoins, selon Jan Valeška, ces nombreuses boutiques peuvent être trompeuses :
« La vente de produits alimentaires biologiques est déjà un vrai ‘business’, et elle perd parfois tout la dimension sociale et environnementale qu’elle devrait avoir. Acheter des produits de l’agriculteur du coin, d’un agriculteur que le consommateur connaît et non pas des produits qui ont traversé la moitié de la terre, cela remplit ces conditions. »Le monde européen agricole est en crise, et les manifestations des agriculteurs que ce soit à Bruxelles ou dans la plupart des pays de l’Union se multiplient. Pour Jan Valeška, cette gestion de l’agriculture, basée sur un système de subvention, ne va pas forcément dans la bonne direction, même si les agriculteurs biologiques reçoivent également des subventions. Jan Valeška :
« Les agriculteurs ordinaires touchent des subventions et les agriculteurs qui font du bio reçoivent un peu plus en compensation du fait qu’ils prennent soin de la terre. Ces subventions sont relativement élevées et il arrive parfois que des agriculteurs se déclarent bio seulement à cause de ces subventions. Ça entraîne des fraudes et de la spéculation. Et je ne sais pas si ce système de subvention aide ou pas finalement. Et on voit que certaines fermes ne sont pas viables économiquement sans ces subventions. Nous nous demandons dans notre organisation combien de temps on peut pomper de l’argent à l’Etat pour que l’agriculture tienne de cette façon. »Un retour à une agriculture plus proche des gens, à échelle humaine, c’est donc ce que prônent les militants bio. En tout cas, en République tchèque, que ce soit à Prague ou dans d’autres villes comme Brno ou Olomouc, le système des petits cageots ou paniers bio fait de plus en plus d’émules.
www.toulcuvdvur.cz
www.bedynky.cz