Bohumila Grögerová entre les ténèbres et l’espoir

Bohumila Grögerová, photo: CTK

Pour la huitième fois ont été attribués les prix littéraires annuels Magnesia Litera. Lors de la cérémonie qui s’est déroulée le 18 avril au Théâtre des Etats à Prague, dix prix au total ont été remis à des auteurs dans plusieurs catégories mais le prix principal a été remporté par la poésie.

Bohumila Grögerová,  photo: CTK
Un léger vent d’innovation a soufflé cette année sur ce prix littéraire qui est sans doute le plus prestigieux en République tchèque. Pavel Mandys explique les ambitions de l’association Litera qui décerne ces prix et dont il est le directeur :

«Nous avons composé un jury de 35 membres dans lequel ont été délégués des représentants de toutes les institutions et associations littéraires tchèques, la Communauté des écrivains, le Pen Club, l’Académie des Sciences, l’Union des libraires et des éditeurs, etc. Nous avons cherché à créer un jury qui serait le plus grand possible et se rapprocherait des jurys de cinéma et de musique pop. C’est, je crois, un compromis que nous sommes encore capables d’organiser.»

C’est le recueil de poésies Rukopis (Le manuscrit) de Bohumila Grögerová qui a remporté le premier prix doté d’une somme de 200 000 couronnes. La poétesse d’un âge avancé et qui est presque aveugle y donne un témoignage poétique sur sa condition. Le texte dans lequel il n’y pas de signes de ponctuation ni de majuscules, commence par une note tragique – l’auteur y cite le diagnostic de sa cécité. Le recueil débouche pourtant sur l’espoir : tant qu’il y a des amis, tant qu’il reste la fantaisie, la mémoire et la possibilité d’écrire, tout n’est pas perdu. Lors de la cérémonie de remise des prix, Bohumila Grögerová a parlé de la poétesse Viola Fischerová, son amie, qui lui avait donné l’impulsion pour revenir à la littérature:

«Je dois d’abord remercier Viola Fischerová parce que, sans elle, je ne serais pas là. C’est elle qui m’a un peu bousculée et m’a dit : ‘Ecris, s’il te plaît ! Bien que tu sois presque aveugle, tu dois écrire. Tu ne peux pas rester comme ça, à te promener et faire la cuisine …’ »

C’est le scénariste et réalisateur de cinéma Pavel Göbl qui a obtenu le Prix du Premier livre pour sa nouvelle « Tichý společník (Le compagnon silencieux) ». L’auteur travaille surtout pour le cinéma et sa nouvelle, elle aussi, sera bientôt portée à l’écran. Elle est située à la campagne, en Moravie du nord, et évoque les vicissitudes de la vie de quadragénaires solitaires. Parmi les auteurs primés, il y a également le documentariste Martin Ryšavý qui a donné dans son livre « Voyages en Sibérie » une image captivante et désabusée de la Sibérie de notre temps. Nous avons parlé en détail de cette œuvre qui se situe entre le roman et le reportage dans la rubrique « Rencontre littéraire », en février dernier.

Le Prix de la Contribution aux Lettres tchèques a été attribué au Dictionnaire de la littérature tchèque en quatre tomes des auteurs Vladimír Forst, Jiří Opelík et Luboš Merhaut. Cette encyclopédie monumentale retrace en 3 700 articles l’histoire de la littérature tchèque depuis ses débuts, lorsqu’elle était encore écrite en vieux slave et en latin, jusqu’à la moitié du XXe siècle. Le Dictionnaire avait déjà été plébiscitée par l’enquête annuelle du journal Lidové noviny.