Macek: « La scène politique tchèque vient de démontrer son manque de responsabilité »
Pour parler de la crise politique en République tchèque suite au vote d’une motion de censure contre le gouvernement de Mirek Topolánek, Radio Prague a interrogé le politologue Lukáš Macek, qui est également la tête de liste d’une petite formation pro-européenne (SNK-ED) pour les prochaines élections au Parlement européen. Il a d’abord parlé des conséquences de la chute du gouvernement, pour la République tchèque – et pour l’Europe :
« Je crois que les conséquences à long terme seront plus graves pour la République tchèque que pour l’Union Européenne. Si on raisonne en termes d’influence de la République tchèque au sein de l’UE, la scène politique vient collectivement de démontrer qu’elle est extrêmement légère dans sa façon de considérer les choses et qu’elle manque de responsabilité à ce niveau. »
C’est une mauvaise nouvelle pour la ratification du traité de Lisbonne ?
« Je crois qu’il sera important de voir quel arrangement sera trouvé pour régler cette crise gouvernementale et si le traité de Lisbonne fait partie du ‘paquet’ qui va apporter une solution. Mais il est clair que ça rend les choses beaucoup moins prévisibles. Je continue à penser que la République tchèque n’ira pas jusqu’à rester le dernier pays à bloquer si l’Irlande revote positivement. Par contre, cela devient de plus en plus plausible que la solution de la question tchèque par rapport au traité de Lisbonne arrive après le vote irlandais. »
Pour certains politologues tchèques, les vainqueurs dans cette crise sont Václav Klaus d’une part... et Nicolas Sarkozy d’une autre. Qu’en pensez-vous ?« Je n’ai pas pensé à Nicolas Sarkozy... Pour Václav Klaus j’en suis persuadé et je pense que c’est l’erreur fatale de la classe politique de remettre au centre du jeu politique un président réputé pour son attitude très négative par rapport à l’UE. Lui remettre les clés en plein milieu de la présidence, c’est une irresponsabilité sans nom. Pour ce qui est de Nicolas Sarkozy, ce n’est pas faux... Je crois qu’effectivement la présidence tchèque vient de connaître un affaiblissement considérable malheureusement. »
Quelle est désormais la marge de manoeuvre de Václav Klaus ?
« Constitutionnellement il est maître du jeu en ce moment. En plus il faut rappeler que c’est son second mandat et ne peut se représenter. Donc il n’a pas à penser à se faire réélire. On connaît ses positions par rapport à l’UE, donc la tentation d’une sorte de sabotage peut être grande. Maintenant, c’est un ancien premier ministre, et j’espère que c’est un homme politique suffisamment expérimenté pour quand même trouver en lui la responsabilité nécessaire et rechercher l’intérêt de l’Etat avant des jeux politiques ou idéologiques plus ou moins personnels. Sa marge de manoeuvre est large. »Il y a des échéances importantes à court terme pour la présidence tchèque de l’UE avec notamment le G20 à Londres et la venue à Prague de Barack Obama le 5 avril. Le premier ministre démissionnaire peut-il continuer à gérer de tels dossiers ?« Cela dépendra du président de la République : on ne sait pas si Mirek Topolánek sera toujours premier ministre le 5 avril. C’est possible et beaucoup appellent de leurs voeux cette solution mais cela dépendra entièrement du chef de l’Etat. Si c’est le cas, Mirek Topolánek assumera sa responsabilité mais c’est évident que son influence et sa crédibilité se rapprochent de zéro. Un gouvernement démissionnaire qui ne fait que gérer les affaires courantes est un partenaire très faible pour tous les autres partenaires étrangers. En plus, si c’était la solution trouvée, l’irresponsabilité de la chambre des députés qui s’est manifestée hier en devient plus évidente : tout ça pour ça ! S’il fallait enlever la légitimité politique au gouvernement pour qu’il continue à gérer la présidence tout en restant aux affaires pendant trois mois encore, je ne vois pas l’intérêt. »