Lukáš Macek à propos des relations franco-tchèques et de la présidence de l’UE (2nde partie)
Seconde partie de l’entretien accordé par le politologue Lukáš Macek. Le directeur de Sciences-Po à Dijon analyse les relations quelque peu tendues ces derniers temps entre la France et la République tchèque, alors que celle-ci préside l'UE.
-Quand on parle délocalisations, relocalisations, etc., est-ce seulement un conflit d’intérêts entre les deux pays qui se sont succédé à la présidence de l’UE ou est-ce plus généralement une différence de points de vue entre ce que Donald Rumsfeld a appelé un jour la « nouvelle » et la « vieille » Europe ?
« Je dirais ni l’un ni l’autre. Regardez qui sont les autres pays qui ont réagi aux propos du président français : l’Allemagne et aussi la Commission. Je crois que c’est un clivage plus général entre deux conceptions différentes du monde de l’économie, du commerce, du fonctionnement de l’UE entre une tendance plus libérale et une tendance plus étatiste, plus protectionniste, et on pourrait même dire parfois plus nationaliste. Je crois que le clivage ancien/nouveau est très largement artificiel, de même qu’il était artificiel au moment de la guerre d’Irak parce que le clivage entre ceux qui étaient du côté des Etats-Unis et ceux qui s’opposaient à la démarche américaine ne copiait pas le clivage ancien/nouveau. Il y avait à la fois des nouveaux qui étaient contre et des anciens qui étaient pour. Aujourd’hui non plus le débat ne se situe pas dans ce clivage-là. »
-A propos de la guerre d’Irak, on se souvient des propos du président français de l’époque Jacques Chirac, qui avaient marqué le début de moins bonnes relations avec les pays de ce qu’on appelle la nouvelle Europe. Est-ce que les actuels conflits par médias interposés, bisbilles et autres légers incidents diplomatiques entre Paris et Prague peuvent marquer les relations franco-tchèques sur le long terme selon vous ?
« Ce n’est pas très sain, c’est évident. Mais je crois qu’il ne faut pas trop surestimer ce genre d’affaires qui sont très largement des affaires médiatiques et qui seront vite oubliées. De ce point de vue-là je pense que les propos du président Chirac au moment de la guerre d’Irak étaient beaucoup plus nuisibles parce qu’ils touchaient un vrai problème de fond et renforçait un sentiment de malaise des –à l’époque- futurs nouveaux Etats-membres vis-à-vis de la façon dont l’UE peut fonctionner si jamais les grands Etats y gagnent trop d’influence. Le contexte aujourd’hui est complètement différent. D’ailleurs si vous décortiquez cette affaire en particulier, vous vous rendez compte qu’il y a beaucoup de paradoxes. Au fond, lorsqu’on regarde de près ce que le président Sarkozy a dit et ce qui en découle au niveau des actes, ce n’est pas du protectionnisme mais de la concurrence fiscale. Or la concurrence fiscale, c’est ce que le gouvernement tchèque appelle de ses vœux depuis longtemps alors que c’est la France de Nicolas Sarkozy qui a toujours considéré que la concurrence fiscale était nuisible. Là on se situe plutôt dans une sorte de rhétorique politicienne mais quand on regarde le fond il n’y a pas vraiment de problème, pas de conflit frontal. Au moment de la guerre d’Irak il y avait vraiment une différence d’appréciation majeure entre la France et l’Allemagne d’un côté et d’autres pays européens avec la plupart des nouveaux Etats-membres de l’autre. »