Les relations franco-tchèques et la présidence de l’UE
« Les Tchèques font ce qu’ils peuvent » : c’est ce qu’a récemment déclaré le président français Nicolas Sarkozy à propos de la présidence tchèque de l’UE, quelques minutes après avoir déclaré que fabriquer des voitures françaises en République tchèque pour les vendre sur le marché français n’était pas justifiable. Des mots qualifiés d'"incroyables" par le premier ministre tchèque. Le ton est monté d’un cran entre Prague et Paris. Mais au-delà de ces sorties médiatiques, où en sont les relations franco-tchèques ? Radio Prague a joint en France le politologue Lukas Macek, directeur de Sciences-Po Dijon :
Avant le début de la présidence tchèque, tout le monde semblait craindre les sorties eurosceptiques du président tchèque, Vaclav Klaus. Finalement, on a l’impression que celui par lequel arrive la polémique, c’est Nicolas Sarkozy, accusé de protectionnisme...
« Je crois que c’est un peu exagéré de présenter les choses comme ça. En fait ce qui est en train de se passer, c’est ce qui remplissait aussi les journaux dans les mois qui ont précédé la présidence tchèque, à savoir la peur que le président français ne saura pas passer la main aux Tchèques. Je crois que cette dernière affaire avec les constructeurs automobiles entre la République tchèque et la France est une illustration de cette difficulté-là. Quant au président Klaus, ça se situe à un niveau un peu différent. »
Vous en parliez, la RT a été directement visée lors d’une intervention télévisée du président Sarkozy dans laquelle il a parlé d’éventuelles relocalisations avant de revenir sur ses paroles. Propos que Mirek Topolanek a qualifié d’ « incroyables ». D’après le New York Times, les échanges entre Paris et Prague sont dignes « d’insultes d’adolescents dans la cour de récréation ». Est-ce que selon vous ce type d’échanges peut menacer la capacité des pays de l’UE à faire face ensemble à la crise ?« Le jugement que vous citez est cruel, mais je ne suis pas loin de penser la même chose... En soi, cette affaire est une chose sans grande importance, mais elle est très révélatrice de deux problèmes de fond. Du côté français : une sorte de méfiance à l’égard des pays d’Europe centrale, à l’égard de l’UE post-2004 et plus précisément une certaine difficulté du président français à se faire à l’idée qu’après lui la présidence européenne est assurée par la RT. Du côté tchèque : une méfiance assez épidermique à l’égard des grands Etats et notamment la France avec beaucoup de clichés sur la France parmi les élites politiques tchèques et notamment les élites gouvernementales actuelles ».
Que pensez-vous de la presse française sur le sujet ? On a l’impression qu’après avoir beaucoup encensé la présidence française de l’UE la presse française est particulièrement prompte à railler la présidence tchèque...
« Je suis tout à fait d’accord. Je trouve que la presse française a une responsabilité assez lourde, je dirais même que d’une certaine manière elle pousse les dirigeants français à la faute. Parce que d’un côté, comme vous l’avez évoqué, il y a une façon – que personnellement je juge très peu critique – de parler du bilan de la présidence française et du rôle du président Sarkozy pendant ces six mois et de l’autre côté, avant même que la présidence tchèque ait commencé, la presse française était à peu près unanime pour dire que ça allait être mauvaise et pas à la hauteur. Depuis, c’est un peu la chasse à la moindre erreur, chasse que l’on n’a pas remarquée à propos de la présidence française dans les semaines précédentes. Je pense qu’un peu plus d’esprit critique - et aussi tout simplement des efforts pour se renseigner sur la République tchèque, son système et sa situation politiques – ferait beaucoup de bien à la presse française ».
Suite de cet entretien demain.