Danièle Sallenave : «Simone de Beauvoir m’a donné confiance pour choisir librement ma vie.»
Pour célébrer le centenaire de Simone de Beauvoir, l’Institut français de Prague a organisé une conférence dont le but était de rappeler l’œuvre et la vie d’une des intellectuelles les plus remarquables et aussi les plus controversées du XXe siècle, mais aussi de contribuer à la discussion sur la situation et le rôle de la femme à l'époque actuelle. Trois femmes profondément influencées par l’auteur du « Deuxième sexe », ont été invitées pour animer cette conférence : Danièle Sallenave, Madeleine Gobeil-Noël et Hana Havelková. L’écrivain et dramaturge Danièle Sallenave a présenté aux Pragois sa biographie de Simone de Beauvoir intitulée « Castor de guerre » et parue, cette année, aux éditions Gallimard. Elle a expliqué au micro de Radio Prague pourquoi elle a écrit ce livre :
«Mon but n’était pas seulement d’enrichir la connaissance de sa personnalité mais surtout de montrer que les Mémoires de Simone de Beauvoir ne sont pas simplement une biographie où elle raconte des faits. C’est aussi une interprétation qu’elle donne de sa vie. Et cela m’a amusée et intéressée de voir comment elle se voyait, comment elle se décrivait. Une lecture de ses Mémoires le montre.»
Quel rôle cette femme, philosophe et écrivain a joué dans votre vie?
«Ce rôle pour moi, il est tout entier dans la lecture que j’ai faite, dans le premier volume des Mémoires, ‘Les Mémoires d’une jeune fille rangée’, où elle donnait à ceux qui la lisaient, et j’espère aux garçons autant qu’aux jeunes filles, l’idée : ‘Je dois choisir librement ma vie’. Si je suis une femme, je ne suis pas obligée de faire ce que veut la tradition, la religion, la morale. Je peux aussi choisir librement d’être mère ou de ne pas l’être. Et pas seulement. Elle voulait aussi un destin d’écrivain, destin d’une femme qui se choisit librement. Et cela m’a donné confiance.»
Quelles idées de Simone de Beauvoir sur la femme et sur la condition féminine restent actuelles?
«Ce qui me paraît actuel, c’est qu’elle souhaite qu’on n’accepte pas les formes quelles qu’elles soient, tantôt économiques, tantôt, sociales, tantôt religieuses, de soumission des femmes. Elle voit bien que dans l’histoire de l’humanité il y toujours eu deux sexes, et qu’il y avait un sexe qui dominait l’autre. Elle cherche les raisons de cette domination. Elle pense que la principale raison, c’est que la femme ou les femmes font les enfants, et elle pense que ce n’est pas le destin des femmes. C’est une possibilité pour les femmes, ce n’est pas leur unique destin. Mais il y a pourtant beaucoup d’endroits dans le monde où les femmes n’ont d’autre destin que de faire des enfants. Et pour elle, c’est une manière de réduire leur liberté d’être humain.»
(Nous vous proposerons la version intégrale de l’entretien avec Danièle Sallenave, ce samedi, dans la rubrique Rencontres littéraires.)