Legio – Patria nostra : les Tchèques dans la Légion étrangère
Legio – Patria nostra. Tel est le titre du documentaire réalisé pour la première chaîne de la télévision publique par la documentariste Lucie Králová, qui est allée à la rencontre de Tchèques qui se sont engagés dans la Légion étrangère.
Il n’existe pas de chiffre officiel, mais il y aurait, d’après Lucie Králová, quelque 800 Tchèques engagés dans cette structure militaire d’élite, vestige de l’histoire coloniale de la France. La Légion étrangère est entourée d’une auréole de mythes et de mystère, en raison du recrutement de ces soldats, mais aussi de la forte dimension identitaire, voire familiale de ce corps militaire qui n’a pas d’équivalent. Une discipline de fer qui « casse » les plus durs, des règles internes qui peuvent paraître absurdes comme lorsque l’on voit ces soldats repasser leurs lacets de chaussures... Pour le commun des mortels, l’idée de s’engager ainsi corps et âme dans une structure qui a la réputation d’envoyer ses hommes en première ligne, est incompréhensible, ce sont donc les motivations profondes de ces hommes que Lucie Králová a cherché à percer :
« Ce qui m’intéressait, c’était de savoir ce qui pouvait motiver des hommes à suivre des règles et un régime spécial. La plupart des réponses étaient : je veux de l’aventure, j’aime le monde militaire ou la pensée militaire. Il y avait aussi le fait de pouvoir manipuler des armes. Ils ont un véritable besoin d’héroïsme. »Ce sont souvent les événements historiques importants qui influencent les effectifs de la Légion. D’ailleurs, de nombreux anciens SS y ont trouvé une couverture efficace après la Deuxième guerre mondiale, dont témoignent encore certains chants aujourd’hui encore entonnés en version française. La chute du rideau de fer, mais aussi les récents conflits dans les Balkans ont fait grimper les statistiques de nationalités issues des anciens pays du bloc de l’Est. D’autant que fidèle à sa tradition, la Légion, en effaçant l’identité de ses engagés, leur permet de commencer une nouvelle vie. Un des Tchèques interviewés par Lucie Králová explique que la Légion lui a permis d’échapper à certains problèmes qu’il ne détaillera pas face à la caméra.
Les légionnaires interrogés par Lucie Králová ont tous des états de service de longévité différente, certains ont pris la nationalité française, d’autres pas, mais pour tous se pose le problème de l’après-Légion :« Un de ces légionnaires, un vrai phénomène, Stanislav Gazdík qui est resté dans la Légion pendant 15 ans, a écrit un livre sur son expérience. Très officiellement, aujourd’hui, il entraîne des unités d’élite de l’armée tchèque... Sinon, je sais de façon non-officielle, que beaucoup d’anciens légionnaires font aujourd’hui partie de l’armée tchèque. Ils voulaient continuer cette vie militaire parce que c’est dur : dans la vie normale, il y a beaucoup d’incertitudes, alors que là tout est tracé. » D’autres se reconvertissent en « contracteurs privés », un euphémisme pour désigner en fait des mercenaires.
Dotée d’une identité très forte, la Légion étrangère peut apparaître aujourd’hui comme une structure archaïque. Alors, quel est le sens d’un tel corps militaire dans le monde d’aujourd’hui ? Pour Lucie Králová, la réponse est claire :« C’est tout simplement un moyen pour la France de défendre ses intérêts dans ses anciennes colonies. D’après moi, ce n’est rien d’autre. Même si aujourd’hui la Légion joue un autre rôle : celui d’éviter des conflits. J’ai demandé aux anciens légionnaires ce qu’étaient pour eux la Légion. Ils m’ont dit qu’au début, ils pensaient qu’ils allaient pouvoir aider les gens, mais certains ont été très déçus. Ils se sont rendus compte de la prépondérance des intérêts économiques et du fait que la guerre était un business. »
Le documentaire Legio - Patria Nostra a été présenté au dernier festival du documentaire de Jihlava.