Vladimír Holan
Le grand talent d’un des plus grands poètes tchèques du XXe siècle, Vladimír Holan, se reflète déjà dans son recueil L’Eventail délirant publié en décembre 1926 en 750 exemplaires, alors que le jeune poète n’avait que vingt-et-un an. Vladimír Holan n’était pas uniquement poète, auteur de proses lyriques et de poésie épique, mais également un remarquable traducteur. Parmi les nombreux auteurs qu’il a traduits citons Mikhaïl Lermontov, Rainer Maria Rilke, La Fontaine, Charles Baudelaire, Jules Supervielle et bien d’autres.
Vladimír Holan est né le 16 septembre 1905 à Prague, pendant la guerre entre la Russie et le Japon. Par admiration pour les Russes, sa mère appela son fils Vladimír, nom d’origine russe. Depuis l’âge de six ans, il passe son enfance à Bělá pod Bezdězem en Bohême centrale où son père obtient un poste de gérant dans une usine située dans un petit village à proximité de Bělá. La région romantique dominée par le majestueux château de Bezděz, qui inspira entre autre le célèbre poète tchèque et représentant du romantisme Karel Hynek Mácha, influença énormément aussi V. Holan. Ses impressions se reflètent plus tard dans ses œuvres poétiques. On y retrouve la nostalgie des brouillards d’automne, l’odeur des pierres humides des ruines des châteaux des environs, le vent et la profondeur des forêts, les odeurs de résine émanant des pins et du sable pendant les étés torrides.
« Le murmure du château Bezděz couvrait ton adolescence
et les marsaults des petits bosquets.
Le paysage comme un châle ondulait infiniment dans la chênaie.»
(Extrait d’un poème du recueil L’Eventail délirant)
Une plaque commémorative que la ville de Bělá pod Bezdězem a dédiée au poète en 1995, à l’occasion du 90ème anniversaire de sa naissance, se trouve sur le mur du Centre culturel de la ville. Vladimír Holan fait ses études secondaires à Prague. Non seulement, c’est un mauvais élève en mathématiques et en géométrie descriptive, mais c’est aussi un vrai cancre. Tout comme le décrit le poème de Jacques Prévert « Le cancre » dans son recueil Les Paroles :
« Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le cœur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur. »
Son baccalauréat en poche, il se retrouve lancé dans le courant de la vie. Il cherche désespérément un emploi. Il ne trouve qu’une place comme ouvrier journalier. Personne ne veut d’un poète. Le jeune homme est découragé et tourne en rond. Heureusement grâce à son ami, le poète Josef Hora, qui écrit pour lui une lettre de recommandation, il obtient un poste à l’Institut des pensions vieillesses. Evidemment ce genre de travail ne lui convient guère et pendant sept ans, il y vit un véritable martyr. C’est à cette période il publie son recueil Le Souffle (Vanutí) qui attire l’attention des experts en poésie. En 1933, il est envoyé en retraite anticipée pour incapacité totale. Mais la situation n’est pas désespérée car il s’est déjà fait une petite place au soleil dans le monde de la poésie. Il devient rédacteur de la revue artistique La Vie (Život) éditée par la revue Umělecká beseda, dont le rédacteur en chef est Josef Čapek. Il est également rédacteur du « Programme D 40 » publié par le Théâtre de E. F. Burian.
En 1929, alors qu’il est encore fonctionnaire à l’Institut des pensions vieillesses, il réalise un voyage d’étude en Italie et en 1937 en France. Ses poèmes « Europe 1936 », « Aux ouvriers espagnols » et « Madrid » sont à l’époque les plus lus. Le poète sort de sa bulle lyrique et s’engage en politique. Il réagit aux événements de l’époque par les recueils : Septembre 1938 (Září), La Réponse à la France » (Odpověď Francii), Le Chant de l’Epiphanie (Zpěv tříkrálový), dont la vente est interdite en 1939 par les occupants nazis, Le Rêve (Sen) et Le Premier testament » (První testament). En 1940, il participe par ses poèmes, comme d’ailleurs beaucoup d’autres poètes tchèques, au recueil Le Cri de la Couronne (Křik Koruny) publié en 1940 à Paris, et plus tard à New York. Certains des poèmes de Vladimír Holan ont été réunis après la guerre en un unique recueil Par la Plume du Corbeau (Havraním brkem) et publiés en 1946.
Dans les années cinquante, c’est la guerre froide et l’une des périodes les plus brutales du régime communiste. Les ravages sur tous les plans sont spectaculaires. Les poèmes de Vladimír Holan ne vont pas de pair avec l’idéologie d’un communisme stalinien et le poète ne survit que grâce à l’aide de ses amis mieux en vue que lui.
En 1977, la fille du poète meurt. Vladimír Holan est tellement anéanti qu’il cesse définitivement d’écrire.
« La mort arrangeait son visage devant le miroir que je portais sur mon dos. »
(Torse, Essais sur l’art - Torzo, eseje o umění).
Le grand poète tchèque du XXe siècle Vladimír Holan, a définitivement quitté ce monde le 31 mars 1980 à Prague.