Premier festival de poésie franco-tchèque : « Vladimir Holan vit dans chaque poète tchèque »

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Elles sont trois, trois jeunes femmes qui ont de l'énergie à revendre et sont à l'origine du tout premier festival de poésie franco-tchèque à Prague. Il s'est déroulé du 20 au 24 septembre au théâtre Na pradle, dans le quartier de Mala Strana à Prague. Elles ont été bien soutenues par l'équipe culturelle de la Sorbonne également présente à Prague pour assister au fruit de leurs efforts. L'université de Paris a également financé le tout premier recueil commun regroupant des poésies du groupe Avant-Poste et de jeunes poètes tchèques, le tout en version bilingue. C'est donc avant le début de la soirée du 21 septembre, que je me suis entretenue avec elles. Un peu nerveuses malgré tout, de peur que la soirée ne se déroule pas selon leurs attentes, mais toujours enthousiastes car elles savent la qualité des poètes qu'elles reçoivent...

Nous nous trouvons au théâtre Na pradle. Vendredi 20 septembre a commencé le premier festival de poésie franco-tchèque qui est organisé par trois jeunes femmes : Alena Zemlickova, Tereza Riedlbauchova et Petra James-Krivankova. Vous vous êtes toutes les trois rencontrées à la Sorbonne. Alena, pouvez-vous me dire comment est né ce festival ?

« Il faut préciser un peu. Parce que le festival est organisé par l'association Boulvart. Tout ce qu'on voit sur la scène, ce sont des personnes, nous trois, mais derrière, il y a énormément d'amis qui nous ont énormément aidés. »

On précise tout de suite que dans le nom de l'association il y a un jeu de mot puisque c'est Boulvart, avec un t et sans e. Revenons à la naissance de ce festival qui a lieu à Prague, Tereza :

« Un jour on s'est retrouvées avec Alena dans un café au centre de Prague, et elle m'a dit qu'elle avait une idée géniale, de faire un festival de poésie qui va circuler, à l'automne à Prague et au printemps à Paris. »

Alena : « Et qu'on va réunir tous nos amis, les gens qu'on connaît, tous les gens qui font des arts, c'est-à-dire de la poésie, la peinture, et qu'on va essayer de les faire se rencontrer. »

Ce festival dure quatre jours, c'est quand même assez long, ce qui fait qu'il y a le temps de poser les choses, d'avoir des invités, de se parler et de se rencontrer, de faire des lectures. Ce n'est pas qu'une soirée. Pouvez-vous détailler le déroulement des soirées et les invités. Petra :

« Chaque soirée est un peu différente. Vendredi, la soirée a été ouverte par Petr Kral qui est un poète emblématique de ce contact entre la France et la République tchèque, entre Paris et Prague ; et puis avec des poètes tchèques déjà assez connus comme Petr Hruska ou Pavel Kolmacka. On a eu aussi des poètes français. Et la soirée de samedi présente de jeunes auteurs, mais déjà avancés, des poètes de l'association Avant-poste avec laquelle nous avons publié un recueil pour ce festival, ainsi que de jeunes poètes tchèques. On a aussi des soirées dédiées aux étudiants de la Sorbonne et de l'université Charles. »

Alena : « Comme Petra l'a dit, la soirée de vendredi, c'était pour lancer le festival et surtout créer des contacts. On a tissé les relations entre Prague et Paris, avec deux grands poètes dans la première soirée : Petr Kral, pour Prague-Paris, et Lionel Ray pour Paris-Prague. Petr Kral est quelqu'un qui a vécu dans les deux villes, une moitié de sa vie à Paris, l'autre à Prague. Il y a aussi Jean-Pierre Lemaire, un grand poète français, mais aussi grand admirateur de Vladimir Holan. Il est venu à Prague juste avant la Révolution de velours. Il nous a justement dédié un petit texte où il décrit comment il a vécu ces moments. »

Justement, j'ai lu ce texte qui est en effet très beau. Il évoque Vladimir Holan, rappelle ce que l'on sait, que le poète a vécu reclus et a créé en reclus, qu'il n'a pas connu évidemment la chute du mur, il parle des jeunes poètes tchèques et dit : vous qui ne l'avez pas connu, vous êtes quand même dans sa continuité, c'est plutôt un beau compliment, comme si l'esprit de ce poète qu'il aimait se retrouvait dans la jeune génération...

Alena : « Bien sûr, parce que Holan vit dans chaque poète tchèque, dans nous... »

J'ai vu que vous aviez aussi vos poèmes à vous, Alena et Tereza... Qu'est-ce qui vous amenées à la poésie, plutôt qu'un autre moyen d'expression et de création ?

Tereza : « C'est un peu difficile à expliquer. Quand j'étais petite, je voulais être cantatrice, j'avais beaucoup d'admiration pour l'opéra. J'ai commencé à écrire de la prose. A quinze ans, j'ai commencé à écrire des poèmes. J'ai découvert qu'avec la poésie je pouvais mieux comprendre les choses. »

Vous écrivez en tchèque ?

« Oui en Tchèque. »

Et vous pensez écrire en français ? Ou bien ce n'est pas votre langue d'expression naturelle pour la poésie.

« J'ai essayé, mais ça n'a pas vraiment marché. Par contre Alena écrit en français. »

Qu'est-ce qui vous fait alors écrire en tchèque ou en français ?

Alena : « Cela dépend du lieu où je suis. Donc quand je suis à Paris, c'est-à-dire la majeure partie du temps maintenant, j'écris en français. Quand je suis à Prague, ici, maintenant, samedi, le 22 septembre, eh bien, j'écrirai peut-être en tchèque... »

Alors, suite des événements : à l'automne, le festival est à Prague et au printemps il sera à Paris. Comment cela sera-t-il organisé à Paris ? Vous allez faire venir des poètes tchèques à Paris pour l'équivalent français de ce festival ? Petra :

« Oui, c'est ce qu'on espère en tout cas. Ca devrait être une sorte de reflet du festival de Prague. On aimerait donc faire venir les mêmes poètes à Paris, travailler plus sur la version française des poèmes en tchèque ou préparer d'autres projets liés aux poètes qui vont venir, ou d'autres projets liés aux anniversaires tchèques de l'année prochaine autour du chiffre 8, qui pour certains poètes qui ont participé au festival sont des dates importantes. »

Vous avez une première publication, un recueil, y en aura-t-il d'autres ? Alena :

« Oui, on aimerait encore travailler avec les auteurs et préparer un autre recueil bilingue. »

Je précise encore que le festival, tel qu'il est conçu, ce ne sont pas que des lectures de poésie, il y a de la musique et une exposition. Tereza :

« Oui, le festival est accompagné chaque soir par un autre pianiste. On a aussi un trio de jazz : contrebasse, saxophone et piano. Nous avons aussi une petite pièce de théâtre et une exposition de peintres français et tchèques. »