František Kupka, mystique et patriote
Les 7 et 8 octobre prochains, la région de Hradec Králové rendra hommage au grand peintre abstrait František Kupka, à l’occasion d’un colloque. Ces deux journées tenteront d’appréhender l’artiste sous différents angles : français, tchèque et européen. Un documentaire lui étant consacré devrait être à cette occasion montrer au public. Radio Prague s’est entretenu avec une des intervenantes au colloque, l’historienne de l’art Anna Pravdová et lui a demandé quelle était la place et la réception de František Kupka en France où il a vécu la majeure partie de sa vie.
« Aujourd’hui bien sûr il est considéré comme un grand pionnier de l’art abstrait, reconnu par l’ensemble des historiens de l’art et de la critique. Même s’il y a toujours des discussions pour savoir qui était le premier. Mais je pense que ça n’a pas beaucoup d’importance. A l’époque, on connaît bien les réactions suscitées lorsqu’il a exposé ses premières toiles abstraites au Salon d’Automne en 1912. Ses toiles ont suscité un tollé. Il a dû se défendre et même, il n’a pas vraiment été soutenu par les gens dont il espérait le soutien. En même temps, il y a eu quelques réactions positives, il ne faut pas dire que non, mais en général il a été critiqué. J’ai pu regarder dans les journaux de l’époque les réactions des critiques, et j’ai constaté à mon grand étonnement, que par rapport à d’autres artistes tchèques dont aujourd’hui on ignore le nom et qui ont exposé en même temps que lui au Salon, ceux qui faisaient une peinture traditionnelle ont eu beaucoup plus d’échos dans la presse que Kupka qui, aujourd’hui, est le plus important de tous ! Cela m’avait un peu surprise. Même si on parle de Paris à l’époque comme d’un centre cosmopolite de l’art moderne, la critique était assez traditionnelle à l’époque. »
František Kupka a vécu la majeure partie de sa vie en France. Quel était son rapport à la Tchécoslovaquie ? On sait que c’était un patriote, mais quel était son rapport vis-à-vis de son pays d’origine ?« Je pense qu’il était très attaché à son pays d’origine, mais en même temps il voyait certaines choses : il appelait cela de l’atavisme. J’ai pu lire les compte-rendus qu’il écrivait chaque année après les cours qu’il donnait à ses étudiants tchèques de l’Académie des Beaux Art à Paris. Il envoyait ces compte-rendus à Prague. Il y écrit plusieurs fois qu’il faut combattre le caractère plébéien des Tchèques, les rendre plus indépendants, plus autonomes. Il se plaignait de leur indifférence, il voulait leur présenter des artistes français par exemple, et il disait : ‘les étudiants tchèques ne veulent que prendre, ils ne donnent pas, j’ai beaucoup de mal à les faire discuter, ils ne sont pas à la hauteur, je n’ose plus leur présenter mes collègues’. Donc il était assez critique mais en même temps très attaché, et toujours prêt à mettre son talent au service du pays. On connaît son engagement pendant la Première Guerre mondiale mais même pendant la Deuxième Guerre, il a dessiné des scènes de l’histoire slovaque, il a proposé ses services à l’ambassadeur parce qu’il ne pouvait plus s’engager dans l’armée à son âge. Mais il a proposé de mettre son talent au service de la propagande en faveur de la libération de la Tchécoslovaquie. »
Quelle est la part d’inspiration de son enfance dans la région de Hradec Králové ? Est-ce qu’on peut retrouver des traces de la région, des gens, de la culture tchèque dans son oeuvre ?« C’est difficile de répondre, ma réponse sera subjective. Je pense que cette région de la Bohême orientale a quelque chose de très mystique. On sait que c’était un centre du spiritisme avec la Bohême du Nord. Beaucoup de peintres médiums proviennent de cette région. Encore aujourd’hui, ces activités sont très vivantes dans cette région. En même temps, quand on voit le paysage, l’architecture baroque et l’aspect mystique de cette région, je pense que ça a marqué le jeune Kupka. »