La restauration collective, entre polémique et développement
Les récentes polémiques sur la suppression des tickets-restaurant a remis sur le devant de la scène les cantines d’entreprise, ces géants de la restauration collective que sont par exemple Sodexho ou Accor Services. Un business en pleine floraison.
Si Mirek Topolánek et l’ODS parvenaient à faire aboutir leur projet de suppression des tickets-restaurants, les grandes chaînes de restauration s’adapteraient-elle à la répercussion d’une telle mesure sur le portefeuille des clients ?
Au début de l’année, Sodexho Pass avait d’ailleurs essayé d’influencer le gouvernement qui tentait de faire passer son projet de suppression de tickets-restaurants. Une initiative qui avait fait un beau scandale. Des journalistes de la télévision avaient découvert que Sodexho Pass avait demandé à une société de communication, No Comment, d’influencer le gouvernement. Prix du service : 100 000 euros. Accusé de lobbying, un terme nettement plus péjoratif en Europe qu’aux Etats-Unis, Sodexho a finalement abouti au résultat inverse de celui escompté : en découvrant la manœuvre, certains membres de l’opposition, auparavant hostiles à la suppression des ticket-restaurants, ont changé de cap et ont défendu le projet gouvernemental !
Malgré la polémique, il n’empêche que l’action de Sodexho Pass, aussi controversée soit-elle, rejoint l’opinion des utilisateurs de ticket-restaurants, en majeure partie des employés. Des études récentes menées par le groupe hollandais ING Group ont révélé qu’avec la sécurité sociale, les ticket-restaurants représentaient les acquis les plus importants pour les employés.
Malgré ces nouvelles de mauvaise augure, le secteur de la restauration collective ne semble pas en crise. La montée des prix et des denrées alimentaires ne les touche pas de plein fouet. Ainsi Sodexho Pass, outre ses activités de cantine pour entreprises et écoles, compte se développer dans le domaine des municipalités, des industries et même les institutions hospitalières.
Sodexho compte 500 000 clients en République tchèque et plus de 30 000 partenaires commerciaux. L’ensemble des acteurs du secteur, qui comprend également Chèque Déjeuner, Exit Group ou encore Accor Services CZ, réalise un chiffre d’affaire annuel d’environ 585 millions d’euros.
Focus sur une multinationale installée à Prague. Sous la pression de plusieurs employés, la direction s’est engagée, par mails, à améliorer l’offre de la cantine, gérée par une société que nous ne citerons pas. Après quelques relances, les revendications ont porté leurs fruits même si ce n’est pas encore parfait.Nous avons interrogé Tereza, l’une des employées. Voici son témoignage : «Oui je mange à la cantine de mon entreprise, j’y vais environ trois ou quatre fois par semaine. J’y dépense à peu près 100 couronnes, donc en fait je donne un ticket restaurant (ils sont à 80 Kc) puis j’ajoute encore des couronnes à côté. Un ticket n’est pas suffisant. »
A la question du rapport qualité/prix, Tereza est claire : « Je pense que le rapport qualité/prix n’est pas très équilibré et mes collègues m’ont confirmé qu’il est finalement meilleur dans les restaurants situés autour de mon lieu de travail.» Idem pour la quantité : « Pour moi, la quantité est suffisante mais j’ai entendu certains de mes collègues masculins pour qui cela ne l’était pas. Concernant la qualité, je dois avouer que je ne suis pas très satisfaite. Parfois, c’est pas mal mais si je compare avec les autres restaurants, je trouve les prix un peu élevés à la cantine.»
Enfin, nous avons demandé à Tereza son opinion sur le projet gouvernemental de supprimer les tickets-restaurant : «Je peux dire que je suis contre, ils me sont utiles, par exemple je dépense les tickets restaurant qu’il me reste dans les magasins où il sont acceptés. J’achète aussi, avec, des produits alimentaires. Ce serait dommage de les supprimer».
Il faut noter que dans cette compagnie, qui possède des bureaux un peu partout dans le monde, les cantines collectives ne sont pas toutes les mêmes. Ainsi, à Paris, c’est une autre compagnie de restauration que celle de Prague qui sert de cantine. A Prague, un repas revient à 100 Kč, soit 4,20 euros. On propose trois plats différents tous les jours, pas vraiment variés, sauf en ce qui concerne la qualité. A Paris, pour à peu près moitié moins cher, on a le choix entre trois restos (grillades, cuisine italienne et poissons) et c’est franchement bon.
On voit donc clairement que les directions à Paris et à Prague ont fait des choix différents. Question d’adaptation culturelle, les Français sont plus difficiles que les Tchèques. On le voit, le secteur obéit aux lois universelles du marketing.Mais le plus troublant, c’est qu’au final, malgré une catégorie inférieure, la cantine à Prague revient à peu près deux fois plus cher. Un constat sans doute lié à la montée des prix, beaucoup plus virulente en République tchèque qu’en France.
Eloquent à ce sujet, un phénomène qu’on observe depuis peu ; des Tchèques vivant à la frontière vont faire leurs courses alimentaires en Allemagne, tout simplement parce que c’est moins cher. Avant, le mouvement allait dans le sens inverse ...