Naissance d’un style

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Les visiteurs de l’exposition intitulée « Le Rêve de Bruxelles » à la Galerie municipale de Prague ont l’occasion unique de replonger dans les années 1950 et 1960 et de découvrir ce qui a été à l’origine de l’immense succès tchécoslovaque à l’EXPO 58.

Bruxelles 1958. Le pavillon tchécoslovaque à l’Exposition universelle remporte la victoire parmi tous les pays participants. De longues files se forment devant ses portes et l’on s’arrache les places pour la Lanterne magique, spectacle qui marie de façon ingénieuse le cinéma et le théâtre. La propagande tchécoslovaque jubile en affirmant que le succès de notre pavillon est aussi celui du régime communiste en Tchécoslovaquie. Selon la commissaire de l’exposition de la Galerie municipale Daniela Kramerová, cette image éclatante de la Tchécoslovaquie communiste n’était cependant qu’une grande illusion :

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« L’exposition tchécoslovaque à Bruxelles était bien loin de la vie véritable en Tchécoslovaquie de cette époque-là. Ce n’était qu’une espèce de rêve bien court qui n’allait pas tarder à être coupé par un réveil dans une réalité bien rude.»

Toujours est-il que le travail d’architectes, de scénographes et de designers tchécoslovaques présenté à l’Expo a été admirable. On ne peut pas nier non plus que le style que les auteurs de l’exposition avaient donné au pavillon tchécoslovaque, a fortement influencé le design de l’époque et s’est répercuté dans la vie de la population tchécoslovaque.

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« Des gens simples exigeaient désormais que les articles créés dans ce style soient disponibles dans les magasins… » rappelle Vanda Skálová, l’autre commissaire de l’exposition « Le Rêve de Bruxelles ». Les formes et les couleurs de cette nouvelle mode qui sera appelée communément « style de Bruxelles », s’imposent rapidement dans la production industrielle et déclanchent une vague qui déferle sur tous les arts appliqués. Jiří Hulák du Musée national technique révèle les causes moins évidentes de l’intérêt des designers pour ces nouvelles formes de création dans une économie complètement étatisée :

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« Les designers pouvaient travailler, pour ainsi dire, pour leur propre compte et coopérer avec des entreprises de production sous forme de commandes. C’était bien avantageux pour eux aussi sur le plan financier.»

Objets de verre et de porcelaine, meubles, tapisseries, art graphique, architecture, vêtements, articles électroménagers, jouets - tout ce qui forme l’aspect visible d’une civilisation sera désormais marqué par le nouveau style qui continuera à évoluer et à s’affiner encore au début des années soixante. Pour Robert Novák de l’atelier du design Olgoj Chorchoj, c’était probablement le dernier style authentique:

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« C’était la dernière époque génératrice d’un style. On ne peut pas dire la même chose, par exemple, des années soixante-dix. Peut-être que quelqu’un analysera un jour aussi cette période, mais il sera difficile d’y trouver un style aussi compact que celui des années soixante. »

Les auteurs de l’exposition «Le Rêve de Bruxelles» sont cependant loin d’idéaliser cette période. Ils ne cessent de rappeler ses aspects idéologiques qui défiguraient et asservissaient même le nouveau style. Ils ne cachent pas non plus que le style de Bruxelles a parfois dégénéré dans un formalisme de mauvais goût et que la réalisation des projets de designers de l’époque était souvent bâclée. Il est pourtant évident et l’exposition actuelle le démontre, qu’il ne s’agissait pas que d’un «rêve» mais d’un chapitre bien réel et bien important de l’histoire du design et des arts plastiques tchèques et slovaques.